Pouvez-vous me présenter le concept de Camping-Car Park ?
Près de 2,5 millions de camping-cars sillonnent actuellement les routes d’Europe. Dans ce contexte, les collectivités ont besoin de structurer leur territoire pour les accueillir. Nous proposons ainsi la première solution automatisée, qui réponde à la fois à la demande des camping-caristes mais aussi des collectivités. Aujourd’hui, Camping-Car Park est ainsi le premier réseau européen d’aires et campings municipaux.
Comment est née l’entreprise ?
À l’origine, il y a Laurent Morice et Corinne Bruel, qui sont en couple. Laurent était à la tête du camping du Patisseau à Pornic et Corinne en gérait un dans le Gers. Leur constat de départ, c’est que les camping-caristes étaient mal acceptés dans les campings parce que, par nature, ils ne vont pas y rester plus de deux nuits en moyenne. Ayant découvert qu’il n’existait aucune offre structurée à destination des camping-cars en France, ils ont décidé de réaliser un tour de France et d’interroger les camping-caristes et mairies pour connaître leurs attentes. C’est à leur retour qu’est né le concept Camping-Car Park. Le réseau a vu le jour en 2011.
Comment s’est passé le lancement de l’activité ?
Camping-Car Park a été la première entreprise à proposer aux collectivités une gestion et une délégation de service public pour une aire de camping-car. L’activité a plutôt bien démarré, mais les fondateurs ont dû faire beaucoup de sacrifices. Ils ont par exemple hypothéqué leur maison. En termes d’organisation, ça a aussi été très compliqué les premières années : Laurent devait assurer le service client au téléphone alors qu’il était en plein rendez-vous avec des élus. Laurent et Corinne n’ont donc pas eu d’autre choix que d’être au four et au moulin. En revanche, ils n’ont jamais rien lâché. Dès le début, ils ont mis en place un modèle économique solide, où l’entreprise reverse les deux tiers du chiffre d’affaires de ses aires aux communes qui lui mettent à disposition un terrain. La première aire, c’était au camping de Nantes Petit Port. Ensuite, il y a eu Vannes, puis Préfailles.
Pouvez-vous m’en dire plus sur ce modèle économique ?
Plusieurs modèles sont possibles. Soit la commune assure l’investissement de départ, c’est à dire la viabilisation du terrain (eau et électricité), reste propriétaire de l’aire, et nous confie la gestion commerciale, le service client, la comptabilité et l’entretien des équipements. Dans ce cas, nous devenons locataires de l’aire pour une période de 5 à 50 ans via une délégation de service public signée avec la collectivité. Et on lui reverse les deux tiers du chiffre d’affaires de l’aire. Seul impératif pour la municipalité : assurer l’entretien des espaces verts et la collecte des déchets.
Soit c’est nous qui supportons l’investissement de départ et la commune nous met à disposition le terrain. Dans ce cas, c’est nous qui percevons les deux tiers du chiffre d’affaires de l’aire et la collectivité le dernier tiers. C’est le cas pour les municipalités qui n’ont pas les moyens de financer leur aire. Aujourd’hui, on est aussi capables de faire du sur-mesure et de s’adapter aux besoins et contraintes des collectivités.
Qu’est-ce qui vous a poussé à rejoindre cette start-up en 2019 ?
Après une école de commerce (ESC Rouen), j’ai intégré à Lille le cabinet de finances Ernst&Young pour faire du commissariat aux comptes. En parallèle, j’ai passé mon diplôme d’expert-comptable. J’ai ensuite réalisé une soixantaine d’opérations de fusion, acquisition ou restructuration pour E&Y avant de basculer chez Deloitte, un gros cabinet concurrent, chez qui je suis resté trois ans.
