Comment avez-vous décidé de vous inspirer du sport pour manager Zelok ?
L’arrivée du management sportif chez Zelok est lié à mon passage à la cinquantaine en 2020. Je suis chef d’entreprise depuis mes 18 ans et j’ai commencé à me poser des questions pour m’entretenir et rester en forme, aussi bien physiquement que psychologiquement, que ce soit comme dirigeant ou dans ma vie personnelle. En 2019, la même année où j’ai créé Zelok, je me suis donc lancé un défi : faire mon premier triathlon en mode Half iron man[1] l’année suivante. Je me suis fait accompagner par un coach avec comme objectifs de terminer l’épreuve, en bon état physique, en respectant un temps, moins de huit heures. Rapidement, lors de ces séances préparation, je me suis rendu compte des nombreux parallèles avec mon métier de manager et l’utilité que les techniques du management sportif pouvaient avoir pour Zelok.
Quelles sont ces similitudes ?
Se lancer dans son premier triathlon, c’est comme lancer un nouveau projet : c’est la grande inconnue et on sait que ça va être difficile. Dans les deux cas, si l’on se pose trop de questions, on se dit que l’on ne va jamais y arriver et on ne le fait pas. Ce que me demande mon coach est exactement ce que je demande à mes équipes tous les jours : il me donne des consignes précises et fractionne les objectifs pour atteindre le résultat escompté. L’athlète comme le dirigeant d’une entreprise est quelqu’un d’organisé, de déterminé, qui ne laisse rien au hasard. Le sport porte des valeurs universelles que l’on retrouve en entreprise : ténacité, dépassement de soi, capacité d’adaptation…
Quelle a été votre méthode pour dupliquer ce modèle et embarquer vos équipes ?
J’ai commencé par leur raconter mes séances de préparation. Comme je ne suis pas le seul sportif, d’autres que moi ont fait le lien avec le monde de l’entreprise. Ensuite, lors d’un lancement de service ou de produit, je fais souvent des parallèles entre le sport, le bon sens de la vie de tous les jours et une situation métier pour expliquer l’objectif à atteindre. J’utilise aussi des anecdotes sportives pour détendre les équipes et illustrer ce qui se cache derrière un succès ou pour décomposer un échec afin de ne pas le reproduire. Dans le sport comme au travail, face à une mission à remplir, la logique est la même : il y a une phase de préparation et de motivation.
J’incite également chaque collaborateur qui a une passion sportive à la partager avec le reste de l’équipe dans une perspective de cohésion. Cela permet de mettre en avant des personnes réservées, discrètes. C’est aussi une façon d’encourager les salariés à faire du sport. Nous nous sommes ainsi mis à courir ensemble, sur la base du volontariat, ou à organiser des concours de palets, sur le temps du midi. C’est l’occasion d’apprendre à mieux se connaître, sans jugement, d’accepter les défaillances comme les réussites de chacun et d’avancer tous dans la même direction.
Quels sont les atouts du management sportif pour une start-up ?
Le statut de start-up, c’est la capacité à être tout le temps en situation d’adaptation. On teste des choses, on prend une direction et si on va droit dans le mur, on pivote dans une autre direction. Le risque avec ces changements permanents, c’est de perdre du monde. Il y a cette épée de Damoclès que l’on ne cache pas au moment du recrutement : on vit ensemble, on avance ensemble mais on va peut-être mourir ensemble. Certains collaborateurs aiment cette adrénaline, d’autres sont angoissés par ces changements et ces incertitudes à répétition.
Alors comment résister à ce stress ? En étant quelqu’un d’équilibré, bien dans sa peau, qui a cette capacité à ne pas abandonner et à franchir la ligne, même si cela a pris du temps. Comme dans une épreuve de sport, le plus difficile, c’est de voir les autres autour de soi tomber, échouer. Moralement, c’est compliqué. Il faut réussir à faire abstraction de cet environnement et avancer. Il ne faut pas lâcher, aller jusqu’au bout, avoir cette logique du dépassement de soi, toutes ces valeurs portées par le sport. Le management sportif peut donc être une réponse pour emmener ses équipes vers la réussite malgré les nuages. C’est encore plus vrai pour une start-up.
Selon vous, ce type de management peut-il s’appliquer à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ?
Oui, à condition que, dans les grandes structures, ce management soit redescendu par service ou entité. Zelok est une petite équipe de 26 personnes. Cette proximité avec les collaborateurs permet de se dire plus de choses, d’avoir des échanges plus directs que dans une entreprise de 5 000 personnes plus difficile à coacher, où ce type de management risque de partir dans tous les sens. L’écoute des besoins de chacun ne peut être la même que dans une petite équipe. Le management sportif, c’est finalement, un management de proximité.
Faut-il forcément être sportif pour faire du management sportif ?
Non. On peut avoir l’âme d’un sportif sans l’être et être capable d’appliquer les règles sportives. Le sport est un prétexte et, au risque de me répéter, ses valeurs sont universelles.
Un conseil pour les entrepreneurs qui veulent se lancer ?
Le sportif ne connaît pas ses limites tant qu’il n’a pas essayé de les atteindre. Alors tentez l’expérience ! Essayer de mettre en place ce système de management, c’est lui donner une chance de réussite. Ne pensez pas que vos collaborateurs n’en veulent pas, qu’ils n’y trouveront pas leur compte. Vous seriez surpris de découvrir l’âme de sportif qui se cache en eux. Si c’est ludique, ils vont adhérer, peut-être de manière individuelle au début, puis de façon collective. Essayer le management sportif, c’est l’adopter.
[1] Les épreuves : 1,9 km de natation, 90 km de vélo et 21 km de course à pied.