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Énergie décarbonée : appel aux talents et compétences

Les objectifs de production d’énergie pour atteindre la neutralité carbone nécessitent de colossaux investissements et la mobilisation des entreprises d’ingénierie et de leur écosystème. À l’occasion de la rencontre organisée le 6 février à Nantes par Syntec-Ingénierie (1), Carole Pitou-Agudo, déléguée régionale de RTE (2), a lancé un véritable appel aux compétences.

Carole Pitou-Agudo

© IJ-Eric Cabanas

RTE Ouest prévoit 300 M€ d’investissement en 2024, pour tendre vers 350 M€ à l’horizon 2025 (750 M€ de 2022 à 2026) afin d’améliorer et développer ses infrastructures. « On va devoir investir massivement sur les réseaux, de transport et de distribution. On compare le défi à relever aux investissements que l’on a faits juste après la Deuxième Guerre mondiale pour reconstruire les réseaux, ou lors du lancement du programme français de construction du parc nucléaire et du réseau de transport qu’il nécessitait. C’est extrêmement enthousiasmant, mais c’est aussi un très gros défi », prévient Carole Pitou-Agudo. Cela passe notamment par la construction de nombreux postes électriques et lignes pour accompagner la forte ambition de parcs d’énergies renouvelables terrestres et des parcs éoliens en mer.

« En parallèle, poursuit, la déléguée régionale de RTE, nous réfléchissons à l’externalisation d’autres missions au-delà des liaisons, notamment la maîtrise d’œuvre pour les postes électriques, dans le cadre d’un accord cadre pour 2025. Nous continuons à challenger tous nos process internes pour aller plus loin dans l’externalisation afin d’accroître notre force de frappe. Nous recrutons massivement, mais cela ne suffira pas. Nous activons tous les leviers possibles. Nous travaillons pour avoir un panel accru de fournisseurs variés et le plus robuste possible. C’est pour cela que nous allons avoir besoin de vous », lance-t-elle devant le parterre de spécialistes de l’ingénierie réunis par Syntec-Ingénierie.

Des besoins d’ingénierie numérique

« Nous devons accompagner la hausse de consommation électrique projetée qui va nécessiter l’installation de tuyaux plus importants pour transporter tous ces électrons. C’est déjà perceptible dans tous les bassins industriels français historiques, ainsi que dans l’estuaire de la Loire qui héberge beaucoup d’industriels ligériens. Ces acteurs de l’industrie nous sollicitent pour renforcer leurs raccordements électriques. Nous avons enregistré de très nombreuses demandes l’an dernier. Nous allons devoir investir massivement sur notre réseau et nous n’allons pas le faire sans vous. Nous avons expérimenté ces deux dernières années, tout particulièrement sur Nantes, l’idée d’aller plus loin dans la délégation et le fait de prester la maîtrise d’ouvrage, voire la maîtrise d’œuvre. Aujourd’hui, nous sommes matures pour lancer des appels d’offres nationaux dans lesquels nous allons vous inviter à vous inscrire massivement parce que l’on a beaucoup de travail. Nous expérimentons sur différents chantiers de construction de lignes, de postes électriques, et nous réfléchissons à développer du numérique dans nos infrastructures pour quelles soient les plus intelligentes possibles. Nous avons besoin d’ingénierie numérique pour relever les défis qui sont devant nous », prévient Carole Pitou-Agudo.

Un manque de 20 000 ingénieurs par an

Michel Kahan, président de Syntec-Ingénierie ne manque pas de rappeler le rôle de l’ingénierie dans la réindustrialisation bas carbone de la France « en accompagnant le mouvement des process énergétiques et industriels. L’un des rôles fondamentaux de l’ingénierie est aussi de savoir accueillir les industries, leur fournir l’énergie adaptée, les utilités, l’eau, etc ». Mais il pointe du doigt la question des talents : « Tout le monde est à la recherche de talents, l’ingénierie y compris. Il manque, 20 000 ingénieurs par an pour l’ensemble des filières de développement dans le cadre de le transition écologique et de la nouvelle industrialisation. Comment va-t-on faire avec ce déficit de talents ? De plus, ces talents arrivent avec des aspirations nouvelles. Il faut être à leur écoute et leur dire qu’en venant travailler dans le monde de l’ingénierie ils feront des choses susceptibles de transformer le monde ». Parallèlement, le président de Syntec-Ingénierie estime qu’il existe « une question de mobilisation de la maîtrise d’ouvrage ». « Ne serait-ce que sur la question de la supervision de l’environnement dans ces parcs offshore, les appels d’offres prennent un temps fou. La question de la mobilisation de l’ensemble des acteurs de cette filière apparaît très importante. Tous les acteurs concernés doivent être connectés pour réussir cette transition énergétique. C’est une question de logique industrielle à monter pour les grands projets éoliens offshore ou nucléaire. Il y a une nouvelle politique industrielle à établir », conclut-il.

 

 

1 Le Réseau de Transport d’Électricité Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, ex-Poitou-Charentes, Centre Val de Loire, 1 400 collaborateurs), dont le siège se situe à La Chapelle-sur-Erdre, assure le transport d’électricité haute tension.

2 Syntec-Ingénierie est la fédération professionnelle de l’ingénierie. Elle rassemble plus de 400 entreprises exerçant une activité dans l’industrie, l’énergie, le bâtiment, les infrastructures, l’environnement et la biodiversité, la gestion de l’eau, l’assistance ou les études techniques, le conseil en technologie, le contrôle, l’inspection…