Ensuite, on a voulu déménager sur la côte avec ma compagne. J’ai alors postulé à Pornic pour devenir directeur général de Camping-Car Park. La rencontre avec les deux fondateurs s’est très bien passée. J’ai perçu une grosse volonté de leur part de faire croître l’entreprise rapidement. J’ai également été séduit par le fait que c’était un marché auquel je ne connaissais rien, comme celui des collectivités d’ailleurs. J’ai finalement rejoint l’équipe en 2019 avec l’objectif de booster la croissance de l’entreprise. C’est dans cette perspective qu’on a bâti ensemble une feuille de route avec trois ambitions : continuer à développer le réseau français, accélérer au niveau européen et continuer à innover pour conserver l’état d’esprit start-up. Pour garder un temps d’avance sur la concurrence, on a mis en place un programme où tous les six mois on sort une innovation majeure. Car il faut apporter régulièrement des nouveautés au marché et à nos utilisateurs.
Comment accède-t-on à vos aires et combien ça coûte ?
Il suffit d’avoir une carte, dont le format est le même qu’une carte bleue. On peut se la procurer directement sur nos aires, via notre site internet, sur l’application mobile ou dans nos locaux à Pornic. Elle coûte 5 € et est valable à vie. En moyenne, une nuit en basse saison coûte 9,80 € et 12,50 € en haute saison. Si les tarifs diffèrent d’une aire à l’autre alors qu’elles proposent le même niveau de service, c’est parce que ce sont les collectivités qui fixent elles-mêmes le montant de la nuitée.
Quels services proposez-vous systématiquement sur vos aires ?
Notre ambition est de faire profiter les camping-caristes de destinations touristiques avec un niveau de services uniformes et de qualité. Ainsi, l’ensemble de nos aires sont accessibles 24h/24 et 365 jours par an et sécurisées grâce à des caméras. Sur place, les camping-caristes peuvent y vidanger leurs eaux usées, faire le plein d’eau potable, bénéficier du wifi, de l’électricité mais également d’un point de collecte de leurs déchets. Bref, tout ce dont un camping-cariste a potentiellement besoin au quotidien.
Quelles missions assurent vos équipes au siège à Pornic ?
On a plusieurs services. La partie comptabilité gère la facturation de toutes les aires du réseau à distance et les relations financières avec les collectivités. Le service promotion et communication met en avant les nouvelles destinations et les commerçants que l’on trouve à proximité. On a aussi tous nos développeurs qui créent les logiciels en interne ainsi que nos équipes qui fabriquent les équipements installés sur chacune de nos aires : bornes de paiement, barrières, automates… On a également l’équipe de maintenance, qui fait du support technique et qui arrive à résoudre 90 % des problèmes techniques à distance. Enfin, il y a le service relation client (42 salariés) qui parle neuf langues. Il assiste les usagers qui rencontrent un souci avec l’ouverture d’une barrière ou qui arrivent sur une aire où il ne reste plus de place…
En quoi vos aires participent-elles à l’amélioration des budgets des collectivités partenaires ?
Prenons l’exemple du camping municipal du Ruoms (Ardèche). Il faisait 100 k€ de CA annuel et nécessitait trois saisonniers pour tourner. Comme la municipalité peinait à recruter, elle nous a confié la gestion. On l’a aussitôt automatisé, et on est arrivés dès la première année à 180 k€ de CA, sans aucun salarié. On a donc boosté la fréquentation du camping et au passage, on a soulagé les élus d’astreinte qui devaient parfois quitter un dîner familial pour gérer un problème de barrière. Au total en 2022, ce modèle économique nous a permis de reverser 7,6 M€ aux collectivités partenaires. Ça peut aller de 10 000 € sur des petites aires de six places, jusqu’à plus de 100 000 € pour certaines très fréquentées. On apporte également aux collectivités des recettes indirectes via la collecte de la taxe de séjour. À Bazouges-Cré-sur-Loir (Sarthe) par exemple, l’argent généré grâce à notre aire a permis à la municipalité de financer la construction d’une maison de retraite.
On participe aussi au maintien du commerce de proximité, une mission qui fait pleinement partie de notre ADN.
Au-delà des ressources financières, qu’apportez-vous aux collectivités ?
Les communes touristiques sont bluffées par la visibilité qu’on leur apporte via notre site internet, notamment en basse saison, et qui les aide à développer le tourisme quatre saisons. On participe également au maintien du commerce de proximité, une mission qui fait pleinement partie de notre ADN. On va ainsi créer, pour chaque destination, un réseau d’acteurs économiques locaux partenaires. Un moyen de proposer des bons plans à nos utilisateurs tout en mettant en avant le boucher, le boulanger, le restaurateur du coin. Car il faut avoir à l’esprit qu’un camping-cariste dépense en moyenne 44 € par jour en course, visites, restaurants… Sur certaines destinations, on a enfin développé des packages. Pour sept nuits passées sur l’aire de Lamalou-les-Bains, les camping-caristes bénéficient par exemple de 10 % de réduction sur leur cure thermale. Un moyen, là encore, de booster l’économie locale.
À partir de quand les choses se sont-elles accélérées pour Camping-Car Park ?
L’entreprise a connu une croissance normale jusqu’en 2019, où elle revendiquait 200 aires. Tout s’est accéléré en 2019, année où j’ai rejoint l’entreprise et à partir de laquelle on a triplé le nombre de nouvelles aires chaque année. On est ainsi passés d’une trentaine d’ouvertures par an à plus de 100 en moyenne. Et de 35 salariés en 2019 à 102 aujourd’hui. On compte en recruter 35 supplémentaires en 2023. D’où la nécessité de construire un nouveau bâtiment de 1 000 m2, dont l’inauguration est prévue en juin.
Comment se porte le marché du tourisme itinérant actuellement ?
Plutôt pas mal. Le nombre d’immatriculations était en développement de 5 % par an depuis plus de dix ans. Mais le Covid a sérieusement accéléré les choses, à tel point que les constructeurs n’arrivent plus à suivre la demande en termes de production. Aujourd’hui, pour acheter un camping-car neuf, les délais de livraison sont parfois de plus de douze mois, ce qui profite également au marché de l’occasion. On a aussi les plateformes de location de vans et camping-cars entre particuliers, à l’image de Yescapa ou Wikicampers, qui sont en plein boom.
La barre des 100 000 immatriculations de camping-cars en France a été franchie pour la première fois en 2021 et le marché des véhicules de loisirs a lui aussi enregistré sa meilleure performance de tous les temps, avec une hausse de 25 % des immatriculations sur 2021.
Ce qui a véritablement changé depuis deux ans, c’est le nombre de fourgons et de vans. Ils représentent désormais la moitié des immatriculations de véhicules de tourisme. À la différence des camping-cars, ces véhicules sont utilisés comme véhicule principal au quotidien par leurs propriétaires. Du coup, c’est un vrai changement de mentalité auquel on se doit d’être attentifs.
Comment vous adaptez-vous à cette évolution ?
On vient de sortir une nouvelle application, Van Night, car on s’est rendu compte que les vanistes n’allaient pas spontanément sur notre application car elle contient le mot camping-car, qui est trop connoté. On a donc choisi d’en créer une nouvelle, qui ne référence que certaines aires du réseau, répondant à un cahier des charges bien précis : espaces pour jouer pour les enfants, présence de sanitaires, douches… Sur nos 420 aires, 80 sont référencées sur cette nouvelle application. Cette nouveauté va nous pousser à équiper nos prochaines aires de modules sanitaires. Aujourd’hui, c’est un prototype sur lequel on est en train de travailler et qui sera notre prochaine innovation. Il aura la particularité d’être facile à nettoyer pour les collectivités.
Quels sont vos objectifs pour 2023 ?
Continuer à maintenir un rythme de croissance important, avec l’ouverture de 120 nouvelles aires par an en France, dépasser 20 M€ de CA et atteindre 500 aires minimum en gestion. L’objectif suivant sera d’atteindre le cap des 1 000 aires à l’horizon 2026. D’ailleurs, tous les responsables de service doivent constituer leur équipe et leur process avec cet objectif en tête. Autre rendez-vous incontournable pour l’entreprise : les prochains gros salons de camping-caristes en Allemagne et en France. Ce sont des événements auxquels on ne participait pas initialement. C’est donc quelque chose de complètement nouveau pour nous.
Justement, quelles sont vos ambitions sur le plan international ?
