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Eau potable : cinq choses à savoir sur Jourdain

Face au dérèglement climatique et à une demande toujours plus forte, la Vendée manque régulièrement d’eau et cherche à élargir ses ressources. Afin de couvrir partiellement ce déficit, Vendée Eau développe le programme Jourdain, un projet pour expérimenter la réutilisation des eaux usées, traitées de façon pérenne. L’unité d’affinage, élément clé du démonstrateur, vient d’être mise en service. Décryptage.

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Jourdain : l'unité d'affinage vue du ciel. ©Vendée Eau.

  1. Jourdain est un programme expérimental de réutilisation des eaux usées traitées, situé à l’ouest de la Vendée, entre la station d’épuration des Sables d’Olonne et le barrage du Jaunay. Lancé en 2018, il est piloté par Vendée Eau[1]. Montant global : 24,5 M€, entièrement financé par des fonds publics[2]. Les travaux de l’unité d’affinage se sont achevés en juin. L’expérimentation grandeur nature vient de démarrer.
  2. Il répond à un besoin d’élargir la ressource en eau. Jourdain s’inscrit dans la stratégie globale de la gestion de la ressource en eau potable de Vendée Eau. En Vendée, l’eau potable provient à 94 % des eaux superficielles, contre 30 % en moyenne en France. Cette ressource est désormais régulièrement soumise à une forte pression. À l’horizon 2030, le déficit est évalué en année sèche à 8 millions de mètres cubes, soit l’équivalent de la consommation annuelle de 150 000 Vendéens. « Les ressources se trouvent plutôt à l’est du département et les tensions plutôt au nord-ouest, détaille Denis Guilbert, directeur général de Vendée Eau. En cas de déficit, nous réussissons pour l’instant à tenir grâce à des interconnexions du réseau. Ainsi, lors de l’été très sec de 2022, nous avons ramené de l’eau de l’usine potable de Mervent (sud-est) pour alimenter le secteur d’Apremont (nord-ouest). »
Denis Guilbert, directeur, Vendée Eau, Jourdain

Denis Guilbert, directeur général de Vendée Eau, au cœur de l’unité d’affinage de Jourdain, aux Sables d’Olonne. @IJ

Néanmoins, dans un contexte de réchauffement climatique et d’évolution croissante des besoins, Vendée Eau a cherché dès 2010 d’autres solutions pour élargir la ressource en eau potable. Premier levier :  faire des économies. Cela signifie à la fois sensibiliser tous les usagers, améliorer le rendement des usines de traitement, renouveler les réseaux ou faire la chasse aux fuites d’eau. Ce dernier travail de détection a permis d’économiser 5 millions de mètres cubes.

Autre solution : augmenter les capacités de stockage en connectant aux retenues d’eau existantes d’anciennes carrières et en les transformant en réserves d’eau brute de grande capacité. C’est le cas de la carrière des Clouzeaux, en périphérie de La Roche-sur-Yon, d’une capacité de 2,5 millions de mètres cubes.

Troisième levier : l’innovation. Deux pistes ont été identifiées. La première, la désalinisation de l’eau de mer, n’a pas été retenue car « trop onéreuse, gourmande en énergie et son impact sur l’environnement mérite d’être fiabilisé »,  précise Denis Guilbert. Pour combler une partie de son déficit, Vendée Eau a donc choisi une seconde voie : la réutilisation indirecte des eaux usées traitées (REUT) à des fins de production d’eau potable.

Baptisé Jourdain, ce programme « n’est pas le pilotage industriel de validation d’une technologie, mais l’expérimentation in situ d’une boucle complète de recyclage des eaux usées à une dimension suffisante pour, en maîtrisant tous les risques, évaluer sur plusieurs années les impacts sanitaires, environnementaux et sociaux », complète Vendée Eau sur son site internet.

  1. C’est un projet inédit en France et en Europe… Aujourd’hui, la loi ne permet pas de distribuer directement ou indirectement des eaux usées traitées pour une consommation d’eau potable. L’Anses, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, a cependant autorisé Vendée Eau à faire la démonstration de la pertinence de cette solution. À l’issue de la phase expérimentale, à l’horizon 2027, et après évaluation des résultats des très nombreuses analyses, le programme Jourdain pourrait contribuer à faire évolution la réglementation. « Notre souhait est de faire du démonstrateur une solution duplicable, indique Denis Guilbert. Notamment dans le nord-ouest du département (Apremont, Saint-Gilles-Croix-de-Vie), là où il y a le plus de besoins. »
  2. Il repose sur une valorisation circulaire de l’eau. Chaque année, la station d’épuration des Sables d’Olonne rejette 4,5 millions de mètres cubes d’eaux usées et traitées au large des côtes vendéennes. Avec le démonstrateur, une partie de l’eau sera récupérée en amont de la station d’épuration pour subir un traitement complémentaire au sein de l’unité d’affinage attenante. Elle sera d’abord purifiée grâce à deux rangées de membranes capables de filtrer les bactéries, les virus, les micropolluants, sans oublier le sel. La seconde étape de désinfection sera effectuée à base d’ultraviolets et de chlore.
Jourdain, Vendée eau, schéma

Jourdain est un programme expérimental de valorisation circulaire de l’eau. ©Vendée Eau

Cette eau sera ensuite acheminée sur 27 km en direction du barrage du Jaunay où elle sera rejetée en transitant au sein d’une zone végétalisée afin de la réoxygéner et la reminéraliser. Elle se mélangera alors aux eaux de la rivière et transitera lentement dans la retenue pour une ultime étape de traitement au sein de l’usine de production d’eau potable du Jaunay, avant d’être à nouveau consommée. Depuis fin septembre et pendant un an, l’eau affinée sera toujours rejetée en mer, le temps de garantir les performances de traitement auprès de l’ARS (Agence régionale de santé).

  1. Deux millions de mètres cubes de ressource supplémentaire. Jusqu’en 2027, l’unité d’affinage fonctionnera au quart de ses capacités et traitera 150 m3 d’eau par heure. « C’est une précaution supplémentaire pour prouver que le système fonctionne en toute sécurité », indique Denis Guilbert. À l’issue de cette phase de démonstration, le débit sera multiplié par quatre pour atteindre 600 m3 d’eau affinée par heure. À l’horizon 2027, ce sont ainsi plus de deux millions de mètres cubes par an de ressource supplémentaire à des fins d’eau potable dont disposera la Vendée grâce à Jourdain. Ce volume pourra satisfaire l’équivalent de la consommation annuelle de 60 000 habitants. « Dans les faits, ce sera plutôt une consommation estivale : autrement, cette nouvelle ressource bénéficiera à plus d’usagers, mais sur un temps plus court », précise Denis Guilbert.

[1] Service public de l’eau en Vendée.

[2] 50 % par Vendée eau (autofinancement) et 50 % par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, la Région, le Feder (Europe) et le fonds national d’aménagement et de développement du territoire.