Pouvez-vous revenir sur l’origine de l’entreprise et le moment où vous en avez pris les rênes ?
La brasserie Mélusine a été créée en 2001, bien avant la mode des bières artisanales. En 2005, l’entreprise placée en liquidation financière en raison d’un important déficit financier a été reprise par mon père, Philippe Boiteau. Distributeur de boissons à Nantes, il venait de vendre sa société à France Boissons, propriété du groupe Heineken. À la suite de ce rachat, mon père a été aidé par la brasserie Lancelot (l’une des premières brasseries bretonnes, NDLR) qui, à partir de 2006, a sous-traité la production de la bière pour Mélusine et permis le redémarrage de l’activité en 2007. De mon côté, j’étais à l’époque directeur des ventes chez Micro-Application, une maison d’édition de logiciels où je suis resté pendant 15 ans. Je vivais la semaine à Paris et retrouvais ma famille le week-end à Nantes. Alors que je souhaitais revenir dans l’Ouest, fin 2008, mon père m’a annoncé qu’il voulait mettre un terme à son activité. La brasserie générait peu de chiffre d’affaires, et pour lui cela devenait de plus en plus de compliqué de faire les aller-retours entre Nantes, où il résidait et Chambretaud. J’ai repris l’entreprise, sans réfléchir.
« Dès le départ, j’ai pris de gros risques financiers en me disant qu’il fallait investir pour que ça fonctionne. »
Par quoi avez-vous commencé ?
Je suis reparti de zéro. J’ai d’abord quitté mon travail et fait une demande pour obtenir l’Acre[1]. Dès le départ, j’ai pris de gros risques financiers en me disant qu’il fallait investir pour que ça fonctionne. Peu de temps après mon arrivée en janvier 2009, j’ai fait un emprunt à la banque et investit à hauteur de 800 k€, alors que nous faisions 325 k€ de chiffre d’affaires, pour agrandir les locaux, changer l’outil de brassage et acheter une ligne de conditionnement automatisée. Nous étions cinq à l’époque, tout le monde mettait la main à la pâte mais personne n’avait de tâches bien définies. L’achat de matériel a permis à chacun de trouver sa place pour enfin avancer.
Comment passe-t-on du métier de commercial à celui de brasseur ?
Je suis diplômé en marketing vente, mais je connaissais déjà ce milieu puisque que mes parents et mes grands-parents avaient évolué dans le secteur de la distribution de boissons. Dans ma jeunesse, j’ai souvent eu l’occasion de travailler avec eux, notamment en livrant dans les bars. Par ailleurs, lorsque j’étais commercial, j’ai découvert le secteur de la grande distribution. La bière se vend en effet aussi en grande surface, et finalement que l’on vende des logiciels ou des bouteilles de bière, on a affaire aux mêmes acheteurs, au même système comprenant des CGV, des services, des livraisons. Pour la partie production, il suffisait d’embaucher pour développer une bière de qualité. J’ai ainsi recruté un ingénieur en brasserie, Laurent Bertaud, qui est associé au capital de l’entreprise aujourd’hui.
À quoi ressemblait le marché de la bière quand vous avez repris la brasserie Mélusine ?
À l’époque on comptait environ 200 brasseries artisanales en France, représentant moins d’1% du marché, tandis que 75 % étaient détenus par les trois principaux acteurs industriels internationaux : le groupe belgo-brésilien AB InBev, le plus gros brasseur dans le monde (propriétaire des marques Corona, Stella Artois, Hoegaarden, Leffe), le néerlandais Heineken et le danois Carlsberg. Pour le reste, il s’agissait essentiellement de bières d’importations allemandes et belges. À ce moment-là, nous proposions quatre ou cinq produits plutôt classiques, de style bière belge, mais nous n’avions pas encore véritablement d’histoire à raconter. Nous avions retiré l’expression « Bière de Vendée » qui selon moi ne voulait pas dire grand-chose parce que la Vendée n’est pas une terre de bière à l’origine et nous avons misé sur le concept de bière artisanale ou « craft » pour pouvoir distribuer notre bière à l’extérieur du départe…