« C’est la rentrée de tous les dangers, maintenant on veut du concret », résume Hélène Bourcier, la présidente de la Fédération française du bâtiment des Pays de la Loire. « Cela fait deux ans qu’il ne se passe plus rien du côté du gouvernement. Nous espérons beaucoup du projet de loi 2025 », glisse-t-elle. Ces espoirs portent sur plusieurs points : « Le dispositif fiscal Pinel s’arrête à la fin de l’année. Le prêt à taux zéro est annoncé pour être valable sur tout le territoire, mais englobera-t-il le logement individuel ? On annonce aussi un assouplissement du ZAN (zéro artificialisation nette). Nous espérons une pause normative, on doit passer à la RE2025 l’année prochaine. Cela augmente toujours les coûts de construction et amène une hausse supplémentaire pour les acheteurs. Actuellement, c’est déjà un surcoût de 10 à 15 %. » Il faudra un électrochoc. En un an, les mises en chantier ont baissé de 15 % dans la région. Le repli de la construction de maisons individuelles atteint 70 %. Près de cinq cents défaillances d’entreprises, surtout des très petites structures, ont déjà été enregistrées depuis le début de l’année.

Hélène Bourcier, présidente de la Fédération Française du Bâtiment Pays de la Loire. ERIC CABANAS – IJ
Le rôle des bailleurs sociaux
Dans ce contexte, les entreprises du bâtiment et certains promoteurs trouvent leur salut auprès des bailleurs sociaux. Ainsi, à Nantes, le groupe Giboire s’est résigné à céder un programme de vingt-six logements prévus en accession libre à CDC Habitat pour des logements locatifs intermédiaires. Mais, note Alain Raguideau, promoteur, président de Sofira, « à Nantes, le logement social vendu très en dessous du prix coûtant est payé par le logement libre. Dans la métropole, 2 900 logements vont être initiés dans les 18 mois à venir, dont 34 % de logements libres. Il va falloir que ces 34 % payent les 66 % de logements sociaux. Moralité : les programmes ne sortent pas, sont abandonnés… On ne va pas pouvoir financer le social comme cela a été fait jusque-là. Si on arrête la promotion privée, on arrête mécaniquement tout le logement social ».
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Les professionnels de l’immobilier réunis au sein du Club Immobilier Nantes Atlantique (Cina) constatent également « qu’aucun programme ne sort ». Et ceux qui ont été lancés, comme dans la ZAC Pirmil-Les Isles (3 300 logements, 100 000 m2 de bureaux et des équipements publics), sont bloqués. « C’est une opération bien pensée, il y a six ans. Les exigences des politiques ont été très fortes. Les cinq premiers lots ont été attribués il y a déjà un an mais nous n’avons toujours pas la commande. L’équation économique est très difficile », constate Alain Raguideau. « Il faut rendre possible la sortie des opérations. C’est le mot d’ordre qui doit être donné à tous les niveaux de la métropole pour les sortir, une à une. On a des normes réglementaires déjà très exigeantes en France, n’en rajoutons pas à Nantes. Il faut faire des arbitrages pour sortir des prix plus bas », préconise Christine Serra, présidente du Cina. « Et que les banquiers détendent l’accès au crédit », ajoute-t-elle. « C’est toute la chaîne qui doit faire un pas pour relancer la machine. Ce que l’on ne conçoit pas maintenant à Nantes, aura un impact dans cinq à six ans. »
La baisse des taux comme déclencheur
Côté bonnes nouvelles, la baisse des taux de crédit devrait se poursuivre. On attend une annonce favorable du côté de la Banque Centrale Européenne. « 2024 marque la fin de trois années consécutives de forte baisse des volumes de transactions », note Rénald Dubois, directeur commercial de Hemon-Camus à Nantes, dans sa dernière newsletter. Il ajoute : « Bien que les taux d’intérêt restent élevés, leur baisse (de 0,4 point) associée à l’augmentation des revenus (+3,4 %) et à la diminution des prix a permis de compenser plus du tiers de la perte de pouvoir d’achat enregistrée entre janvier 2022 et décembre 2023. Après avoir perdu 11 m2 de pouvoir d’achat immobilier durant cette période, les Français ont ainsi regagné 4 m2 depuis le mois de décembre 2023. »
Pour l’instant, les banques privilégient les primo-accédants et les résidences principales. D’autres signes font entrevoir une amélioration. La Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) note que la construction de logements neufs en Pays de la Loire amorce une stabilisation après avoir atteint des niveaux historiquement bas à la fin du premier semestre. Les cumuls annuels de délivrances de permis et de mises en chantier ne diminuent plus depuis deux mois. Le recul sur un an en Loire-Atlantique a été de 6 %, proche de la moyenne régionale (-10,3 %) et de -21 % en Vendée. Le Maine-et-Loire s’est distingué avec une croissance de 8 %. La baisse des permis a principalement concerné les logements individuels purs (-28 %) alors que ceux des logements collectifs se sont accrus de 3 %. C’est la première fois depuis un an et demi qu’ils augmentent.
Bureaux neufs : « Du jamais vu »
Le marché de l’immobilier de bureaux de la métropole nantaise fait face à un paradoxe : il n’y a pas d’offre là où il y a une forte demande. Celle pour le centre-ville ne peut être satisfaite tandis que le secteur Est de Nantes, avec des locaux disponibles, n’attire pas. Le marché subit une baisse de 28 % par rapport à 2023 qui était déjà en baisse de 25 %. « On est dans un pessimisme au regard des chiffres, mais ce n’est pas le reflet de l’attractivité », tempère Stéphanie Simon, directrice de Clerville, spécialiste du conseil en immobilier d’entreprise. « Quelqu’un qui cherche 4 000 m2 immédiatement disponibles en centre-ville ne les trouvera pas. Ainsi, des sociétés n’ont pas pu s’étendre ou se développer, tandis que d’autres n’ont pas pu s’installer. C’est la première fois que nous n’avons eu aucune transaction de plus de 2 000 m2 au premier semestre. C’est du jamais vu », glisse-t-elle. L’immobilier de bureau neuf n’a représenté que 17 % du volume global des transactions, soit 5 900 m2, alors qu’il représentait habituellement entre 47 et 53 %. Les locaux d’activités connaissent la même tendance avec -32 % de transactions. « Mais, répète Stéphanie Simon, nombre de recherches n’ont pu aboutir par manque d’offres réellement adaptées dans les secteurs demandés. »