Couverture du journal du 12/04/2024 Le nouveau magazine

L’entretien : André Lorieu et Jean-Pierre Morin, Crédit Mutuel Océan : « Un ancrage territorial assumé »

Au Crédit Mutuel Océan, le concept de pyramide inversée est le socle du management. Choisi par les 118 caisses locales et les 1 280 administrateurs de la banque mutualiste, le binôme André Lorieu, président élu en 2015 et Jean-Pierre Morin, directeur général depuis 2019, se définit à la fois comme héritier d'une entreprise riche de 120 ans d’histoire et de fonds propres et comme passeur d'un modèle fondé sur l'entraide au développement des territoires, de la Vendée à la Charente-Maritime en passant par les Deux-Sèvres.

Jean-Pierre Morin, André Lorieu, Crédit Mutuel Océan

Jean-Pierre Morin, directeur général du Crédit Mutuel Océan & André Lorieu, président du Crédit Mutuel Océan © Benjamin Lachenal

En quoi une banque mutualiste est-elle différente d’une banque commerciale ?

JPM : Créé il y a 120 ans, le Crédit Mutuel Océan était à l’origine une caisse d’entraide impliquée dans le développement économique et social du territoire. Les principes fondateurs persistent aujourd’hui. Contrairement à une banque commerciale qui rend compte à ses actionnaires, le Crédit Mutuel est responsable vis-à-vis de ses sociétaires. Ce sont eux qui élisent leurs représentants dans les différentes instances du groupe, des conseils d’administration des caisses locales jusqu’au conseil d’administration de la fédération et de la caisse fédérale.

Quels sont les atouts de ce modèle ?

AL : C’est la capacité à définir une stratégie au service des habitants du territoire et en tenant compte de sa spécificité. C’est très engageant. C’est la réussite des habitants qui fait la réussite et la raison d’être du Crédit Mutuel Océan et non l’inverse. Et cette proximité et cet ancrage territorial assumé sont les éléments centraux de notre modèle de développement. Nous avons l’ambition de continuer à créer des conseils d’administration afin de mieux refléter les besoins et les projets locaux. Nous venons d’ouvrir une nouvelle caisse locale à Pont-l’Abbé-d’Arnoult en Charente et d’autres projets sont en cours.

Ce modèle est aux antipodes de ce que l’on observe avec le regroupement d’agences, la digitalisation des services bancaires et la dépersonnalisation du conseil. Comment faites-vous pour maintenir cette relation de proximité ?

AL : Au CMO, le développement se construit autour de nos agences, ce qui n’oppose en rien digital et humain et dans notre projet « Ensemble, construisons demain », nous réaffirmons le maintien des agences et des effectifs. Sur notre territoire, Vendée-Charente-Maritime-Deux-Sèvres, nous avons 118 caisses locales et 180 agences jusque dans les plus petits bourgs. Nous employons six salariés en moyenne par agence, soit environ 1 000 personnes. Si vous trouvez l’église, vous trouverez une agence du CMO. La fermeture des agences dans notre modèle serait une vision court-termiste et totalement opposée à nos valeurs. C’est comme si l’on disait que le médecin ne pouvait pas faire une consultation à distance !

JPM : Nos agences sont un rempart contre la désertification des communes. Car au-delà d’être une banque, le CMO est une entreprise de services de proximité. Nous amenons sur le territoire des services utiles aux habitants dans notre cœur de métier, la banque et l’assurance, mais aussi la téléphonie, la location de voiture, le télépéage, la télésurveillance. Autant de services qui nous assurent des revenus additionnels, mais qui sont avant tout utiles à nos clients. Certes le digital a transformé la fréquentation des agences. On y vient moins pour les opérations courantes comme un virement ou une consultation de compte. Mais la relation client a évolué vers des services à valeur ajoutée et plus de temps consacré à l’écoute des projets de nos sociétaires et clients. Au CMO, chaque client est en relation avec un conseiller personnel.

Ça veut dire qu’ils sont capables de répondre à toutes les demandes ?

JPM : Nous avons fait le choix de ne pas spécialiser les collaborateurs. Le conseiller est au cœur de la relation. Tous nos conseillers ont un socle commun de compétences. Ils sont ainsi en mesure d’apporter du conseil et de répondre aux demandes en matière de crédit, d’épargne ou d’assurances. 97 % des accords de crédit sont délivrés directement par les agences. Ce qui sous-entend que nos clients disposent de réponses rapides pour les aider à la concrétisation de leurs projets. Et pour les demandes plus complexes, ils peuvent s’appuyer sur des experts du siège. Nous leur donnons tous les moyens d’exercer leur métier dans une relation personnalisée. Nous formons et nous certifions 100 % de nos collaborateurs dans les agences. Nous consacrons 6 à 7 % de la masse salariale à la formation et trois à quatre jours par collaborateur et par an pour maintenir leur certification.

