Rendez-vous compte : 2,5 millions de personnes en 2020-2021 ont changé de voie professionnelle pour concrétiser un rêve, 800 000 entreprises ont été créées, 400000 salariés sur 1,5 million du secteur CHR ont quitté leur job », liste Jean Viard. Pour le sociologue intervenant au festival Think Forward à l’occasion de sa première journée, la crise sanitaire a clairement « éveillé les consciences, poussé à l’action et à l’innovation, et l’entreprise en est sortie gagnante». De tels chiffres, le sociologue pourrait en citer de nombreux autres sans doute, mettant en exergue ce qu’il dénomme la « société du bonheur privé et du malheur public ».
HIER « RINGARD », AUJOURD’HUI INCONTOURNABLE
Cet éveil des consciences, en émergence croissante ces dernières années, s’est révélé dans le contexte actuel, alors que la problématique ne se posait pas il y a trente ou quarante ans. Christian Roulleau, fondateur et président de Samsic (numéro deux français sur le marché de la propreté avec près de 3 Md€ de CA) est lui-même revenu en arrière, en s’interrogeant à l’occasion d’une des tables-rondes portant sur la reconstruction de l’entreprise après la pandémie et sur l’adhésion de ses forces vives. « Est-ce que la quête du sens existait au moment où j’ai créé Samsic en 1986 ? Je ne suis pas sûr. Par contre, aujourd’hui nous travaillons beau- coup sur un “état d’esprit Samsic”», analyse le dirigeant aux 92 000 collaborateurs.
![entreprise, festival Think Forward](https://www.informateurjudiciaire.fr/wp-content/uploads/sites/10/2021/09/Christian-Roulleau-300x169.png)
Christian Roulleau ©DR
Même constat pour Stephan Ralaimongo, directeur de l’innovation sociale chez Decathlon. « En 1976 (année de création de l’enseigne de sport, NDLR), donner un sens, c’était ringard, alors que maintenant je vous mets au défi d’aller dans n’importe quel magasin Decathlon et de demander à un salarié quel est le sens de l’entreprise. Il vous répondra direct : “Rendre le sport accessible à tous”», affirme ce fidèle de la marque depuis vingt-cinq ans. « Le concept est unique et le sens est clairement partagé et approprié par chacun», assure celui qui est successivement passé par les fonctions de chef de projet, directeur de marque et directeur communication de l’enseigne. Pour lui, donner du sens n’est « pas le problème d’une seule génération, mais d’un mix générationnel », sans pour autant que chacun perde son « exigence de départ ».
En 2020-2021, 2,5 millions de personnes ont changé de voies professionnelles, Jean Viard, sociologue.
Jean Viard ©DR
INNOVATION SOCIALE : CAP SUR LA « MISSION 80 »
De sa propre quête de sens, Stephan Ralaimongo a fait émerger un projet d’innovation sociale et sociétale. Baptisé « Mission 80 », il consiste en un objectif unique : faire en sorte que, d’ici 2030, 80 % des Français pratiquent une activité sportive régulière. Sachant que, actuellement, à peine 50 % sont des sportifs dits réguliers, c’est-à-dire qu’ils pratiquent au moins une fois par semaine. Avec cette « mission», « point de philanthropie ou d’humanitaire», a reconnu, sans langue de bois, l’actuel directeur de l’innovation sociale de Decathlon. « Derrière, il y a un vrai sujet business car, à chaque fois qu’un Français se met ou se remet au sport, mécaniquement, ça agrandit le gâteau et fait du bien à tous les acteurs de la filière. Et c’est tout à fait assumé», a décrypté l’orateur qui a conquis le public par ses joutes verbales.
Tactiquement, sa stratégie comporte trois épreuves à dérouler sur le tapis sociétal. Pour contrer les divers obstacles à la pratique d’un sport, la première stratégie consiste à proposer des solutions complètes partout où se trouvent les Français (travail, lieux de repos, de vie, de vacances…) complétées d’un accompagnement en coaching, offre produits, médecine, outils digitaux, hygiène, etc. L’idée, explique Stephan Ralaimongo, est ensuite d’inclure, non seulement les acteurs économiques, mais aussi et surtout l’ensemble des intervenants historiques de la filière, le tissu bénévole et associatif, les clubs et fédérations, en offrant à tous un maximum de visibilité. Et enfin de faire réfléchir sur l’impact positif qu’apporte l’activité physique dans la société en général. D’où le rôle primordial du collectif car « une innovation sociale ne se réalise pas seule », assure Stephan Ralaimongo.