Maîtriser ses consommations de gaz et d’électricité pour ne plus subir – ou en tout cas moins – les hausses du prix des énergies : même si le sujet n’est pas nouveau, il est devenu depuis un an et demi et la guerre en Ukraine un enjeu prioritaire pour les entreprises dont certaines ont vu leurs factures être multipliées par dix en quelques mois. Quelle stratégie mettre en place et sur quels leviers s’appuyer pour faire preuve de résilience ? Cette question était au cœur d’une table ronde organisée à la CCI de Vendée, à l’occasion du 9e Orace Energie Tour, le salon régional dédié à l’efficacité énergétique en Pays de la Loire.
Aux Sables d’Olonne, le Casino des Pins (Groupe Joa) est ouvert sept jours sur sept. L’établissement consomme 2 % de son chiffre d’affaires (montant non communiqué) en électricité pour alimenter ses machines à sous, mais aussi sa climatisation, allumée en permanence. « Sinon il ferait 45 °C dans le bâtiment », indique Jean-Michel Launay, son directeur. Alors, forcément, l’efficience énergétique est un sujet de longue date. Avec une hausse de notre facture énergétique de 80 à 100 % en deux ans, on s’est encore plus engagés dans cette démarche. »
À Saint-Paul-en-Pareds dans le Bocage vendéen, la Minoterie Planchot s’est elle aussi préoccupée de sa consommation d’énergie bien avant la crise ukrainienne. « Nos deux moulins industriels fonctionnent 100 % à l’électricité 24h/24, du lundi au dimanche, explique Yves Fradin, directeur industriel. Au moment du Covid, nous étions passés sur le marché libre parce que c’était financièrement intéressant. Mais il y a deux ans, la tendance s’est inversée. En quatre mois, le prix avait déjà doublé. »
Chez Batistyl Habitat, fabricant de menuiseries alu et PVC à Maulévrier (Maine-et-Loire), la problématique énergétique date seulement de cette époque. « Jusque-là, nos dépenses énergétiques représentaient à peine 1 % de notre CA groupe (68 M€, NDLR), rapporte Gautier Launay, gestionnaire du parc immobilier et travaux au sein de cette société. Au début du conflit ukrainien, l’approvisionnement et le prix des matières premières nous souciaient davantage que l’énergie. Puis, comme tout le monde, nous avons été concernés à notre tour par cet enjeu. »
L’audit : la première pierre de l’édifice
Pour identifier leurs points faibles et trouver des axes d’amélioration, la solution choisie par ces trois entreprises a été celle de l’audit.« Ce scan énergétique de son patrimoine industriel ou tertiaire permet de savoir qui consomme quoi et où. Au-delà de ça, il s’agit de faire des préconisations à court, moyen et surtout à long terme », souligne François Ayral, directeur d’Axénergie. Ce bureau d’études basé à Cugand accompagne les entreprises dans leur projet d’optimisation énergétique : « L’audit, c’est le début d’une vraie stratégie énergétique. »
Impliquer les équipes
Une fois cet état des lieux effectué, le premier levier à actionner pour atteindre ses objectifs, c’est d’impliquer les salariés dans ce projet d’efficience énergétique. « Le plus difficile, c’est de leur montrer que c’est une démarche globale et pas one shot, fait remarquer François Ayral. Il faut dire pourquoi on fait cette démarche et quelle est la vision de l’entreprise. »
Au Casino des Pins, la sensibilisation du personnel aux économies d’énergie a précédé de six mois l’élaboration du plan d’actions. « En partenariat avec l’Ademe, l’Agence pour l’environnement, nous avons organisé une campagne d’information au niveau de la salle de pause pour leur expliquer tout ce qu’ils pouvaient faire chez eux, que ce soit du côté de l’éclairage ou du chauffage, rapporte Jean-Michel Launay. Puis, au terme de cette période, on s’est demandé ensemble quelles actions mener au sein du casino. »
« À côté de l’aspect technique et de tout ce qui relève de l’optimisation énergétique, il y a tout un travail d’acculturation du Codir à faire en parallèle, insiste François Ayral. Sans la volonté, sans l’impulsion de l’équipe dirigeante, rien ne peut se faire. C’est le Codir qui définit la vision. Ensuite, seulement, la trajectoire pour atteindre cet objectif peut se construire avec les salariés. »
Investir : le retour gagnant
Investir dans du matériel moderne peut être l’un des chemins à emprunter pour gagner en efficacité énergétique. C’est le cas de la Minoterie Planchot.
« Nos moulins sont très énergivores, témoigne Yves Fradin. Entre 10 et 15 % de notre consommation énergétique sert à faire fonctionner les moteurs et des compresseurs qui fabriquent de l’air comprimé pour actionner des vérins. Lors d’une campagne de détection des fuites d’air comprimé menée dans le cadre de cet audit, début 2023, on s’est rendu compte que 30 % de cet air n’arrivait jamais aux machines. Or, ces fuites engendrent une surconsommation énergétique. En les réparant et en investissant prochainement dans un matériel plus adapté et performant, nous espérons limiter ces fuites à 10 %, diminuer notre production d’air comprimé de 15 %, et par conséquent, notre facture énergétique. »
Le Casino des Pins, lui, a fait le choix d’investir dans une gestion technique centralisée du bâtiment (GTB)[1]. Ce système informatique permet notamment de suivre et d’analyser les consommations de chauffage, éclairage, climatisation ou ventilation afin de détecter les possibilités d’optimisation.
« Aujourd’hui, comme l’énergie est plus chère, commente Jean-Michel Launay, le retour sur investissement est plus rapide : sept ans contre dix en moyenne avant crise. Pour la GTB, ce ROI est même seulement de deux ans. Et les économies envisagées représentent 5 à 7 % de notre consommation. Il n’a jamais été aussi simple et judicieux d’investir dans un projet d’efficience énergétique. »
[1] À partir de 2025, la GTB sera une obligation pour les entreprises tertiaires dont le système de chauffage ou de climatisation, combiné ou non à un système de ventilation, a une puissance nominale utile supérieure à 290 kW.