Plus aucun programme ne sort. Et ceux qui ont été lancés, comme ceux prévus dans la ZAC Pirmil-Les Isles (3 300 logements, 100 000 m2 de bureaux et des équipements publics), sont bloqués. « C’est une opération très originale, bien pensée, étudiée il y a six ans. Les exigences des politiques ont été très fortes. Les cinq premiers lots ont été attribués il y a déjà un an mais nous n’avons toujours pas la commande officielle, on ne sait pas ce que l’on doit faire. L’équation économique est très difficile », constate Alain Raguideau, promoteur, président de Sofira. « Il faut rendre possible la sortie des opérations. C’est le mot d’ordre qui doit être donné à tous les niveaux de la métropole pour sortir, pas à pas, une à une, les opérations. Cela ne marchera pas autrement. On a des normes réglementaires déjà très exigeantes en France, n’en rajoutons pas à Nantes. Il faut faire des arbitrages, alléger pour sortir des prix plus bas, débloquer en local », préconise Christine Serra du CINA.
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« Repenser les opérations et travailler différemment »
« On n’est pas près d’en sortir. Tout le monde est touché, tous les segments, les bureaux, les logements, les commerces et les locaux d’activités. C’est la particularité de cette crise. Elle a entraîné des changements d’attitude dans l’occupation des bureaux, avec des collaborateurs qui ne viennent plus forcément dans les commerces et qui consomment différemment. Et le fait de devoir payer plus offre moins de pouvoir d’achat pour se loger. La crise est durable », souligne Christine Serra qui rappelle que l’immobilier est un gros paquebot avec beaucoup d’inertie : « Il peut se passer six ans entre l’initiation du programme et sa livraison. Le paquebot est arrêté, au niveau de la promotion, que ce soit pour le logement ou pour le tertiaire. Il y a un changement de paradigme, il faut repenser les opérations, nos bilans, travailler différemment… »
Et Christine Serra reconnaît que l’instabilité politique n’aide pas : « Il n’y a plus de cap, pas de réflexion, pas de visibilité. Tous les sujets qui avaient été mis sur la table ont été arrêtés net. On a perdu beaucoup de temps. On ne connaît pas de perspectives. Comment voulez-vous lancer un programme avec une précommercialisation très difficile et un banquier qui ne finance pas ? Le promoteur doit se remettre en cause, modifier son modèle, alléger sa structure, se diversifier, étudier toutes les possibilités. On ne va plus sortir de l’immobilier comme avant. » Pour les professionnels, la balle est résolument du côté de l’État et des collectivités territoriales.
« Un problème de regard du politique par rapport au logement… »
« On a fait le tour de toutes les solutions techniques, les solutions réglementaires dépendent de l’État et des collectivités locales. C’est un gros problème de regard du politique par rapport au logement. Il y a sept ans, nous avons alerté les services de la métropole. Nous ne nous attendions pas à cette violence. Globalement, on a augmenté les prix, avec les hausses des matériaux, les normes et réglementations, et qui plus est, le politique au niveau local en a rajouté avec des chartes. À Nantes, le logement social vendu très en dessous du prix coûtant est payé par le logement libre. Dans la métropole, 2 900 logements vont être initiés en concours dans les 18 mois à venir, dont 34 % de logements libres. Il va falloir que ces 34 % payent les 66 % de logements sociaux. Moralité : les programmes ne sortent pas, sont abandonnés… On ne va pas pouvoir financer le social comme cela a été fait jusque-là. Si on arrête la promotion privée, on arrête mécaniquement tout le logement social », prévient Alain Raguideau.
« Il faut demander à Nantes Métropole de s’en tenir aux règles fixées par le PLH et le PLU, ne pas en rajouter », demande le CINA.
Nantes dégringole dans l’immobilier d’entreprise
Les exigences de mixité logements-bureaux-commerces nécessitent de pré-commercialiser dans tous ces secteurs, et, « s’il n’y a pas de pré-commande en bureaux, on ne sort pas l’opération et cela pénalise le logement, et vice-versa. Ce qui est important, d’abord, c’est de sortir des mètres carrés », martèle Christine Serra.
Côté bureaux, l’offre n’est pas adaptée à la demande dans la métropole. « La demande de bureaux est là. Il y a une vacance essentiellement sur l’ancien et le très ancien, qui ne sont plus aux normes ni adaptés. Et dans le neuf, on a poussé sur l’Est pour équilibrer l’Ouest. On y a 46 000 m2 de stock neuf dont 22 000 m2 situés dans le quartier Ranzay-Haluchère qui ne trouvent pas preneur, car c’est un secteur en devenir, dans un tissu qui manque de services, de restauration au pied des bureaux et un projet Paridis qui n’est pas encore sorti. Parallèlement, la demande de bureaux n’est pas satisfaite sur le centre ville-Île de Nantes. Nantes a dégringolé de la troisième à la huitième place au niveau national de l’immobilier d’entreprise », constate Christine Serra.
Alain Raguideau reconnaît « une écoute de la part de Nantes Métropole » mais constate : « Il y a des politiques qui ont de grandes idées environnementales que l’on est tous prêts à écouter, mais à un moment donné, il faut faire des choix, sinon on ne va pas y arriver ».
« Et il faut que les banquiers détendent aussi l’accès au crédit. C’est toute la chaîne qui doit faire un pas pour relancer la machine. Ce que l’on ne conçoit pas maintenant à Nantes, aura un impact dans cinq à six ans. C’est une problématique que l’on va traîner pour un moment », prédit Christine Serra.