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Ces campings vendéens qui font le plein de touristes étrangers 

Grâce à son environnement naturel et maritime, la Vendée a traditionnellement la cote auprès des touristes étrangers. En 2022, dans l’hôtellerie de plein-air, ils représentaient 15 % des nuitées, principalement au sein de campings côtiers haut de gamme. Dans certains établissements, cette part dépasse même les 90 % ! Quelles en sont les raisons ? Quelles stratégies pour fidéliser et développer cette clientèle au fort pouvoir d’achat ? Et faire le plein de touristes étrangers n’est-il finalement pas une source de fragilité pour ces campings ? Pour y répondre, IJ a interrogé plusieurs professionnels du secteur. 

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Des activités sportives et conviviales, c'est ce que recherchent les vacanciers étrangers du Village de La Guyonnière. ©Village de La Guyonnière

En 2022, après deux années Covid, le tourisme vendéen retrouvait le sourire avec  36 millions de nuitées enregistrées (+40 % sur un an)1. À elle seule, l’hôtellerie de plein-air du département concentrait 25 % de cette fréquentation avec 9,2 millions de nuitées comptabilisées entre avril et septembre2. « 15 % de ces nuitées sont réalisées par la clientèle étrangère – en hausse de 3 % par rapport à 2021 – contre 8 % environ pour l’ensemble des hébergements touristiques, précise Franck Chadeau, président de la Fédération vendéenne de l’hôtellerie de plein-air (FVHPA). Ces touristes viennent principalement d’Europe du Nord où la Vendée dispose d’une belle notoriété. » 

En 2023, le retour des étrangers dans les campings vendéens se poursuit avec notamment une hausse de 87 % des réservations britanniques par rapport à 2021. « Mais on partait de tellement bas, tempère Franck Chadeau. Avant le Covid, les Britanniques étaient la première clientèle étrangère en Vendée. Pendant deux ans, on ne les a pas vus et leur retour en 2022 était timide. C’est mieux cette année. » Par ordre de fréquentation, les nationalités les plus représentées sont les Néerlandais – revenus en masse l’an dernier -, les Belges, les Allemands, les Irlandais et, en cinquième position seulement, les Britanniques.  

Une clientèle de poids 

Cette clientèle CSP+ au fort pouvoir d’achat fréquente principalement les campings côtiers haut de gamme (quatre étoiles et plus) et contribue largement à assurer le plein de leurs réservations, et donc le chiffre d’affaires. C’est le cas du camping Sandaya Le Littoral (cinq étoiles, 420 emplacements), situé à Talmont-Saint-Hilaire, au sud des Sables d’Olonne. Ici, la clientèle étrangère représente 50 à 60 % des nuitées estivales et 60 % du chiffre d’affaires. « 50 % d’entre eux sont irlandais, complète Pierre-Gilles Sauvaget, directeur de l’établissement. Les Irlandais sont historiquement très présents car nous travaillons depuis 10 ans avec des tour opérateurs du pays. Cette année, entre le 20 juin et le 6 juillet, 90 % de nos client étaient irlandais. C’est un phénomène très ponctuel. Cette période correspond à la fois aux vacances des Irlandais et à une politique tarifaire attractive (-30%). »  

À 30 km de là, certains campings du Lac du Jaunay, territoire situé en rétro-littoral entre Les Sables d’Olonne et Saint-Gilles-Croix-de-Vie, sont même devenus une véritable terre d’asile estivale pour ces touristes attirés par son environnement naturel à deux pas de la mer. Ainsi, à Saint-Julien-des-Landes, le Village de La Guyonnière (cinq étoiles, 394 emplacements) accueille tout au long de la saison plus de 90 % des touristes étrangers dont 65 % de Néerlandais. « Mes parents sont néerlandais. Ils ont créé le camping en 1991, ce qui explique sans doute en partie la forte présence de cette clientèle, commente Thys Jaspers qui a repris l’établissement familial avec son frère Piet, il y a cinq ans. On comprend probablement mieux que quiconque leur culture et leurs besoins. » À ce jour, le Village de La Guyonnière est le seul camping du département géré par des propriétaires étrangers. 

Son voisin, le camping La Garangeoire (cinq étoiles, 356 emplacements), fait encore mieux et affiche un taux de clientèle étrangère de 94 % en 2023. « Avant le Covid, c’était de l’ordre de 98 % », indique Anne de Kerautem Bourgon, actuelle directrice générale. 

Un cadre naturel et des services premium 

Ce camping a été fondé par ses grands-parents en 1964 dans un esprit de confort, directement en quatre étoiles. « À l’époque, cela voulait dire bar-restauration et eau chaude comprise… On a toujours accueilli nos clients étrangers en anglais, néerlandais ou allemand. Dans les années 1960/70, en Vendée, c’était plutôt rare. De plus, on leur propose de vivre dans la nature, au milieu des arbres. Là où un camping cinq étoiles « classique » propose des emplacements de 80 m², nous leur offrons le double, 165 m² en moyenne, voire 260 m² pour les plus grands. Le luxe, chez nous, c’est l’espace et un site naturel exceptionnel. Tout cela fait la différence auprès de cette clientèle. » 

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Au bord du Lac du Jaunay, le camping de La Garangeoire propose une activité équitation. ©ClemoCreative

