Ancien sélectionneur de l’équipe de France masculine de handball de 2001 à 2016, vous êtes l’un des coachs sportifs les plus titrés de l’histoire du sport français. C’est quoi « la méthode Onesta » ?
Je n’aime pas trop cette expression, car elle fait un peu gourou. Disons que j’ai été l’un des premiers coachs à penser que le sport se pratiquait avec les gens et non pas contre eux. Si je n’avais pas eu ce palmarès avec l’équipe de France, l’histoire ne se souviendrait pas de moi. Comme on a beaucoup gagné, les gens ont fini par penser que les victoires n’étaient pas seulement le fruit du talent des joueurs mais aussi d’un management qui les avait poussés à se dépasser.
Il y a plus de vingt ans, quand je me suis retrouvé à la tête de l’équipe de France masculine de handball, le modèle traditionnel du sport se voulait presque militaire. Un chef indiquait ce qu’il fallait faire et tout le monde suivait. Ce n’était pas mon modèle. Ancien joueur de haut niveau, le sport est pour moi une affaire collective. J’ai donc essayé d’associer les joueurs et les autres membres du staff dans la construction du projet. Non pas pour leur faire plaisir, mais parce que je pensais que c’était plus efficace et la meilleure façon de les responsabiliser.
Si vous agissez dans le projet du coach, vous allez le faire par obéissance. À l’inverse, si vous agissez dans un projet que vous avez coconstruit, vous allez être plus engagé, plus responsable et à mon sens plus efficace.
Cela implique de comprendre les aspirations de chacun…
Oui, manager, c’est avoir le goût des autres, s’intéresser à eux, chercher à les comprendre. Chacun est différent. Si on se ressemblait tous, on s’ennuierait. Dans cette différence, il faut trouver un équilibre entre les acteurs, en fonction de l’organisation que l’on veut mettre en œuvre et des rôles que l’on va affecter à chacun.
Comment gérer dans une même équipe l’ego des uns, les génies et les nouveaux ?
Dans une équipe on a besoin de tout le monde. On a besoin de stars, mais seules, elles n’y arriveront pas. Les stars ont besoin de tous leurs coéquipiers pour permettre à l’équipe de devenir efficace et performante.
Pourquoi avoir fait ce pari de l’intelligence collective ?
J’ai commencé par être directif, mais cela n’a pas fonctionné. À l’inverse, plus vous pariez sur l’intelligence collective, plus ça devient facile. Car faire le pari de l’intelligence collective c’est faire le pari de la réussite. Non seulement on va plus loin, mais on va obtenir des résultats que l’on n’aurait pas obtenus seul. Je ne crois pas à l’obéissance. Je pense que l’obéissance peut générer de la performance, mais dans un contexte stable où tout va bien, en phase de croissance. Dans des périodes complexes voire dégradées comme actuellement, c’est plus dur pour les équipes d’avancer. Si vous ne faites pas ce chemin avec des gens en qui vous avez confiance et avec qui vous partagez un objectif commun, cela se complique.
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C’est-à-dire ?
Tout le monde obéit, mais devant la difficulté, chacun a tendance à se dire : « Ce n’est pas ma faute si cela ne fonctionne pas puisque, moi, je n’ai pas donné les consignes. La responsabilité revient à celui qui dirige. » C’est une façon de se protéger contre l’accusation. Alors que dans un système participatif, dès le départ, on décide de construire ensemble ce que l’on espère voir devenir une réussite. On partage les mêmes objectifs. Si vous ne croyez pas une seconde à l’objectif que l’on vous fixe, ça va être difficile de vous mobiliser pour le réaliser. Tout le monde participe à la réflexion. Ensuite, on régule, on ajuste. Et c’est quelque chose qui, à mon sens, est beaucoup plus profitable pour les individus, l’équipe et sa réussite.
La clé de la performance collective, c’est la motivation et l’engagement ?
Oui. Il arrive que des gens motivés au départ se désengagent petit à petit, aient moins d’énergie. On estime à tort que cela vient de la personne elle-même. Or, je pense plutôt que c’est la façon dont on manage qui fait que celui que l’on pensait être un élément clé de l’aventure soit un jour désabusé. Le pari du management collectif, c’est de se dire : on met toute notre énergie en commun pour être capable de gagner. Ce qui aura aussi pour effet d’avoir des niveaux de rétribution et de récompense plus élevés. On a tout intérêt à agir avec les autres. C’est un pacte d’intérêts partagé. Capter des gens qui, au départ n’avaient pas forcément les mêmes objectifs et les engager petit à petit dans l’aventure, c’est ça le pari de l’intelligence collective.
Le palmarès du sélectionneur Onesta
Médaille d’or aux Jeux Olympiques : 2008 et 2012
Médaille d’or Championnat du monde : 2009, 2011 et 2015
Médaille d’or Championnat d’Europe : 2006, 2010 et 2014