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Artisanat : une rentrée sous le signe de l’inquiétude

La baisse du financement public de l’apprentissage inquiète la Chambre de métiers et de l’artisanat. Pour Joël Fourny, son président, elle menace non seulement des formations d’artisans, mais aussi plus généralement le secteur de l’artisanat, déjà en tension sur l’emploi.

Joël FOURNY

Joël Fourny, président de la Chambre de métiers et de l’artisanat régionale et nationale. © CMAR

« Nous sommes en alerte rouge. » Lors de la conférence de presse de rentrée de la Chambre de métiers et de l’artisanat de région (CMAR) des Pays de la Loire, son président Joël Fourny[1] a donné le ton. En cause : la baisse globale de 5 % sur les dépenses de financement des contrats d’apprentissage dès ce mois de septembre, préconisée par France Compétences[2], qui doit permettre de réaliser plus de 500 M€ d’économies. « 100 % de nos formations sont impactées, alerte Joël Fourny. Cela veut dire que l’avenir de la formation professionnelle et de l’apprentissage sont en réel danger. Nous avons notamment une quinzaine de CAP qui sont très directement touchés. Ce sont des formations sur lesquelles, à chaque fois que nous signerons un contrat d’apprentissage avec une entreprise et un jeune, nous savons que nous perdrons de l’argent. » Parmi ces 15 CAP « en danger » : coiffure, cuisine, boucherie, boulangerie, pâtisserie, esthétique, chocolaterie ou encore peinture carrosserie.

« Veut-on toujours des boulangers ? »

« Ce sont des CAP de première importance. Veut-on toujours des boulangers dans les années qui viennent ? Si l’on veut vraiment assurer l’avenir du secteur de l’artisanat et la pérennité des entreprises, il faut revoir la copie et se remettre autour de la table pour une concertation concernant le financement de la formation professionnelle », déplore le président, qui a alerté Carole Grandjean, la ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels. « J’espère qu’elle reviendra sur un certain nombre d’éléments. En tout cas, elle s’est engagée à regarder les 15 CAP évoqués. » Pour le président, ce sont non seulement des formations professionnelles qui sont menacées, mais aussi, par ricochet, l’artisanat même : « L’impact va être sur ces entreprises où l’on sait qu’il y a un besoin de main-d’œuvre et qui attendent que l’on continue à former de manière forte pour répondre à leurs besoins. »

 

Conjoncture : des motifs d’inquiétude

Le rendez-vous de rentrée a aussi été l’occasion de faire le point sur la conjoncture de l’artisanat ligérien. La région comptait au 1er janvier 92 400 entreprises artisanales, contre 85 400 un an auparavant. Mais, selon la Chambre, 64 % des artisans ressentent de l’inquiétude au regard de la situation économique actuelle, « en lien notamment avec le coût des matières premières et de l’énergie, et des aides qui pourraient s’arrêter en fin d’année 2023 », précise Joël Fourny. Parmi les autres motifs d’inquiétude : le manque de candidats, des tensions sur les trésoreries, des carnets de commande peu garnis et le niveau d’investissement des entreprises : 78 % d’entre elles n’ont en effet pas réalisé d’investissements au premier semestre, ce qui pose la question, pour le président de la CMA, de leur capacité de développement. « Nous allons être vigilants sur les dispositifs à mettre en place pour permettre l’accompagnement à l’investissement sur l’ensemble des entreprises et du secteur », indique-t-il. Malgré tout, la CMA relève que 68 % des artisans ont un état d’esprit « positif et combatif ». Côté apprentissage, en août 2023, 1 800 entreprises artisanales recherchaient toujours un apprenti contre 2 100 un an plus tôt.

 

« Situation moins détériorée que sur d’autres régions »

En Pays de la Loire, « la situation reste plus confortable et moins détériorée que dans d’autres régions », explique Joël Fourny. La Loire-Atlantique connaît ainsi une stabilité de l’activité lors du premier semestre 2023, voire une légère hausse pour 69 % des artisans du territoire. En revanche, le secteur de la réparation est en difficulté, avec notamment 18 % des artisans qui déclarent une baisse d’effectifs. La Vendée enregistre quant à elle une baisse de l’emploi pour 14 % de ses artisans notamment dans l’alimentation et le bâtiment ainsi qu’une stabilité de l’activité, de l’investissement et de la trésorerie après un fléchissement au semestre précédent.

 

 

 

[1] Joël Fourny est aussi président de CMA France.

[2] L’institution publique France Compétences assure le financement et la régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage.