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Trente ans du Grand R : « Il y a tout un tissu économique autour des projets culturels de nos institutions »

Inauguré le 16 décembre 1994, le Grand R fête cette année ses trente ans. Avec quarante mille spectateurs par saison, la Scène nationale de La Roche-sur-Yon ne cesse de se développer et de diversifier ses publics. Florence Faivre, directrice, revient sur les missions de l’institution yonnaise et sa vision de la culture face à la suppression annoncée des subventions régionales.

Florence Faivre, directrice du Grand R, est à la tête de l'institution yonnaise depuis 2014. DAVID FUGERE

Quels sont le fonctionnement et les missions du Grand R ?

Le Grand R bénéficie du label prestigieux du ministère de la Culture. Un label de Scène nationale, qui reconnaît l’intérêt et l’attractivité du projet qui se conduit ici, à La Roche-sur-Yon. Dans le cadre de la décentralisation culturelle, née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, cette volonté est de permettre à la population, au plus près des territoires, d’accéder au meilleur de la création artistique et culturelle, de découvrir la diversité et la vitalité de nos représentations. L’objectif est de soutenir la création dans tous les champs disciplinaires, projets théâtraux, chorégraphiques, des arts du cirque et de la musique. La particularité yonnaise est d’avoir développé depuis trente ans avec la Maison Gueffier un pôle de littérature unique dans l’Hexagone.


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Trente ans après sa création, comment se porte le Grand R ?

Chaque saison, quarante mille spectateurs assistent à une soixantaine de représentations, dont deux mille neuf cents adhérents. Les soirées et les standing ovations se succèdent. Il y a beaucoup d’appétence et de désir d’être ensemble dans les salles de spectacle. Évidemment, la question de la fréquentation est importante, mais c’est la diversité des publics qui nous importe. Par exemple, plus de quatorze mille jeunes fréquentent le Grand R.

Notre action, c’est aussi un projet à l’échelle d’un territoire, qui est celui de la Vendée, avec tout un travail – hors les murs – de décentralisation culturelle. Pour cela, nous avons un réseau de plus de cent cinquante partenaires issus de champs sociétaux différents qui touchent aussi divers publics. Des établissements scolaires de la maternelle jusqu’à l’université, établissements publics et privés, mais également dans les domaines du médico-social, de l’insertion, de l’économie avec tout un travail en lien avec des chefs et des comités d’entreprise.

Chaque saison, une soixantaine de représentations sont proposées au Grand R. DAVID FUGERE

Le monde culturel est inquiet face à la baisse annoncée des subventions régionales (1). Comment la scène yonnaise est-elle concernée ?

Nos tutelles sont le ministère de la Culture et La Roche-sur-Yon Agglomération. Jusqu’à récemment, il y avait également la Région Pays de la Loire. Toutes les scènes nationales ligériennes (Lieu Unique à Nantes, le Théâtre à Saint-Nazaire, Les Quinconces-Espal au Mans et Le Carré à Château-Gontier) sont concernées par cette suppression des dotations régionales. En 2023, nous avions reçu 124 k€. Le budget du Grand R est de 2,9 M€, une structure intermédiaire dans le réseau des scènes nationales. Il y a des dotations pérennes mais nous développons beaucoup de projets spécifiques avec des aides dédiées. Sans oublier les recettes propres avec la billetterie et un réseau de partenaires et mécènes fidèles. Aujourd’hui, ce qui est en jeu, c’est la question de la pérennité d’un modèle propre à la décentralisation culturelle et au croisement des politiques publiques. Elles permettent effectivement de mettre en œuvre ces projets de proximité dans les territoires.

Quel est votre regard sur ces coupes budgétaires ?

C’est extrêmement violent. Il s’agit d’un choix de société qui est face à nous : savoir si l’on a encore envie de proposer à tous les habitants, quel que soit leur lieu d’habitation sur le territoire hexagonal d’accéder à des offres artistiques et culturelles ambitieuses. J’ai envie de rappeler qu’avant la décentralisation culturelle, il y a encore soixante ans, il n’y avait pas d’offres en province. Par ailleurs, l’enjeu est de déterminer quel avenir nous souhaitons pour nos jeunes. Leur donner des clefs de lecture pour comprendre le monde, dans sa complexité, sa pluralité et ses nécessaires aspérités me semble indispensable. L’art, le théâtre et la danse sont des espaces de représentation du monde. À mon sens, ils sont essentiels.

La culture n’est pas une dépense, c’est un investissement pour la cohésion sociale, l’équité d’accès à la culture selon le territoire et les capacités financières de chacun. De nombreuses études l’ont démontré : 1 € investi dans la culture, c’est en moyenne 6 € de retombées dans l’économie locale, comme le rappelait Françoise Nyssen, lorsqu’elle était ministre de la Culture. Une saison culturelle au Grand R, ce sont quatre cents artistes invités, soit autant de nuits d’hôtels et de repas aux restaurants de la ville. Il y a tout un tissu économique autour des projets de nos institutions.

Aujourd’hui, pour vous, le défi est-il de réunir plus de mécènes dans le soutien à la création ?

Le mécénat et la collaboration avec le monde de l’entreprise sont déjà présents. L’idée du lien avec l’entreprise, c’est aussi comment on peut s’augmenter mutuellement, puisqu’un territoire sans dynamisme culturel est un territoire qui perd beaucoup de son attractivité. Nous discutons avec les chefs d’entreprise sur leurs difficultés à recruter, la nécessité de pouvoir garder les talents aussi dans leurs entreprises et donc sur le territoire. Nous parlons de collaborateurs, mais ce sont des familles entières qui viennent s’installer en Vendée. Ainsi, à un moment donné, la question de l’attractivité du territoire passe aussi par une offre culturelle ambitieuse.

(1) Christelle Morançais, présidente de la Région, prévoit des économies à hauteur de 100 millions d’euros pour 2025. Le vote du budget aura lieu le 19 décembre, d’importantes coupes budgétaires sont annoncées dans le secteur culturel.

Créations, littérature et danse au cœur des trente ans du Grand R

Cet anniversaire est éditorialisé autour des missions de la Scène nationale. « Nous célébrerons trente ans de créations avec Rachid Ouramdane, directeur de Chaillot-Théâtre national de la Danse, autour de sa création inédite Contre Nature. Une pièce chorégraphique qui mêle cirque et danse », détaille Florence Faivre. Trente ans de littérature également à travers la carte blanche à Brigitte Giraud, Prix Goncourt 2022 avec Vivre vite. Parmi une liste de trois cents auteurs invités au Grand R, elle en a choisi deux pour une rencontre littéraire : Chloé Delaume et Pierre Ducrozet. « Avoir une Scène nationale permet d’accueillir sur son territoire les grandes signatures des arts de la scène et de permettre à chacun d’y accéder grâce à des tarifs très attractifs entre 6 et 30 €. » La programmation détaillée est également à lire ici : Le Grand R, Scène nationale de La Roche-sur-Yon, célèbre trente ans de création