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Réemploi – Valoriser les matériaux de seconde vie au sein d’une filière régionale

Bois, textile, cuir… :  et si ces déchets industriels constituaient une source d’approvisionnement local vertueuse, tant pour les entreprises que pour les particuliers ? Zoom sur deux expérimentations de revalorisation : l’une portée par la CCI Pays de la Loire, l’autre par le projet Re’vie Bois en Vendée.

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Ma Chambre de commerce et d'industrie des Pays de la Loire vient de lancer une expérimentation pour créer une filière régionale à partir de chutes de cuir. @Shutterstock

En phase avec des attentes sociétales fortes, les entreprises prennent aujourd’hui davantage conscience de leur impact environnemental et tentent d’adopter des comportements vertueux pour limiter leur production de déchets et les valoriser. Ces déchets génèrent en effet d’importants gisements de matières dont la collecte et la récupération peuvent être optimisées et rentables. Selon l’Ademe, l’agence de la transition écologique (1), les entreprises françaises (2) ont produit, en 2018, 72 millions de tonnes de déchets contre 240 millions de tonnes pour le bâtiment. 90 % d’entre eux sont orientés vers des filières de revalorisation. Mais ces sites sont parfois éloignés, augmentant de facto l’empreinte carbone des entreprises.

Tout est bon dans le déchet

La Chambre de commerce et d’industrie des Pays de la Loire s’est donc demandé comment conserver ces matières premières sur le territoire ligérien pour leur donner une seconde vie en les réintégrant dans des process industriels. Cette initiative fait écho à une directive européenne datant de 2010 qui impose aux entreprises la hiérarchisation du mode de traitement de leurs déchets, en favorisant d’abord le réemploi, la réutilisation et enfin le recyclage (lire définitions dans l’encadré).

« Dans un premier temps, il s’agit d’identifier les gisements très présents dans la région, en l’occurrence le textile et le plastique, explique Guillaume Soubigou, conseiller CCI chargé de projet économie circulaire. Ce n’est pas toujours simple de les repérer car la collecte et le tri des déchets liés à la production sont des opérations privées sur lesquelles les entreprises communiquent peu ou pas. La seconde étape consistera à trouver des solutions de revalorisation qui n’existent pas encore sur le territoire, ou alors à petite échelle, et dans ce cas-là, à en faire la promotion pour les faire grandir. »

Une première expérimentation vient d’être lancée en juin 2022 pour le textile et le cuir. En Pays de la Loire, le secteur représente 12 000 salariés et 220 entreprises majoritairement situées dans une zone entre Les Herbiers et Mortagne-sur-Sèvre, en Vendée, et le Choletais, en Maine-et-Loire. La production génère 5 à 10 % de perte de matières premières pour la mode, et 40 à 50 % pour la maroquinerie. À partir de 2025, la loi Agec (Anti-gaspillage pour une économie circulaire) imposera à ces entreprises de trier leurs déchets textiles. D’où l’urgence de trouver des débouchés pour les valoriser localement.

« Nous avons informé les entreprises concernées de notre opération afin qu’elles acceptent de nous confier leurs gisements, explique Guillaume Soubigou. Nous avons également rencontré les acteurs de l’économie sociale et solidaire, ayant une expertise tout au long de cette chaîne de revalorisation, ainsi que des artisans pour savoir s’ils seraient intéressés par des chutes textiles et cuir pour leurs créations. »

La collecte a démarré ce mois d’octobre et va durer jusqu’à la fin de l’année 2022. Viendra ensuite l’heure de les trier en fonction des différents débouchés identifiés. Pour tout ce qui n’est pas réutilisable ou réemployable, il faudra ensuite se pencher sur l’organisation d’une filière recyclage régionale.

Lever les freins !

Ce test grandeur nature doit permettre de lever les freins existants à la mise en place d’une filière régionale de matières premières secondaires textiles : comment capter les grands morceaux ou les fins de rouleaux ou encore comment s’assurer de ne pas faire de la contrefaçon avec les gisements identitaires, textiles où figure le logo d’une marque.

