Couverture du journal du 03/05/2024 Le nouveau magazine

La filière réemploi veut briser le plafond de verre

L’entreprise nantaise Bout’ à Bout’, qui a décidé de relancer la consigne en verre, vient de dévoiler sa toute nouvelle usine de lavage de contenants, la plus grande en France. De quoi augurer la montée en puissance de toute une filière dans un contexte porteur.

Bout’ à Bout’

Pour Célie Couché (au centre), fondatrice et présidente de Bout’ à Bout’, l’inauguration de la nouvelle usine était « un moment important de l’histoire de Bout’ à Bout’, mais aussi dans l’histoire du réemploi ». © IJ

Un grand jour pour une entreprise, mais aussi pour toute une filière. Le 17 octobre dernier, Bout’ à Bout’ inaugurait la plus grande usine de lavage de contenants en verre de France, à Carquefou, près de Nantes. Née en 2016 sous la forme d’une association avec l’objectif de relancer la consigne pour réemploi, et devenue société en 2021, Bout’ à Bout’ accompagne les producteurs dans la transition vers ce type de contenants, développe le réseau de collecte, gère la collecte, le tri, le lavage, le contrôle et revend les contenants propres. En milieu d’année, elle réalisait une levée de fonds d’un montant de 7,3 M€, lui permettant de se doter de ce nouveau site, pour un investissement de près de 3 M€.

60 millions de contenants par an

Sur 7 000 m2 dont 2 500 m2 de bâtiment, l’usine dispose d’une capacité de lavage de 10 000 bouteilles/heure aujourd’hui et 20 000 bouteilles à terme, soit 60 millions de contenants par an. Un moyen de changer d’échelle pour répondre aux volumes croissants de la filière et générer un plus grand impact pour toute la région Ouest, de la Normandie à la Nouvelle-Aquitaine. « Nous allons pouvoir accompagner les producteurs de toute taille, convertir davantage de références locales mais aussi nationales, et embarquer un maximum de magasins avec une offre très large de produits réemployables, explique Célie Couché, fondatrice et présidente de Bout’ à Bout’. Aujourd’hui, le réseau compte déjà une centaine de producteurs, plus de 200 points de vente et 600 références. Nous sommes en train de nous développer dans le grand Ouest pour atteindre les 1 000 points de collecte d’ici 2025, toujours avec cette ambition de rendre le geste de réemploi le plus accessible possible et en faire une nouvelle norme de consommation. »

Car les avantages du réemploi par rapport au recyclage ne sont pas négligeables, notamment du point de vue écologique : -79 % d’énergie, -77 % d’émissions de CO2 et -51 % d’eau, avance la société, reprenant des chiffres de l’Ademe. Et ce n’est pas tout : « Le modèle est moins cher. Laver une bouteille, c’est plus écologique et plus économique », résume Yann Priou, directeur général de la société, qui souligne par ailleurs la complémentarité du recyclage et du réemploi : « En France ou aux États-Unis, le recyclage a pris le pas parce qu’il est plus facile de casser, refondre et refaire une bouteille. Nous ne nous opposons pas au recyclage, nous disons juste que cela arrive après le réemploi. »

Bout’ à Bout’

© Bout’ à Bout’

« Le bon sens retrouvé »

« On célèbre le bon sens retrouvé, note pour sa part Benoît Rigot, directeur régional de Bpifrance, l’un des partenaires financiers de Bout’ à Bout’. En matière de transition écologique, en France, on est majoritairement tourné vers des start-up industrielles avec un fort niveau de rupture technologique. Là, le paradigme est complètement différent : Bout’ à Bout’ est simplement revenue sur une pratique qui existait il n’y a encore pas si longtemps. » Ce retour du bon sens semble trouver un écho positif du côté des consommateurs, comme le rapporte Yann Priou : « Ce qui nous rend confiants, lorsqu’on leur parle, c’est que certains ont connu cela enfants, et d’autres nous disent que c’est juste du bon sens, pour le climat et pour l’économie. » « Cela permet de donner du sens à son acte d’achat, constate de son côté Jean-Michel Buf, président du Conseil national de l’économie circulaire et conseiller régional. Maintenant que l’offre est présente, la demande va être croissante. »  Il insiste aussi sur la dimension locale du projet : « On est sur du localisme. Il suffit de voir les producteurs locaux, viticulteurs, brasseurs, cidriers… Cette filière de réemploi crée du localisme tant vis-à-vis des producteurs que des circuits de distribution. »

Un contexte national porteur

Entre la Loi Agec qui vise la réduction des déchets à usage unique et en particulier la mise sur le marché de 10 % des emballages réemployés en France d’ici 2027, et l’annonce cet été par le gouvernement du lancement d’un système de consigne du verre d’ici à deux ans dans les supermarchés et hypermarchés, la nouvelle usine de lavage de Bout’ à Bout’ s’inscrit dans le contexte porteur du déploiement du réemploi en France. Célia Rennesson, cofondatrice et directrice générale du Réseau Vrac et Réemploi, basé à Paris, détaille : « Aujourd’hui, la filière du réemploi des emballages, ce sont à peu près 1 000 références produits disponibles et près de 1 000 sites en France : centres de lavage, points de collecte ou centres de tri et de massification. Ce sont aussi déjà près de 2 000 emplois dans tous les territoires. Mais c’est également un fort potentiel de développement, avec plus de 10 000 emplois que nous pouvons créer ces prochaines années pour atteindre les objectifs de la loi Agec en France, et en Europe, ce sont plus de 600 000 emplois qui sont prévus si nous voulons véritablement changer les choses. » Nicolas Furet, directeur de la performance chez Citeo, société à mission qui accompagne les entreprises dans la réduction de l’impact environnemental de leurs emballages ménagers et papiers, complète : « Aujourd’hui, le principal défi consiste à réussir à développer un système performant avec des solutions à l’échelle nationale sur l’ensemble de la chaîne, c’est-à-dire au niveau de la production, de la distribution, de la pré-collecte avec la mise en place d’un dispositif de consigne pour réemploi, le lavage, le transport et l’adhésion du consommateur, sans qui rien ne se fera. » Avant de souligner l’importance de la nouvelle usine de lavage : « C’est une première pierre vers ce dispositif à l’échelle nationale qui va nous permettre d’avancer sur la structuration de cette filière. »