Dans votre livre, vous partez du postulat selon lequel le marketing et la communication sont devenus des gros mots…
Les expressions «c’est du marketing», «c’est de la com’», dites avec une connotation négative, c’est le petit bruit que l’on entend beaucoup dans les médias, qui est repris par l’opinion d’une manière générale et amplifié par les réseaux sociaux et les politiques. C’est presque devenu du langage courant, et cela induit que ce n’est pas vrai, voire que c’est une arnaque. Alors que c’est comme pour tous les métiers finalement: ça peut être bien ou mal fait. Ce sont des disciplines et des outils et ils sont ce qu’on en fait.
Quel est votre constat concernant ces deux disciplines ?
Elles ont pour mission de fédérer et de rendre commun, ce qui est d’ailleurs l’étymologie même du mot communication. Ce sont des disciplines assez jeunes toutes les deux –elles ont moins de cent ans– et en si peu de temps elles ont réussi à créer de la défiance. Si c’était des métiers qui pouvaient faire rêver dans les années 1970-80, aujourd’hui, à l’inverse, je connais des communicants qui ont presque honte de dire qu’ils font de la communication alors qu’ils adorent leur métier et qu’ils font des choses très bien. Il y a une espèce de désaffection, parce qu’il y a cette défiance. Et puis il y a ce moment très particulier que l’on est en train de vivre: on a pris conscience qu’il va bien falloir changer, faire le deuil d’un style de vie. Or, un des éléments explicatifs de ce style de vie, c’est la communication et le marketing qui nous ont éduqués, stimulés. L’imaginaire principal de ces cinquante dernières années était de dire: on sera heureux si on consomme toujours plus et toujours moins cher. Et quand on voit certaines campagnes de soldes, on voit bien que ce n’est pas tout à fait terminé. À la grande différence que le public réagit désormais.
Est-ce que l’on peut dire que le marketing et la communication sont inextricablement liés à notre système capitaliste ?
Je ne crois pas. Tels qu’on les connaît aujourd’hui, ils sont intimement liés, mais on peut tout à fait en faire autre chose. C’est aussi le sillon que j’essaie de creuser. À titre personnel, j’enseignais le marketing et la communication et auparavant j’avais débuté mon parcours professionnel en agence de pub. J’étais donc à fond dans le système… Et puis, quelques années après mon arrivée chez SciencesCom, j’ai pris conscience que mon évolution personnelle et ma consommation partaient dans un sens totalement opposé à ce que j’enseignais. J’étais en plein dans la dissonance cognitive. Il fallait que je change quelque chose. Soit je changeais de métier, soit je changeais mon métier. Et j’ai eu la chance d’être suivie par l’école qui m’a laissée en parler dans mes cours, ce qui n’était pas gagné. Ça m’a permis de creuser ce sillon, en tâtonnant et en étant très seule au départ. J’étais en effet entre deux écosystèmes : celui des marketeurs et celui du développement durable entre lesquels je voulais construire un pont, ce que j’ai fait, brique par brique.