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Entreprendre, c’est (aussi) rebondir après un échec

Ni une honte ni une fatalité. Le regard sur l’échec entrepreneurial doit changer. C’est la conviction de l’association 60 000 Rebonds Grand-Ouest qui organisait le 29 novembre, à Mouilleron-le-Captif, le premier Forum du rebond vendéen. Un moment inspirant à l’heure où le nombre de défaillances d’entreprises est en forte augmentation dans le département, comme dans le reste du pays.

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Les participants de la table ronde du premier Forum du rebond vendéen. ©IJ

En 2022, le nombre de défaillances d’entreprises connaît une forte augmentation en Vendée. Au 31 octobre, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon recensait officiellement 157 liquidations et 60 redressements judiciaires. Bernard Pontreau, son président, estime que le nombre de procédures collectives ouvertes devrait atteindre 315 dossiers (760 salariés concernés) d’ici la fin de l’année. Ces chiffres dépassent largement ceux de 2021 où le nombre d’ouvertures de procédures collectives s’établissait à 170 (377 salariés concernés) dont 115 liquidations et 40 redressements judiciaires. Depuis le printemps, la tendance s’accélère.

Jusqu’ici, grâce aux multiples aides liées au Covid et aux reports de charges, les entreprises vendéennes s’en étaient plutôt bien sorties avec une baisse de 14 % du nombre de défaillances entre 2021 et 2020[1]. Mais la fin de ces mesures, ajoutée à l’inflation ou à la guerre en Ukraine, sonnent la fin de la parenthèse. Les effets de ces différentes crises pèsent en décalé sur l’économie. Il faut donc s’attendre à une aggravation de la situation ces prochains mois.

Après l’échec, il faudra imaginer pour tous ces entrepreneurs leur vie d’après. Accompagner les chefs d’entreprise en liquidation judiciaire et les aider à rebondir, c’est justement la mission de 60 000 Rebonds. Cette association a été fondée en 2012[2] par un entrepreneur bordelais victime d’une faillite, pour que « l’on n’ait plus jamais honte de faire faillite, que le regard sur l’échec évolue. » C’est dans cette optique que 60 000 Rebonds Grand-Ouest, l’une des dix associations régionales, organisait le premier Forum du rebond vendéen, le 29 novembre, à Mouilleron-le-Captif. Avec une ambition forte, montrer que, « entreprendre, c’est grandir de ses échecs comme de ses réussites ».[3]

Oser demander de l’aide

La toute première étape consiste à oser demander de l’aide. « Il faut se faire violence pour accepter de se faire accompagner », témoigne Lucie Renaudeau, accompagnée depuis un an par 60 000 Rebonds Grand-Ouest. En novembre 2021, sa société en édition de textiles bio était placée en liquidation judiciaire. « L’échec est quelque chose qui vous tombe brutalement dessus. Quand on prend conscience que la liquidation judiciaire est la seule issue, on ne sait pas vers qui se tourner, on est dans le flou. »

Thierry Picavet, lui, voulait comprendre « pourquoi cela n’avait pas fonctionné, où j’avais fait une erreur et quel style d’erreur c’était pour ne pas la reproduire ». En 2020, l’entreprise de process dans l’agroalimentaire qu’il dirige depuis cinq ans est en liquidation judiciaire. Il a perdu ses plus gros clients et 1 M€ de chiffre d’affaires. Il a sous sa responsabilité une cinquantaine de personnes.  « Ce fut un vrai traumatisme. J’étais au fond de la piscine. Je ne pouvais pas descendre plus bas. Il fallait que je remonte à la surface. »

Un double accompagnement gratuit

Chez 60 000 Rebonds, le processus est toujours le même. Un comité de bénévoles écoute l’histoire de ces entrepreneurs en souffrance avant de décider de les agréer. À partir de là, l’association leur offre un double accompagnement gratuit, à commencer par un suivi individuel. Chaque personne aidée bénéficie d’un coach certifié et d’un parrain ou d’une marraine, ayant une expérience entrepreneuriale. Ce tandem de bénévoles s’engage à un minimum de sept séances de coaching d’une heure trente sur deux ans. L’accompagnement est aussi collectif sous la forme de formations et de moments conviviaux « pour sortir le chef d’entreprise de son isolement, créer une nouvelle communauté autour de lui afin de lui redonner confiance », explique Alain Marion, co-président de 60 000 Rebonds Grand-Ouest.

« La première fois que j’ai vu Marie Redais, ma marraine, elle m’a aidée à faire mon CV, témoigne Lucie Renaudeau. Cela faisait près de dix ans que je n’en avais pas fait et, à ce moment-là, mon objectif était de repartir vers un job salarié. Au fil des formations, le projet entrepreneurial est revenu au centre de la table. Marie a navigué avec moi pour savoir ce que j’allais faire de ma vie. »

« Il a fallu tout remettre à plat pour rebondir. Mon coach et mon parrain m’ont servi de béquille, complète Thierry Picavet, devenu manager de transition à la suite de son accompagnement en 2021. Ils m’ont écouté sans jugement et avec bienveillance. C’était fondamental. »

« Il n’y a pas de recette magique ou de mode d’emploi, indique Marie Redais. On le fait au feeling. On s’adapte au fur et mesure du cheminement de l’entrepreneur accompagné. »

L’échec, source de réussite

96 % des entrepreneurs accompagnés par l’association au niveau national rebondissent. La moitié choisit le salariat, l’autre moitié repart vers l’entrepreneuriat. Trois ans après chaque rebond, ce sont en moyenne 3,2 emplois qui sont créés. « Il faut dédramatiser l’échec, appuie Marie Redais. C’est une épreuve qui fait aussi réfléchir sur soi. » Un sentiment partagé par Lucie Renaudeau. « Cet accompagnement a solidifié ma confiance en moi. Je me connais mieux. »

« Contrairement à la culture anglo-saxonne, l’échec n’est pas assez valorisé en France, regrette de son côté Adeline Colombel, coach certifiée bénévole. Or, il faudrait l’accueillir comme quelque chose de bénéfique. » Thierry Picavet acquiesce : « Dans le sport, l’échec est accepté. Il fait partie de la vie du sportif. » Sans doute faudrait-il s’inspirer de ces deux univers pour faire évoluer davantage le regard sur l’échec en entreprise en France.

 

En chiffres

60 000 Rebonds Grand-Ouest, c’est :

  • Sept antennes dont celles de La Roche-sur-Yon
  • 112 entrepreneurs accompagnés en 2022
  • 254 bénévoles

[1] Source : Altares, expert de l’information sur les entreprises.

[2] « 60 000 » fait référence au nombre de cessations d’activité en 2012.

[3] Citation de Guillaume Mulliez, président national de 60 000 Rebonds.

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