Ambiance caniculaire dans les bureaux et ateliers, difficultés à réaliser son travail : la hausse des températures ralentit le rythme productif. La cadence baisse pour limiter les efforts et les temps de pauses augmentent pour récupérer. Avec le réchauffement climatique, ce sont ainsi 650 milliards d’heures de travail qui pourraient être perdues à l’échelle mondiale d’ici 2030, soit l’équivalent de 148 millions d’emplois à temps plein, selon France Stratégie, service sous autorité du premier ministre.
« D’après leurs études, à partir de 24 °C dans les bâtiments, la productivité serait impactée et baisserait en moyenne de 2,6 % pour chaque degré supplémentaire au-delà de cette limite. La chute atteindrait 50 % à partir de 35 °C, et cela même pour une intensité de travail modérée », complète Magali Manzano, invitée de la matinale « Transition écologique » organisée mi-mai par le Medef Vendée. Spécialiste des enjeux de transformation des organisations, cette cheffe d’entreprise sarthoise est également membre des Shifters Pays de la Loire. Cette association citoyenne relaie les idées du Shift Project, un centre de réflexion qui œuvre à la décarbonation de l’économie. « La baisse de performance et les heures de travail perdues pourraient entraîner une perte de productivité globale de l’ordre de 0,5 % à 5 % », insiste Magali Manzano. « Il va sans doute falloir travailler de manière plus saccadée ou en tout cas sur des périodes plus courtes, plus ciblée, et probablement revisiter les tâches à effectuer. »
À ces menaces directes sur la productivité du travail, s’ajoutent celles liées à la détérioration de l’outil de production, notamment dans le cas de phénomènes climatiques extrêmes comme des tempêtes, des inondations ou des méga feux comme en Gironde en 2022. « Autant de facteurs qui vont entraver la bonne marche des activités productives, logistiques et commerciales. »
Imaginer d’autres possibles
Pour envisager durablement leur avenir, les entreprises n’ont donc d’autre choix que de transformer leur organisation et d’envisager d’autres manières de faire, autrement dit d’adapter leurs compétences comme leur outil de travail. Pour autant, la transition écologique ne va pas atténuer les risques professionnels. Selon l’Anses, l’agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, sur dix-sept risques professionnels identifiés, quinze sont négativement affectés par la hausse des températures.
Pour les entreprises, la priorité sera donc de revisiter leur plan de gestion de risques pour les diminuer tout au long de leur chaîne de valeur. Le renouvellement du dialogue social sera également essentiel. Car, pour « mobiliser ses équipes vers d’autres possibles », il faut réussir à intégrer cette question de la transition écologique « non pas comme une obligation de plus mais comme un sujet vital pour l’entreprise ».
Ceci est d’autant plus vrai que la hausse des températures va engendrer un stress supplémentaire au sein des équipes. Comment en effet réussir à travailler ensemble sans s’énerver quand il fait chaud ? D’où la nécessité d’ouvrir des espaces de discussion pour se saisir de cette question-là sereinement et efficacement. Magali Manzano conseille d’ailleurs de s’appuyer sur la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE), « un outil très concret » pour aborder les impacts de la transition écologique sur les organisations et la formation.
De nouveaux modèles d’affaires à construire
Intégrer la problématique des enjeux climatiques à son business model est par ailleurs incontournable affirme l’experte. « Six des neuf limites planétaires sont aujourd’hui dépassées. On ne peut plus l’ignorer. Pour se développer dans un monde qui, physiquement, les contraint, les entreprises doivent s’intéresser à de nouveaux modèles d’affaires comme celui de l’économie circulaire ou de la permaentreprise », un modèle de développement qui vise à obtenir une production efficace et utile aux humains sans nuire à la planète.
À l’échelle territoriale, la transition écologique est aussi en train de bousculer les liens économiques. « On passe d’une dynamique de compétition à une dynamique de coopétition. Les entreprises restent concurrentes mais se mettent à travailler ensemble sur des enjeux communs comme celui des emballages. Je pense, par exemple, à une coalition d’entreprises dans le luxe dont l’objectif est de remplacer un flacon de parfum à usage unique par un flacon réutilisable », témoigne Magali Manzano. Ces collaborations de circonstances entre acteurs économiques se multiplient dans les territoires et posent tout en tas de questions, notamment sur la supply chain ou encore l’identité de marque.
Côté salariés, c’est davantage du côté technique que cela va se passer. La transition écologique implique en effet des changements de process, de nouvelles compétences ou encore de retrouver d’anciens gestes métiers perdus au fil des années. La formation et la transmission des savoir-faire est plus que jamais un enjeu stratégique clé dans la transformation des organisations.
Le saviez-vous ?
Pour faire ses premiers pas vers la transition écologique, les Opco (opérateurs de compétences) proposent des autodiagnostics en ligne, généralement gratuits. À travers une série de questions, les entreprises peuvent prendre conscience de leur impact environnemental et démarrer un plan d’actions simple et concret.