Une fois par mois, le Nantes Atlantique Business Club investit la pelouse des Canaris. Les maillots sont sur la touche. Les femmes et hommes présents ce jour-là ont un vestiaire plus atypique. Quand le temps le permet, se côtoient sur le bord du terrain les chefs d’entreprise et leurs collaborateurs à fonction managériale. Le « NABC », pour les intimes, s’est implanté ici en 2018 grâce à Julien Denis et Jean-Charles Verdalle, d’après un concept de réseau lancé par Olivier Talbert à Valenciennes (Hauts-de-France) en 2013.
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Le besoin de réseauter et l’opportunité conduisent ces deux acolytes à acheter les droits nantais auprès du fondateur, soit à l’époque « 24 000 € d’investissements », affirme Jean-Charles Verdalle. Un contrat de cinq ans, renouvelable, est signé avec le franchiseur Business O2. Un nom qui regroupe les quatre activités de l’entité. Le club devient alors la troisième franchise au niveau national et fait office d’exemple.

Jean-Charles Verdalle se livre sur son expérience comme cofondateur, ancien dirigeant du NABC. SARA BERNÈDE – IJ
Trentenaires à l’époque, Julien Denis et Jean-Charles Verdalle défendent une vision rajeunie des réseaux d’affaires, mêlant « humour » et « sérieux ». Leur club trouve son public et compte, dès la première année, quatre-vingts adhérents. Au moment de la vente du NABC à Brice Piveteau, en juillet 2024, il en dénombre cent quatre-vingts. « On aurait pu aller plus loin, mais nous voulions garder un côté artisanal », assume l’ancien dirigeant.
Outre Business O2, les départements de Loire-Atlantique et de Vendée recensent deux autres clubs d’affaires ou réseaux – comme préfèrent les définir les animateurs-managers. À savoir, l’ancestral BNI, seize clubs en Loire-Atlantique et en Vendée et le jeune Dynabuy, arrivé en 2024, qui compte déjà dix-neuf clubs sur les deux départements. Les trois fonctionnent sur le même principe : l’exploitation d’une marque commerciale par un indépendant. Car sous le terme club, aux accents chantant le modèle associatif, ces cercles réservés à un public désigné, affichent un intérêt bien lucratif.
On a mis du temps à comprendre que l’on pouvait vraiment gagner notre vie grâce au club. Jean-Charles Verdalle
Un maillage territorial sous forme de franchises
Le contrat de franchise revêt plusieurs avantages : celui de mailler rapidement le territoire tout en profitant de la visibilité d’un réseau national. Pour les nouveaux franchisés, portés par des outils marketing déjà approuvés par la franchise, c’est l’assurance de voir évoluer rapidement le nombre de membres et d’en tirer un chiffre d’affaires intéressant à plus ou moins court terme.
Ainsi, les réseaux d’affaires se professionnalisent. « BNI est une franchise présente dans soixante-dix-sept pays et sur tout le territoire français. Rien qu’en Bretagne-Pays de la Loire, nous touchons mille cinq cents entreprises », atteste Benjamin Delagoutte en codirection, depuis 2020, aux côtés de Barbara Turpin, du « BNI BZH 5/5, regroupant les cinq départements de la Bretagne historique ». En 2024, les associés ont réalisé 2,2 M€ de chiffre d’affaires.

Les membres du BNI BZH 5/5 lors de la convention nationale 2024 du réseau, à Bordeaux. BNI

Les codirigeants BNI BZH 5/5, en 2023, en présence de l’Américain Ivan Misner, fondateur du réseau. BNI
À une plus petite échelle, Audrey Guilbaud, cofondatrice du Café des entrepreneuses, qui comprend plusieurs antennes à travers le territoire vendéen, a décidé il y a quelques mois de se consacrer intégralement à cette seule activité. Une étape dans le développement du club féminin afin de faire fructifier l’entité et de pouvoir en vivre. Si c’est avec une certaine forme de « naïveté » qu’elle l’a créé avec Claire Matillon, elle assure avoir pensé dès le début à « légitimer » leur travail via la création d’une entreprise, plutôt que sous la bannière associative.
Une même innocence dont témoignent au début les Nantais. « On l’a fait en dilettante. Notre but était de se marrer et d’offrir des expériences à nos adhérents. On a mis du temps à comprendre que l’on pouvait vraiment gagner notre vie grâce au club », se livre Jean-Charles Verdalle.
Aujourd’hui, changement de direction. La stratégie s’est peaufinée, l’organisation tend à s’optimiser. « Je m’inscris dans cette dynamique de développement de la franchise dans l’ouest de la France », explique Brice Piveteau, le repreneur du NABC. Il fait figure de gros franchisé puisqu’il détient, depuis la reprise de Nantes, trois Business Club, comprenant celui de Vendée et celui des Deux-Sèvres (600 k€ de CA au total). Une connexion qu’il estime « logique » entre les territoires.