« La douceur de vivre, la convivialité et des emplacements grandeur nature font en effet partie de leurs attentes fortes, confirme Franck Chadeau. Tout comme des prestations et des équipements premium tel un parc aquatique, un programme d’animation adapté, un club enfant… Ils veulent un certain standing. » « Que tout soit conforme à ce qu’ils ont réservé, que l’on soit à leur écoute et que l’on puisse résoudre leurs problématiques de façon réactive font également partie de leurs exigences, souligne Thys Jaspers. Avoir des saisonniers qui les accueillent dans leur langue facilitent ces échanges et leur plaît. »  

S’adapter 

Pour séduire cette clientèle, il faut s’adapter, parfois jusque dans les rayons de leur supérette du camping. Au Littoral, 40 % du chiffre d’affaires provient du commerce, du bar et du restaurant (3). « Et 70 % de ce CA est généré par les touristes étrangers, une clientèle essentiellement familiale, précise Pierre-Gilles Sauvaget. Alors, on a fait en sorte qu’ils retrouvent leurs repères. À la supérette, il y a par exemple des biscuits et des spécialités irlandaises que l’on fait venir ici. Au restaurant, il y a du fish and chips au menu ou encore de la bière et du cidre irlandais. » Et ici comme au village de La Guyonnière, on a anticipé l’ouverture du snack dès 17h30 / 18h, heure à laquelle dîne la clientèle néerlandaise. « Même s’ils viennent en vacances en France, les touristes étrangers veulent tous les avantages de leur culture et retrouver dans nos campings un peu de leurs pays d’origine », résume Pierre-Gilles Sauvaget. 

La stratégie de la différence 

Pourtant, dans le sud-Vendée, à Saint-Martin-Lars-en-Sainte-Hermine, près de Fontenay-le-Comte, si le camping Le Colombier (quatre étoiles, 186 emplacements) compte 45 % de touristes étrangers, ce n’est pas seulement pour son environnement boisé ou son accueil en quatre langues. Ce qui les attire dans ce petit bout isolé de campagne, c’est le naturisme, une autre façon de vivre ses vacances appréciée des Nord-Européens. Avec près de 500 espaces autorisés, dont 150 campings et centres de vacances, la France est la première destination naturiste. Une trentaine sont labellisés par la Fédération française de naturisme (FFN). « L’hôtellerie de plein-air, c’est un petit monde, explique Yves Hannard, propriétaire de cet établissement avec sa femme Rianne, et nous sommes les seuls en Vendée. Nous sommes moins perdus dans la masse que les campings « textiles » et nous pouvons cibler plus facilement notre clientèle, et vice-versa. À part quelques publicités dans des revues et guides spécialisés, nous n’avons pas de stratégie commerciale particulière. » 

Fidéliser et se diversifier 

Pour rester une destination de choix pour les touristes étrangers et développer son chiffre d’affaires sur ce segment, le camping Le Littoral a fait le choix, lui, d’actionner deux leviers : le réseau Sandaya qui jouit d’une bonne réputation sur les marchés britanniques et néerlandais et donc d’un portefeuille clients important dans ces deux pays, et le Net promoter score. Le NPS est un indicateur de satisfaction et de fidélité du consommateur qui va de -100 à +100. « Plus la note est élevée, plus le client est satisfait et a envie de revenir, plus il va en parler autour de lui, indique Pierre-Gilles Sauvaget. À partir d’un score de 50/100, on sait qu’il génère des réservations et un CA supplémentaires. Celui du Littoral est de 65/100. « C’est un indicateur clé dans notre campagne de communication et d’investissement. » 

Au Village de La Guyonnière, pour se démarquer de la concurrence et continuer de capter une forte clientèle étrangère, on voyage. « Tout l’hiver, nous faisons plusieurs salons du tourisme en Europe (Belgique, Pays-Bas, Irlande, Angleterre et Allemagne), à raison d’un ou deux salons touristiques par pays, témoigne Thys Jaspers. C’est l’occasion d’échanger en direct avec notre clientèle potentielle sur leurs attentes. » Une stratégie bien installée que le Covid est venu perturber. « En 2020, notre CA a chuté de 40 %. Nous avons pris conscience qu’il ne fallait pas mettre tous nos œufs dans le même panier. Nous ne voulons plus être dépendants d’une seule clientèle, en l’occurrence les Néerlandais. C’est pourquoi nous voulons aussi davantage nous tourner vers le marché français. » 

Ce réflexe tricolore, le camping La Garangeoire l’a également adopté lors de la crise sanitaire. « En 2020, nous avons réalisé 10 % de notre CA seulement. Nous n’avions pas le choix et nous avons été très heureux d’avoir plus de Français, indique Anne de Kerautem Bourgon. Les premières années du camping, ils représentaient jusqu’à 30 % de nos clients. Depuis l’an dernier, les touristes étrangers sont de retour et ils réservent très tôt. Ce qu’il faut avoir en tête, c’est qu’une grosse part de leur budget vacances, c’est le shuttle ou le ferry : jusqu’à 1 500 € la traversée pour une famille avec caravane. Alors ils anticipent fortement pour essayer d’avoir les meilleurs prix. Dès le 20 janvier, nous étions complets et nous sommes déjà sollicités pour 2024. Et ça, c’est difficile à faire comprendre pour les Français habitués à réserver plus tardivement. Nous avons eu beau les prévenir, ils ne nous ont pas crus. Résultat ? Nous avons plus ou moins retrouvé notre taux historique de clientèle étrangère. » 

[1]  Bilan touristique 2022 de Vendée Expansion.

[2]  Source : Fédération vendéenne de l’hôtellerie de plein-air.

[3] Et 60 % par l’hébergement.