C’est une fin de cycle qui s’écrit sur l’asphalte de Nantes. Après plus de dix ans à brouiller les repères entre l’art et l’espace public, Jean Blaise signe sa dernière édition estivale du Voyage à Nantes (VAN). La ligne verte, cette fois, serpente autour d’un thème qu’il chérit : l’étrangeté. Une manière de fermer un chapitre en faisant vaciller les certitudes et les habitudes.
L’étrangeté, ici, n’est pas un simple effet de style. C’est un fil rouge, revendiqué par Sophie Lévy. Elle y voit « une cacophonie hétérogène qui emporte le flâneur sur des chemins inattendus ». Et à la nouvelle directrice générale du VAN d’ajouter : « Le vrai mystère de la ville surgit quand l’œuvre nous fait douter de ce que l’on voit, et de ce que cela signifie. »
lire aussi : Entre amour de l’art et obligation de résultat… le Voyage à Nantes de Sophie Lévy
Sur le tracé du voyage, cela se traduit par une trentaine d’interventions artistiques dans l’espace public. Certaines spectaculaires, comme Antípodos d’Iván Argote : deux statues aux pieds retournés escaladent une façade et défient la colonne Louis XVI, dont la statue a disparu derrière un jeu de miroirs. D’autres plus immersives, comme Mothership de Prune Nourry, gigantesque corps féminin posé place Graslin, à la fois utérus, bateau et architecture.
Nantes réenchantée, œuvre par œuvre…
Partout, l’art surgit dans des lieux familiers qu’il métamorphose sans prévenir. Place Royale, Willem de Haan remplace les figures allégoriques de la fontaine par des portraits de Nantais contemporains, choisis pour incarner les forces vives de la ville d’aujourd’hui. Rue de Richebourg, Romain Weintzem installe ses Mauvaises Troupes, personnages burlesques et camouflés, en hommage à un collectif lycéen subversif du début du XXe siècle. Le tramway nantais prend aussi des airs de cabane forestière grâce à Épilogue sylvestre de Laurent Tixador.
L’édition 2025 étire la ligne verte dans des méandres plus politiques et introspectifs que jamais. Gloria Friedmann s’y distingue avec deux propositions fortes : une exposition à la HAB Galerie sur notre rapport à la terre (Combien de terres faut-il à l’homme ?), et une installation mi-carnavalesque, mi-inquiétante dans la cour de l’hôtel de Briord. Entre humains et oiseaux exotiques, Carnaval de la famille Durand incarne cette tension entre célébration de la nature et destruction de ses habitats.
En tirant sa révérence, Jean Blaise laisse derrière lui une ville profondément métamorphosée. Sophie Lévy prend le relais avec la volonté affirmée de maintenir cette dynamique d’étonnement, tout en « inventant une nouvelle relation entre la ville et ceux qui la traversent ». À Nantes, l’art reste une invitation à regarder autrement. Et parfois, à douter pour mieux voir.
Le Voyage à Nantes 2025
Du 28 juin au 31 août dans toute la ville
Accès libre à la majorité des œuvres, parcours matérialisé au sol par une ligne verte
Appli mobile gratuite
Programme détaillé, cartes et visites guidées sur : www.levoyageanantes.fr