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ENTRETIEN – Yuna Josse, DG de Saunier Duval Nantes : « Laisser la créativité des équipes s’exprimer »

Après 16 ans chez Airbus où elle a occupé divers postes à responsabilité, Yuna Josse a pris en janvier dernier la direction de l’usine nantaise Saunier Duval, dont la maison mère Vaillant Group est le leader européen de la fabrication de chaudières à condensation. Arrivée en septembre 2021 sur ce site employant près de 1 200 personnes, elle a collaboré plusieurs mois avec son prédécesseur Éric Yvain. Le temps d’appréhender la culture de l’entreprise et d’initier la transformation de l’usine vers la production de pompes à chaleur.

Yuna Josse Saunier Duval

© Benjamin Lachenal

Pouvez-vous me présenter votre formation et parcours avant Saunier Duval ?

Je suis ingénieure en génie mécanique et développement, formée à l’Insa de Lyon. Je suis spécialisée en production industrielle et en propulsion aéronautique et spatiale. J’ai commencé ma carrière dans le génie civil en Chine. C’était dans le cadre d’un Volontariat international en entreprise et ma mission consistait à superviser la construction d’un laboratoire pharmaceutique. Ensuite, ne trouvant pas de poste d’ingénieur à un salaire convenable en Chine, j’ai commencé à regarder en Europe et j’ai décroché un job chez Airbus à Hambourg.

Quelles étaient vos premières responsabilités ?

J’étais architecte d’avion sur l’Airbus A350. Je faisais ce qu’on appelle des layout, c’est-à-dire l’aménagement intérieur : les espaces des différentes classes, les toilettes, les cuisines… Une mission où tout doit être fait au centimètre près ! On m’a ensuite proposé de travailler sur des projets d’innovation de cabine avec un architecte en chef. J’ai assuré ces fonctions pendant trois ou quatre ans. À l’époque, je ne savais pas comment on fabriquait l’avion. J’ai donc choisi de passer un an sur la ligne d’assemblage de l’A320. C’était ma véritable première expérience en production et j’ai détesté.

Pour quelles raisons ?

J’étais censée résoudre les problématiques de montage mais l’A320 étant un vieux programme, celles qui revenaient étaient toujours les mêmes. Du coup, je m’ennuyais terriblement et faisais office de boîte aux lettres. À tel point que j’ai voulu quitter Airbus. Mais l’histoire a fait que j’ai recroisé mon ancien chef, qui connaissait quelqu’un qui cherchait du monde et souhaitait me rencontrer.

Comment s’est passé l’entretien ?

C’est Francis Druilhe, directeur du développement de l’A350 sur toute la partie fuselage et cabine, qui me recevait. Il m’a demandé pourquoi j’étais là, je lui ai répondu que c’était à lui qu’il fallait poser la question. J’étais vraiment désabusée. Contre toute attente, mon interlocuteur a apprécié ma franchise. Il cherchait un “executive assistant“ (adjoint technique, NDLR). Vu que j’étais très éloignée du genre de profil qu’on lui proposait habituellement, il s’est dit que je saurais lui dire s’il faisait erreur et que je n’aurais pas peur de “parler vrai“. Il m’a proposé le job et j’ai accepté.

Que s’est-il passé ensuite ?

Au bout de deux ans, on est entré dans la phase d’industrialisation de l’avion. À ce moment-là, j’avais deux opportunités à Hambourg et Toulouse. Travailler en France ne m’avait jamais vraiment attirée, mais entre mes différents allers et retours j’avais eu la chance de rencontrer mon mari et j’ai donc décidé de venir travailler en France. Je suis alors devenue responsable du développement et de la fabrication des systèmes d’installation mécanique de la pointe avant de l’avion. J’étais en quelque sorte à la tête de ma PME : une expérience géniale car elle m’a permis de toucher à tout. J’ai occupé cette fonction pendant presque quatre ans. Par la suite, j’ai pris une mission de réduction des coûts de production de l’A350.

À quel moment avez-vous eu le sentiment d’avoir fait le tour de la question ?

Au bout de deux ans. J’étais à un stade de ma carrière où j’avais fait pas mal de management indirect. Les RH et mon chef de l’époque m’avaient dit “maintenant, il est temps de prendre des grosses équipes et te frotter à la production“. On m’a alors appelée sur la ligne d’assemblage de l’A330 pour créer une équipe en charge de l’intégralité des travaux restants, réparations et la gestion des aléas sur la ligne d’assemblage finale.

Vous avez accepté ?

Oui, et ce fut une expérience très enrichissante. Nous avons tout bâti de A jusqu’à Z : l’équipe, les process, les modes opératoires. C’est sans doute l’expérience qui m’a le plus appris mais en même temps aussi celle qui m’a le plus abimée. J’y suis restée quatre ans. Sans doute trop longtemps car c’était un environnement extrêmement dur, fermé aux changements, encore bien trop misogyne, où les valeurs affichées n’étaient pas en accord avec celles vécues sur le terrain. Tout du moins, c’était mon ressenti. J’ai donc recherché un nouveau challenge et…

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