AL : C’est un choix sociétal fort d’entretenir les compétences de nos collaborateurs. À la fois pour leur évolution professionnelle au sein de l’entreprise et pour apporter le meilleur service aux clients.

Vous dites avoir une responsabilité sociétale auprès de vos salariés. Comment traduisez-vous cela concrètement ?

Nous aidons les femmes et les hommes à grandir dans l’entreprise quel que soit leur statut. Nous recrutons les gens autant pour leur valeur que pour leurs compétences. Nous laissons beaucoup d’autonomie aux collaborateurs que ce soit sur la gestion de leur portefeuille clients ou dans l’organisation de leur journée de travail. Les salariés ne sont pas commissionnés sur la vente de produits. Nous proposons de beaux contrats d’intéressement et de participation, des RTT. Nous co-construisons le projet d’entreprise en atelier collaboratif. Et l’ascenseur social fonctionne même au niveau local parce que nous avons beaucoup d’agences.

Crédit Mutuel Ocean

Au siège du Crédit Mutuel Océan, 500 personnes travaillent au soutien des conseillers personnels des 180 agences. © CMO

Justement quels ont été vos parcours respectifs au sein du Crédit Mutuel Océan ?

JPM : À 55 ans, j’y ai fait toute ma carrière. Je suis entré par hasard comme conseiller bancaire dans l’agence de La Chaize-le-Vicomte en 1989 avec une formation compta/finance après l’envoi de mon CV. Ils ont répondu favorablement et l’aventure a démarré. J’ai été nommé directeur général en 2019. Comme moi, 100 % du comité de direction est issu de l’interne. Cela permet d’assimiler et de transmettre les valeurs fondamentales du CMO.

AL : Je suis agriculteur et je suis entré par la branche agricole comme sociétaire en 1990 à la caisse de Chantonnay avec la volonté de développer mon activité. J’ai été élu au conseil d’administration de la caisse en 1996. En 2015, à 53 ans, j’ai pris le poste d’administrateur de la caisse fédérale à la Roche-sur-Yon dont j’ai été élu président. L’activité d’administrateur est bénévole, ce qui permet aux administrateurs d’être les représentants de leur territoire puisqu’ils continuent de travailler.

Vous annoncez une centaine de recrutements par an. Comment trouvez-vous vos recrues ?

AL : Sur 1 500 collaborateurs, nous avons une centaine de postes à pourvoir chaque année, essentiellement pour remplacer des départs en retraite ou des mutations géographiques choisies. Il y a peu de démissions. Le taux de fidélité au CMO est fort. Pour le réseau d’agences et le siège, les recrutements sont réalisés par les managers avec l’aide des experts RH. Nous avons noué des partenariats d’alternance avec des écoles en licence en banque assurance, nous organisons des job dating au cours desquels nous expliquons nos valeurs, ce que l’on fait et comment on le fait. Chez nous, l’engagement durable et la confiance sont au cœur du métier. Elle démarre avec le client et la réponse à son besoin. Elle se mesure à la durée de nos partenariats. Si les postulants ne sont pas en adéquation avec cela, mieux vaut qu’ils ne postulent pas.

JPM : Sur un marché en tension, nous avons dû diversifier notre sourcing. Nous recrutons aussi via les réseaux sociaux, nous expérimentons également des schémas de reconversion et nous encourageons la cooptation car nous croyons que nos collaborateurs sont nos meilleurs ambassadeurs. Elle fournit environ une vingtaine de recrues par an.

Comment se répartit votre activité ?

JPM : Nos parts de marché s’établissent autour de 30 % sur notre territoire, dont 40 % en Vendée. Nous sommes très présents sur tous les marchés, qu’ils soient particuliers, entreprises, agriculteurs, associations et collectivités. Le service aux particuliers représente 85 % de notre activité. Outre les services classiques, nous consacrons une part importante de notre résultat à la solidarité à travers divers dispositifs : nous avons développé des budgets de solidarité pour les particuliers et les associations, nous distribuons aussi le microcrédit social en lien avec des acteurs locaux. Côté associatif, nous aidons plus de 6 000 associations pour un montant significatif de 2,6 M€ chaque année. Dans le sport, nous soutenons principalement les équipes de sport collectif comme le basket, le foot ou le hand. Dans la culture, nous sommes engagés dans 17 festivals de musique, des Francofolies de la Rochelle au festival de Poupet. Nous intervenons non seulement sur le volet financier mais aussi humain et technique notamment grâce à notre partenariat avec HelloAsso, afin de leur permettre de gérer gratuitement leur billetterie, leurs adhésions ou des campagnes de dons.

