La sécheresse de 2022 a sans nul doute servi de déclic. « Il y a eu une vraie prise de conscience », confirme Chayma Hassine, chargée de mission régionale Eau à la CCI Pays de la Loire lors d’un webinaire le 9 juillet sur le thème des économies d’eau en entreprise. La réglementation a aussi eu l’effet d’un électrochoc, note Morgan Priol, directrice de la délégation Maine-Loire-Océan de l’agence de l’eau Loire-Bretagne. L’arrêté sécheresse du 30 juin 2023 fixe des mesures générales de restriction d’utilisation de l’eau aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) prélevant plus de 10 000 m3 par an. Les autorités locales peuvent ainsi imposer des restrictions d’usage de l’eau, mettant des sites industriels en chômage partiel. Par exemple, « en seuil d’alerte renforcé, les installations classées sont soumises à des mesures de réduction de leur prélèvement en eau de 10 % », indique Antoine Charrier, responsable adjoint du service Actions territoriales et ressources au sein du syndicat d’eau potable Vendée Eau. Toutefois, « ce texte ne concerne pas les entreprises qui recyclent ou réutilisent une partie de leurs eaux ou celles qui ont mis en place un plan d’actions volontaire de réduction des consommations des eaux de process », poursuit-il. D’où l’intérêt d’être dans une démarche proactive.
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Nettoyage : poste majeur de coût et d’impact
La réglementation, c’est notamment ce qui a incité La Mie Câline (Saint-Jean-de-Monts) à agir. Ici, la consommation d’eau a atteint 38 928 m3 en 2023. « Un gros tiers est utilisé pour le nettoyage des lignes de production », précise Benoît Chambard, responsable Sécurité Environnement. L’industriel a ainsi déployé une méthodologie pour nettoyer les lignes de production avec un minimum d’eau. « Nous aspirons au maximum la farine avant de passer au nettoyage. En un an, nous avons ainsi réduit de 10 % notre consommation. »
Quand la data facilite la gestion de l’eau
De son côté, Fleury Michon (782 000 m3 consommés en 2023 dont environ 45 % pour le nettoyage) se mobilise aussi pour contribuer à l’objectif national de 10 % d’économie d’eau à horizon 2030. Pour y parvenir, l’industriel a notamment investi dans les solutions Dametis, couplées à des outils de comptage, pour visualiser et analyser sa consommation d’eau. Installé sur un site pilote depuis 2023, l’outil est en cours de déploiement sur ses dix sites industriels. L’entreprise utilise aussi la data pour challenger ses équipes de production au sein de l’usine de Chantonnay. Et ce en parallèle d’autres initiatives : techniques de nettoyage optimisées, mise en place de systèmes de récupération de chaleur… « Entre 2008 et 2023, nous avons amélioré notre efficience de 31 %. Aujourd’hui, nous consommons 8,6 litres d’eau par kilo de produits fabriqués, contre plus de 10 litres en 2018 », se félicite Luc Grillet, directeur QSE.
Des expérimentations en cours
Accusés d’être de gros consommateurs en eau, les campings veulent aussi faire des efforts. En Vendée, économiser l’eau est l’un des objectifs de la Fédération de l’hôtellerie de plein air (275 campings soit près de 86 % des campings du département) qui vise une réduction de 20 % des consommations dans les deux ans. Dernière initiative en date : un appel à projet dans le cadre d’un plan de résilience de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne. Objectif : « évaluer les consommations d’une trentaine de sites pilotes et optimiser les actions sur les postes les plus consommateurs d’eau », explique Franck Chadeau, son président. Un travail réalisé au printemps par le cabinet nantais Betterfly Tourism. Des mesures techniques sont prévues dès l’an prochain. Autre piste : récupérer les eaux de lavage des piscines, estimées à plus d’un million de mètres cubes par an, pour les traiter et les remettre dans le circuit. Un test est en cours notamment dans le camping des Biches à Saint-Hilaire-de-Riez.
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Sensibiliser le personnel
De son côté, le laboratoire Résalab Ouest aux Herbiers a mis en place, avec Vendée Eau, un atelier de sensibilisation aux enjeux de l’eau et à la gestion économe de l’eau potable à destination de ses vingt-cinq salariés. À la clé : « des conseils à appliquer dans leur quotidien et en entreprise. Cela a permis de voir où l’on pouvait faire des économies », explique Angelina Rigaudeau, la directrice. À la suite de quoi des mousseurs ont notamment été installés. Le laboratoire a aussi intégré la problématique de l’eau dans la construction de son futur bâtiment. « Cet atelier nous a permis d’être sensibilisés sur l’achat du matériel, comme des mitigeurs, des robinets avec système de capteur infrarouge ou des pommes de douche plus économiques. »
Des initiatives pour recycler l’eau
Enfin, chez Sodebo, plusieurs leviers ont déjà été activés : mise en place de compteurs sur les équipements consommateurs (avec relevés hebdomadaires), formation du personnel de nettoyage, recyclage de l’eau dans les lave-vaisselle et lave-bac, remplacement des tours aéroréfrigérantes par des équipements nouvelle génération abaissant de 85 % la consommation d’eau. Parmi ses projets, recycler l’eau. L’entreprise envisage de traiter et de réutiliser 20 % de l’eau issue des lignes de production et de lavage.
L’audit, le bon tuyau pour l’efficacité hydrique
Étape préalable avant de dérouler un plan d’action : le diagnostic. « Il s’agit de faire un état des lieux des consommations pour identifier où sont les gisements », indique Antoine Charrier chez Vendée Eau. 50 % du coût de cet audit est pris en charge par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne (34 dossiers aidés entre 2019 et 2023, dont 23 projets d’études et 11 projets de travaux pour un montant total de 1,1 M€).
Les industriels consommant de 10 000 à 100 000 m³ peuvent suivre le programme Ressourc’eau (pré-diagnostic gratuit d’une demi-journée, accès aux financements des actions et des équipements retenus et appui conseil sur la durée) de la CCI. Via son outil gratuit Flash’ Diag, les TPE/PME peuvent évaluer en moins de cinq minutes leur maturité sur le sujet de l’eau et identifier des pistes de développement.
À noter aussi que le syndicat Vendée Eau propose une démarche de sensibilisation aux enjeux de l’eau via des temps forts en entreprise à destination des cadres et responsables de lignes de production.