Couverture du journal du 03/05/2024 Le nouveau magazine

Comment le coworking s’empare de l’artisanat

Pour commencer à se développer, les artisans sont de plus en plus nombreux à se tourner vers des campus artisanaux et autres ateliers en coworking. IJ décrypte ce nouveau phénomène avec plusieurs acteurs qui se sont lancés sur ce marché aux perspectives prometteuses.

Le bottier Édouard Leveau, fondateur de la Manufacture Bontemps au sein du Campus artisanal Stütz.

Le bottier Édouard Leveau, fondateur de la Manufacture Bontemps au sein du Campus artisanal Stütz.

Campus artisanal proposant une trentaine d’ateliers en location ainsi qu’un espace de coworking, Stütz a vu le jour en 2021 à Bouguenais grâce à David Hérault : « Ce projet de village artisan est né d’un simple constat : les artisans que je côtoie me racontent tous la même histoire. Ils démarrent comme auto-entrepreneurs dans leur garage puis commencent à grossir. Et là, le marché leur propose un bail 3/6/9 et un local de 200 m2 minimum… Il manque une étape. Il y a un sacré trou dans la raquette sur le marché de la location d’ateliers professionnels. »

Une plus petite surface, plus souple, plus flexible… C’est sur ce créneau que Stütz s’est positionné : « Nous proposons des ateliers de 25 à 200 m2 en location clé en main, sans engagement. Ils sont accessibles de manière sécurisée 7 jours/7 et 24h/24 et s’adressent à des entreprises artisanales qui commencent à se développer, veulent un peu d’espace, sans pour autant avoir les moyens d’acheter des locaux. Notre objectif est également de faire du campus un lieu où les artisans apprennent entre eux, créent une émulation, touchent d’autres savoir-faire et vont avoir accès à tout l’écosystème du réseau. »

 

Une offre qui répond aux attentes des artisans

Côté fonctionnement, les loyers incluent toutes les charges : eau, électricité, taxe foncière, internet, ainsi qu’une place de parking. « Il n’y a aucun engagement de durée, seulement un préavis d’un mois », précise David Hérault. Flexibilité et agilité sont donc les piliers du fonctionnement du campus artisanal. « D’ailleurs, nous avons un système de cloisons modulaires qui permet de débuter avec une cellule de 25 m2, puis de passer à 75 m2, voire plus si besoin, ajoute son créateur. L’idée est de pouvoir accompagner le plus longtemps possible la croissance de nos artisans. »

Preuve que le coworking répond parfaitement aux attentes des artisans : la trentaine de cellules de Stütz sont actuellement occupées. La situation est à peu près la même chez IciNantes, une manufacture partagée ayant ouvert fin 2019 à Nantes. Elle s’étend sur 1 500 m² dans les anciennes écuries de la caserne Mellinet et abrite une soixantaine d’artisans (menuisiers, ébénistes, métalliers, tapissiers d’ameublement, designers, architectes, prototypeurs…) ainsi que la seule matériauthèque de l’Ouest. « Il reste une ou deux places dans l’alvéole dédiée aux métiers du bois et quelques-unes dans l’alvéole métal », détaille Camille Crenn, la chargée de communication de la structure, qui met à disposition des artisans des espaces, services et machines moyennant un abonnement mensuel abordable (à partir de 255 € HT par mois).

La manufacture partagée IciLundi réunit désormais une soixantaine d’artisans. Il reste quelques places au sein de l’atelier métal.

La manufacture partagée IciNantes réunit désormais une soixantaine d’artisans. Il reste quelques places au sein de l’atelier métal. ©Virginie Douay

 

Une location qui intègre la notion d’accompagnement

Présent à Saint-Étienne-de-Montluc et Savenay depuis 2014, l’Incubacteur Estuaire et Sillon est la première pépinière d’entreprises à avoir épaulé les artisans du territoire pour lancer leur activité. Au-delà des bureaux, espace de coworking et salles de réunion qu’elle loue à toute entreprise de moins de quatre ans, la structure propose également quatre ateliers de 105 à 133 m2 à destination des artisans. « Ces derniers peuvent rester sur place jusqu’à quatre ans, précise Gaëlle Deloison, office manager. Actuellement, les quatre ateliers sont occupés mais un pourrait se libérer d’ici septembre. Notre formule de location a la particularité d’intégrer la notion d’accompagnement, avec une aide au pilotage opérationnel fournie à chaque artisan (suivi régulier, conseils personnalisés…), l’accès à internet, le téléphone ainsi qu’une mise en réseau avec les entreprises et acteurs du territoire à travers des événements mensuels, partages d’expérience, ateliers… »