« Nous devons aussi convaincre les entreprises que valoriser ses déchets coûte moins cher que de jeter, souligne Guillaume Soubigou. Jeter génère des frais de collecte et d’enfouissement et l’entreprise doit notamment s’acquitter de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes. Cette TGAP est en constante augmentation : de 50 € la tonne en 2023, elle devrait passer à 65 € la tonne en 2025. Il s’agit là d’un prix moyen estimé en fonction de l’acteur et de la matière concerné. À cela s’ajoute, le coût de la collecte : environ 80 € la tonne pour un gros opérateur, pour tout ce qui est incinération, enfouissement ou recyclage. Or, lorsque l’entreprise se tourne vers l’option « réemploi ou réutilisation », elle s’adresse généralement à un acteur de l’économie sociale et solidaire. Et là, on redescend à un tarif de 10 à 20 € la tonne en moyenne. »

Dans cette même logique vertueuse, la CCI Pays de la Loire prévoit de dupliquer prochainement cette expérimentation autour des déchets plastiques, et plus précisément sur les emballages industriels et commerciaux.

Le bois est mort, vive le bois !

En Vendée, une autre initiative vise à recréer une filière d’approvisionnement locale à partir de matières premières secondaires, cette fois-ci autour du bois. Selon l’Ademe, moins de 50 % des déchets bois font à ce jour l’objet d’une valorisation matière. C’est autour de ce constat qu’est né Re’vie Bois. Ancré dans le marais breton, au nord-ouest du département, il s’articule autour de deux porteurs de projet (3) : Tripapyrus environnement, scop spécialisée dans la collecte et le traitement des déchets professionnels, basée à L’Aiguillon-sur-Vie, et l’écocyclerie Recyc’la Vie à Soullans, filiale de Tripapyrus environnement.

« Le bois jeté dans les bennes par les entreprises a souvent du potentiel, observe Christophe Cabenetos, directeur de Recyc’la Vie et chargé de réemploi pour Tripapyrus environnement. Lui donner une seconde vie a le double avantage de satisfaire la forte envie de do it yourself des particuliers à la recherche de petits prix en période de crise économique, et celle des entreprises qui doivent faire face ces dernières années à une forte hausse du coût de collecte et traitement du bois. »

Lancé en mai 2021, le projet Re’vie Bois a déjà permis de collecter 20 tonnes de bois de toutes tailles auprès de cinq entreprises vendéennes dont la plus éloignée se trouve aux Herbiers. Il s’agit essentiellement de palettes, de chutes de bois neuf, d’invendus ou d’erreurs de livraison. « Notre objectif ? Atteindre 100 tonnes collectées par an d’ici trois ans et ainsi devenir un acteur vendéen incontournable du bois de seconde vie, précise Christophe Cabenetos. Pour cela, il faudra se rapprocher de plateformes comme Véolia pour récupérer localement et facilement d’autres déchets de bois. »

Jusqu’ici, le bois vendu à l’écocyclerie était collecté gratuitement pour étudier le gisement. Demain, une participation pourra être demandée aux entreprises mais elle sera toujours inférieure au coût de collecte classique. Prochaines étapes ? Trier et calibrer pour reconstituer des lots et les vendre, soit à des menuisiers pour produire localement de nouveaux objets, soit à des particuliers de passage à l’écocyclerie. « Nous proposerons des kits et des tutos pour fabriquer des petits meubles, des tabourets par exemple, ou des meubles finis et fabriqués en interne, indique Christophe Cabenetos. Nous avons noué un partenariat avec Tinty, entreprise vendéenne de réinsertion qui fait de la restauration de meubles. Nous espérons être pleinement opérationnels d’ici trois ans. »

Revalorisation : trois définitions à retenir

  • Recyclage : le déchet est transformé pour devenir une nouvelle matière première.
  • Réemploi : l’objet est remis dans le circuit de la consommation sans transformation.
  • Réutilisation: l’objet est réutilisé mais pas forcément dans son usage d’origine.

(1) Source : Librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire, 2021.

(2) Hors construction. Il s’agit d’activités industrielles et artisanales.

(3) Les autres partenaires du projet : l’entreprise d’insertion Tinty (market place, restauration de meubles), l’École à bois et les collectivités territoriales Océan-Marais de Monts (Saint-Jean-de-Monts), Challans-Gois et le Pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.

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