Quelles sont les actions que vous menez à destination des entreprises ?

JPM : Nous aidons les créateurs d’entreprise qui sont d’abord des particuliers avant de devenir des entrepreneurs. Le CMO distribue des prêts d’honneur à la création et soutient financièrement et physiquement les réseaux d’aide à la création d’entreprise comme Réseau Entreprendre ou Initiative Vendée. Nous sommes partenaires des chambres consulaires : Chambre de commerce et d’industrie, Chambre de métiers et Chambre d’agriculture sur nos trois départements. Avec Océan Participations, notre filiale de capital développement, nous intervenons au capital des sociétés pour favoriser la transmission et maintenir les centres de décision sur le territoire. Nous avons une centaine de participations minoritaires dans des entreprises locales. Depuis 1990, nous avons investi plus de 100 M€ via ce fonds. Nous sommes fiers d’avoir contribué au maintien de l’emploi sur le territoire.

Quel a été l’impact du Covid sur votre activité ?

AL : Avec l’engouement des Français pour l’immobilier, et les déplacements de population dans les territoires, nous avons réalisé une très belle année 2021 en prêts immobiliers. Les contraintes sanitaires et les absences ont désorganisé les équipes, mais leur agilité et la mise en place du télétravail ont permis d’assurer une continuité de service et de maintenir 100 % des agences ouvertes, même au plus fort de la crise. La crise sanitaire nous a amenés à faire preuve d’agilité pour continuer notre mission tout en préservant la santé de nos équipes. Les rendez-vous en visio, le développement de la signature électronique et le télétravail nous ont permis de rebondir efficacement pour maintenir l’activité et rester présents pour le client.

JPM : Nous avons accompagné beaucoup d’entreprises pour la mise en place du PGE ou les reports d’échéance, c’est notre rôle et nous l’avons fait et je suis très fier de l’engagement de nos collaborateurs au moment où nos clients en avaient le plus besoin. Du côté des partenariats sportifs et culturels, nous avons maintenu les budgets même si les manifestations n’ont pas eu lieu. Ce n’était pas le moment de les lâcher. Et nous avons maintenu nos effectifs et nos recrutements. Au niveau des particuliers, nous proposions le report d’échéance d’emprunt. Mais nous avons eu peu de demandes. Nous avons supprimé le questionnaire médical pour les clients ayant une ancienneté de plus de sept ans dans nos établissements. Aujourd’hui, nous avons retrouvé un niveau d’activité supérieur à 2019. La machine économique s’est remise en marche. Finalement, cette crise sanitaire nous a permis d’aligner nos actes sur notre raison d’être : « S’engager durablement à vos côtés ».

Crédit Mutuel Ocean

Le Crédit Mutuel Océan soutient 6 000 associations et événements du territoire © CMO

Le Crédit Mutuel Océan en chiffres

  • Basé à la Roche-sur-Yon, le CMO emploie 1 500 salariés dont 1 000 dans ses 180 agences. 500 personnes travaillent au siège dont 250 sur les fonctions support (RH, comptabilité, finances, administratif, informatique…). 150 sont des experts dédiés à la gestion patrimoniale, à l’entreprise ou à la filiale de haut de bilan (Océan Participations) et 50 relaient les conseillers indisponibles sur trois plateformes téléphoniques basées à La Roche-sur-Yon, Niort et Rochefort.
  • La banque mutualiste intervient sur trois territoires : la Vendée (106 agences), la Charente-Maritime (46 agences) et le sud des Deux-Sèvres (25 agences).
  • Elle compte 1 280 administrateurs dans 118 caisses locales organisées en 7 secteurs.
  • La banque revendique 630 600 clients dont 441 000 sociétaires.
  • Son produit net bancaire (PNB) s’est établi à 265 M€ en 2020 et son résultat net à 50 M€, les encours d’épargne s’élèvent à 17,9 Mds€ et les encours de crédit à 14,3 Mds€.