On a eu l’idée fin 2021 d’exporter notre modèle et de le dupliquer dans quatre pays préalablement identifiés : la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne et le Portugal. Le modèle prend d’ailleurs plutôt bien à l’international. Pour 2023, la priorité sera donnée à l’Espagne et au Portugal, deux destinations très prisées des camping-caristes où l’on a un gros gisement d’opportunités. L’idée est d’en ouvrir en moyenne 20 par an au Portugal, et 40 par an en Espagne. L’autre gros gisement d’opportunités, c’est l’Allemagne avec ses 600 000 camping-caristes. C’est pour nous un axe prioritaire et on a déjà recruté quatre personnes dédiées exclusivement à ce marché. Il y a enfin la Belgique et ses 100 000 camping-caristes, où l’on a déjà ouvert une première aire.
Quelles évolutions du marché anticipez-vous ?
Depuis la fin de la crise sanitaire et face aux enjeux de la transition, la cote de popularité des camping-cars monte en flèche auprès des vacanciers. Leur nombre devrait d’ailleurs doubler en France d’ici cinq ans. Dans cette perspective, on estime qu’il manque au moins 2 400 aires rien que sur les communes touristiques de l’Hexagone. Demain, ça va devenir une vraie problématique pour les collectivités, notamment en termes de stationnement. Notre but, c’est de les sensibiliser en leur disant attention, demain vous allez devoir faire face à une nécessité d’accueil des fourgons aménagés, vans et camping-cars. Un moyen pour nous de leur proposer derrière nos services.
Vous avez récemment ouvert des aires pour cyclotouristes et randotouristes. Est-ce une volonté de vous diversifier ?
Oui, nous avons fait le choix de dupliquer notre modèle. On a aujourd’hui une dizaine d’aires qui sont déjà ouvertes à des campeurs. Car on gère des aires de camping-cars, mais également 80 campings municipaux. Toute l’année, les camping-cars peuvent venir sur les aires et sur juillet/août, période où les sanitaires sont ouverts, on accueille également les campeurs, les cyclotouristes, les randonneurs via un espace qui leur est dédié. D’autre part, on a ouvert une première aire fluviale à Sedan qui peut accueillir une quinzaine de bateaux. On va en ouvrir une deuxième à Nemours (Seine-et-Marne) et une troisième à Fumay (Ardennes) car on s’est aperçus que les plaisanciers ont les mêmes besoins que les camping-caristes.
Vous envisagez également de créer votre propre agence de voyages ?
Oui, ça va être une des prochaines étapes. L’idée est de coupler une nuit sur une aire de camping-car avec un spectacle ou une entrée dans un monument emblématique de la région. On a par exemple une collectivité qui nous a sollicités pour un concert de Marc Lavoine. C’est l’office du tourisme qui vendait les places et souhaitait qu’on propose une offre packagée. Pour l’achat d’une place de concert, l’acheteur bénéficie de 15 % de réduction sur son séjour dans notre aire. On réfléchit aussi à proposer des coffrets cadeaux en partenariat avec les plateformes de location de vans et camping-cars. La personne qui recevrait un coffret cadeaux bénéficierait alors d’une ou plusieurs nuits offertes sur notre réseau.
Quels challenges devra relever l’entreprise pour continuer à croître ?
Continuer d’innover et d’apporter régulièrement de nouveaux services, tout en étant à l’écoute des camping-caristes et des collectivités. Par exemple, la commune de Peyragudes, qui doit accueillir cet été la Coupe du monde de VTT, nous a demandé une aire éphémère le temps de la compétition. On s’est donc engagés à créer une aire avec un contrôle d’accès qui va être autonome en énergie et où l’on va installer une cuve pour collecter les eaux usées. C’est donc l’écoute et l’innovation qui nous permettront de continuer à grandir. D’ailleurs, demain par exemple, on n’exclut pas de créer des aires pour voitures (parking, NDLR) si les collectivités nous le demandent. Parce que finalement, c’est exactement le même modèle…
Camping-Car Park en chiffres
- Un réseau de 420 aires pour un total de 12 000 emplacements
- Un chiffre d’affaires de 15 M€ en 2022 (+50 % sur un an)
- 90 nouvelles aires ouvertes en 2022
- 7,6 M€ reversés aux collectivités en 2022
- 685 000 clients, dont 40 % d’étrangers