 

Un moyen de lutter contre la solitude du dirigeant

Tous les artisans qui ont intégré la manufacture IciNantes « sont ravis, reprend Camille Crenne. Ils voient cela comme une opportunité car ils n’ont aucun frais à avancer. Une fois chez nous, ils bénéficient dans leur forfait location d’internet, de l’électricité, de l’accès à l’espace de coworking et à des dizaines de machines très coûteuses : découpeuse laser, imprimante 3D, fraiseuse à commande numérique… Sans oublier l’accès à la salle de restauration et à un camion partagé pour effectuer leurs livraisons. Enfin, on leur propose également de participer à des appels à projet, ce qui leur permet de créer du réseau et d’accélérer leur développement ».

Chez Stütz, David Hérault a quant à lui identifié d’autres bénéfices pour les artisans (lire également l’encadré) : « le partage de connaissances et d’expériences ainsi que les échanges de compétences, qui peuvent également favoriser le business artisanal local. Sans oublier le lien social entre artisans qui permet de lutter au quotidien contre la solitude du dirigeant. »

 

Un marché en devenir

Côté perspectives, le créateur du campus artisanal en est convaincu, « le marché du coworking artisanal n’est pas encore structuré et il reste des places à prendre ». Par conséquent, celui qui est également responsable du développement commercial chez Metalobil (ingénierie, design et fabrication d’ouvrages) lance « un appel aux propriétaires de bâtiments industriels qui chercheraient à diversifier leurs activités ».

Même constat globalement chez IciNantes : « Le marché du coworking artisanal est amené à se développer car de plus en plus de personnes se rendent compte de l’importance de la mutualisation, que ce soit au niveau des ressources, des moyens ou des savoir-faire, confirme Camille Crenn. D’ailleurs, notre concept de manufacture qui permet d’innover et développer un écosystème qui favorise durablement l’activité locale fonctionne si bien qu’on ouvre une nouvelle manufacture à Tours à l’automne prochain. »

 

Margaux Édouard, créatrice de la brocante Pavillon jaune au sein du campus artisanal Stütz.

« Des échanges de bons procédés, il y en a des milliers »

« J’ai emménagé en avril 2021 dès l’ouverture du campus, se souvient Margaux Édouard, créatrice de la brocante Pavillon jaune. Je chine et rénove des meubles vintage, des années 1920 à 1970. Au départ, j’ai développé mon activité sur Instagram et je louais un garage en centre-ville de Nantes pour stocker et retaper mes meubles. Mais les voisins m’ont vite trouvée trop bruyante. J’ai alors cherché un atelier et j’ai découvert Stütz. Je suis venue visiter et j’ai décidé de louer une cellule de 25 m2.

Au départ, j’ai été séduite par le fait qu’il n’y ait aucun engagement de durée et qu’on puisse partir du jour au lendemain. J’ai également apprécié de pouvoir faire du bruit à toute heure, sans déranger personne. L’atelier m’a enfin permis d’avoir un endroit pour accueillir mes clients dans un environnement plus professionnel qu’un garage. Sans compter l’aspect pratique : ils peuvent venir en voiture jusque devant ma cellule pour charger leurs meubles.

À l’époque néanmoins, je n’avais pas pris conscience que le campus nous permettrait autant de mutualiser nos compétences entre voisins. En réalité au quotidien, on s’amène des affaires mutuellement et on s’aide dès qu’on peut. L’ébéniste Julien Roche m’a par exemple aidée sur énormément de meubles où il me manquait des compétences : un pied cassé, des portes à remettre, des charnières à changer. Et inversement, je lui ai envoyé certains de mes clients qui souhaitaient retaper leur canapé. Simon, un autre adhérent qui avait une activité d’impression 3D, m’a également fabriqué des boutons de porte sur-mesure à de nombreuses reprises. Et même s’il a quitté Stütz aujourd’hui, je continue de lui passer commande régulièrement.

Parfois aussi, les déchets des uns font le bonheur des autres. À l’image du bottier Édouard Leveau (Manufacture Bontemps) qui donne gratuitement à Céline les chutes de cuir qu’il ne peut pas revaloriser. Elle les réemploie ensuite dans les sacs qu’elle fabrique à partir d’anciennes voiles. Des exemples d’échanges de bons procédés, il y en a des milliers. »

 

 

 

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