Brice Piveteau, franchisé en charge des Business Club de Nantes, de Vendée et des Deux-Sèvres. YBOO AGENCY
En vue d’agrandir le réseau, les franchises achètent désormais davantage une zone d’exploitation qu’un seul club, comme cela a pu se faire par le passé. Une stratégie de rentabilité associée au besoin de gérer les coups en globalisant les prestations à la négociation des devis.
« J’ai vingt-cinq clubs à ouvrir d’ici fin 2026 »
Connaissance d’Olivier Talbert, à l’origine de la rencontre avec les deux Nantais, Stéphane Courgeon a ainsi acquis le territoire Pays de la Loire pour y implanter les Business Time Club. Un format nouveau, plus intimiste à direction des TPE et PME, de cinq à cent salariés. « J’ai vingt-cinq clubs à inaugurer d’ici fin 2026. Saint-Herblain, Nantes, Le Bignon, Guérande… J’en ai déjà ouvert sept en un an et demi. » Pas de pression, mais un quota à tenir.
Un développement sur le fil, avec une concurrence qui s’accroît et qui révèle un fort intérêt pour ces réseaux d’affaires. Pour BNI BZH 5/5, Benjamin Delagoutte témoigne d’une croissance portée à 15 % supplémentaires chaque année. Il a déjà annoncé ouvrir deux nouveaux clubs, à Nantes Ouest et Pornic, en 2025. Il a préféré garder le mystère sur des ouvertures à plus long terme, estimant « n’avoir pas d’objectifs » précis de la part du franchiseur.
Chez Business O2, on ne s’en cache pas. Le réseau, qui pèse 8 M€ de CA selon nos confrères de La Voix du Nord, promet quatre-vingts clubs d’ici 2028. « On y sera largement », répond Brice Piveteau. Une affaire qui roule.
Développement : la force du nombre ?
« Le format est flexible. Le président et les membres fondateurs (cinq minimum, NDLR) décident de leur formule : une fois par mois, deux fois par mois ou hebdomadaire. Et en plus, on peut choisir l’horaire. Ce qui fait que l’on a des clubs très personnifiés », décrit le directeur d’agence Dynabuy dans le podcast Sur le grill.
Les paroles prêtent à penser qu’ouvrir un club est facile. À tel point que l’on en vient à se demander si l’expansion, à partir d’un modèle différenciant, ne serait pas infinie. Il s’agit alors de « varier la zone de chalandise », en offrant par exemple pour BNI des créneaux entre 7 h et 9 h ou entre 10 h et 12 h. À « 20 kilomètres » de l’entreprise pour simplifier la vie des dirigeants. Rien que sur l’île de Nantes, le site du club en propose trois.
Ainsi, le développement par la multiplication de clubs paraît la manière la plus « simple » de développer du chiffre d’affaires. Car si les clubs peuvent augmenter leur nombre d’adhérents, ils souhaitent pour beaucoup de garder une dimension humaine de leurs réseaux. Brice Piveteau parle alors de « qualité de membre dans leur spécialité ». Lui cherche à diversifier la typologie de ses adhérents de par leurs métiers ou leurs secteurs. Communicants, experts-comptables ou assureurs connaissent depuis longtemps l’intérêt de ces clubs d’affaires, mais c’est moins le cas des personnes à la tête d’ETI.

Atelier du Café des entrepreneuses animé par Clothilde Bernard de Clo’ Assist, membre depuis trois ans. LE CAFÉ DES ENTREPRENEUSES
Les femmes y sont également moins représentées. « Les entrepreneuses ont plus de mal à investir dans les clubs, sauf si c’est une reprise familiale ou si elles ont plusieurs années d’expérience derrière elles », témoigne Audrey Guilbaud. Alors pour la cofondatrice du Café des entrepreneuses, pas question d’augmenter significativement le prix de la prestation, mais plutôt le panier moyen. « Nous proposerons des services complémentaires. »
En ce sens, le Business Club a récemment rehaussé son prix d’entrée (1 900 € HT). Brice Piveteau dit vouloir « solidifier la prestation » en « engageant » davantage les sociétés à participer aux rencontres par un système de pack déjeuners à payer dès le début pour un tarif réduit, ou plus cher à l’unité le jour-J. Il réfléchit également aux côtés d’autres franchisés à différentes options de fidélisation comme celle d’un apporteur d’affaires qui pourrait voir sa cotisation diminuée.
Un modèle financier qui tient
Bouchées, cocktails ou cafés croissants. Pour faire tourner ce petit monde, les clubs s’entourent de prestataires de services. Principalement dans l’événementiel. Sont également rémunérés en sous-traitance les chargés d’animation, de la communication ou les recruteurs de membres. Un gage de cohérence dans le modèle et de confiance avec les adhérents ? Pour Benjamin Delagoutte, « cela fait sens ».
« On « chasse » les animateurs qui sont à proximité de nos clubs, qui connaissent le territoire et qui prospectent au quotidien », détaille à son tour Stéphane Courgeon. Le manager a récemment publié plusieurs posts LinkedIn à l’occasion de l’ouverture de ces derniers Business Time Club.

Stéphane Courgeon, franchisé du nouveau réseau Business Time Club, aussi gérant de l’agence régionale, Loire-Atlantique et Vendée, de la franchise Bras Droits des Dirigeants. SARA BERNÈDE – IJ
Pour le Café des entrepreneuses, transformer ces adhérentes en ambassadrices s’avère une sorte de consécration. « Nous avons signé en 2024 avec quatre ambassadrices qui pilotent leur propre antenne. Ce sont toutes des femmes qui connaissent bien les valeurs du café », se satisfait la fondatrice. Ces dernières toucheront une rétribution en parallèle de leur activité principale.
Pour attester de leurs compétences, les animateurs suivront des formations délivrées par les directeurs régionaux ou par le franchiseur directement. Les managers sont finalement nombreux à faire tout eux-mêmes, du post LinkedIn au plan de table dans le cadre des rencontres. Sans forcément de bureaux fixes dédiés au réseau, ces sociétés supportent relativement peu de charges. Ce qui permet à ces franchisés, premiers fans du club qu’ils représentent, une découpe peu importante des recettes annuelles.
Quel que soit le modèle, en rompant la solitude des dirigeants, en les décomplexant à parler business librement, en leur « garantissant » du CA, ces réseaux régionalisés ont finalement réussi à s’établir comme un maillon indispensable du schéma entrepreneurial. Avec à la clé pour ces dirigeants de club d’affaires un bilan bien lucratif.