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Finance et conseil : l’attractivité des métiers au coeur des préoccupations

Les filières finance et conseil font face à des difficultés de recrutement. Alors que les départs en retraite s’accélèrent et que les montées en compétences environnementales et numériques deviennent essentielles, leurs métiers pâtissent d’une vraie méconnaissance du public. Pour faire évoluer ces secteurs d’avenir, la Région Pays de la Loire s’engage à leurs côtés.

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Certains métiers mettent tout le monde d’accord… « Avec le mot comptable dans notre appellation, on n’attire pas les jeunes », ironise Julien Morand, expert-comptable associé au bureau BDO des Herbiers, en Vendée. Même sous-entendu auprès des représentants des filières de l’assurance et de la banque. L’ordre des experts-comptables aurait ainsi envisagé de dénommer autrement la profession en vue de redorer son image. Un sujet politique qui revient régulièrement sur la table à l’occasion d’une nouvelle présidence.


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Si le nom a son importance, il est loin d’être la seule cause des tensions de recrutement que connaît le secteur de la finance, du conseil et du numérique dans les Pays de la Loire. Avec 65,4 % des 108 446 salariés de ces branches, le département de Loire-Atlantique reste le plus touché. Selon Atlas, OPCO des services financiers et du conseil, 44 000 offres d’emploi ont été recensées en 2023 avec en tête de proue les bureaux d’études. Des besoins amenés à croître. En 2030, la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) place deux métiers du secteur parmi les dix grands métiers d’avenir. De quoi tendre les professionnels qui subissent cette tension salariale depuis plusieurs années. En témoigne Patrice Collomb, la trentaine, arrivé comme alternant il y a quinze ans chez Bac Audit Conseil à Nantes : « C’est compliqué de faire rêver les jeunes, car c’est la partie conseil qui les intéresse. Mais lorsque l’on débute, nous n’avons pas le choix de passer par le b.a.-ba du métier, les chiffres et la rigueur. »

Au Big Bang de l’emploi, Patrice Collomb, expert-comptable chez Bac Audit Conseil, témoignait des difficultés de recrutement. SARA BERNÈDE – IJ

Au-delà de l’activité propre, les professionnels font face aux préjugés de l’opinion publique. « Le secteur bancaire est souvent malmené. Les médias renvoient parfois une image faussée de la profession alors que nous sommes au cœur des projets qui n’aboutiraient pas sans nous », défend Roula Manassa, présidente du comité régional de la Fédération bancaire française (FBF) Pays de la Loire. La méconnaissance du grand public, Julien Morand y fait face lorsqu’il assiste aux forums des métiers : « Une mère m’a rétorqué qu’elle ne souhaitait pas voir son fils « le cul sur une chaise » toute la journée. Sa remarque m’a frappé, car à mon niveau, je suis plus souvent en dehors avec les clients qu’au bureau. » Il s’agit alors pour les professionnels de démocratiser les métiers du conseil. Cela passe également par la féminisation du secteur. Une vigilance particulière demande à être apportée à la branche bureaux d’études, comme le soulignent les actions mises en place par les partenaires.

En parallèle, les départs en retraite s’accentuent. Bien que pour l’instant, les bureaux rencontrent peu de difficultés à vendre, le sujet préoccupe les professions. On assiste entre autres à une baisse des indépendants. Avec pour conséquence « une déperdition des jeunes profils qui résident dans les grandes villes, Nantes ou Angers, pour leurs études, et qui y restent », analyse Julien Morand, également nouveau président du Club des Jeunes Dirigeants Vendée Bocage.

De nouveaux profils émergents

Alors par manque de candidatures, les employeurs « ratissent large. » L’intégration de profils atypiques se fait moins rare. Ils répondent aussi aux enjeux de demain et offrent de nouvelles opportunités métiers. « Nous salarions des personnes en reconversion venues d’autres secteurs. Nous réfléchissons à internaliser des experts sur la question de la RSE ou de l’intelligence artificielle », avance Patrice Collomb qui a lui-même assisté cette année à une formation sur le bilan carbone. À l’heure actuelle, la corporate sustainability reporting directive (CSRD) engage seulement les grandes entreprises et PME cotées en bourse. La législation de 2024 amène toutefois chaque société et leurs conseillers à se pencher sur leur neutralité carbone.

Les transformations profondes des métiers de la finance et du conseil proviennent aussi de la digitalisation des entreprises. Face à cela, les activités de conseil en technologie augmentent. Les acteurs publics et privés estiment que de nouveaux métiers encore non identifiés feront leur apparition d’ici quelques années.

André Martin, vice-président, représentant officiel de la Région dans le partenariat signé avec les acteurs du secteur. SARA BERNÈDE – IJ

« Il faut qu’on donne à voir (aux jeunes, NDLR) la comptabilité de demain. Leur travail sera moins dans la saisie que dans l’analyse », encourage André Martin, le vice-président des Pays de la Loire, à la tête de la commission jeunesse et formation. Une tâche plus ardue qu’elle n’y paraît. « C’est sûr qu’un bureau, c’est moins fun à visiter qu’une industrie », conçoit ce dernier, « mais on doit amener les jeunes à pratiquer, à faire des vis ma vie de commissaire aux comptes. » L’apprentissage se présente ainsi comme un excellent outil à disposition de ces filières, avec en ligne de mire un CDI tout tracé. « C’est notre meilleure stratégie de recrutement pour s’assurer des salariés stables et fidèles », insiste Julien Morand. C’est pourquoi la proposition de diminution des aides de l’État en matière d’apprentissage, émise par le nouveau gouvernement de Michel Barnier, inquiète. « Cette menace pèse fortement sur notre secteur lié à l’attractivité de nos métiers », avertit Mathieu Séguran, délégué général de la fédération Syntec. Aux côtés de la FBF et France Assureurs, l’organisme a cosigné une tribune sur ce sujet, dans les Échos, en mai dernier.

2024-2026 : un partenariat avec la Région

En marge du Big Bang de l’emploi, la Région et les partenaires des « Services numériques, financiers et conseils » ont signé vendredi 11 octobre, à Nantes, un contrat d’objectifs sectoriel. L’idée ? Actionner des leviers d’aide à l’emploi, à la formation et à l’orientation. De cet engagement, nous relèverons la mise en place d’ambassadeurs auprès du public ligérien, la volonté d’interagir avec les jeunes dès le collège et le lycée et l’acculturation des organismes dédiés à la formation. La création d’un campus numérique a également été soulevée. Un projet qui pourrait voir le jour sous le modèle du campus Cyber. Fondé à La Défense, une antenne régionale a été ouverte au printemps dernier.