Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Quelle stratégie pour financer la croissance d’une start-up ?

Si la levée de fonds reste pour beaucoup de start-up la voie royale du développement, il existe toutefois des contre-exemples ayant bâti leur succès sur leurs fonds propres et leurs revenus. Un choix pas si binaire que ça, reposant sur une addition de critères – stratégie, business model, maturité du marché – à anticiper très tôt pour durer. Exemples en Vendée.

Symalean start-up

Aurélien CASTEL Président et cofondateur de Symalean © Symalean

Basé à Aizenay, Symalean édite depuis 2016 une solution logicielle QHSE (Qualité, hygiène sécurité, environnement) qui facilite le pilotage des systèmes de management de l’entreprise. La start-up a notamment développé un outil Saas permettant de centraliser les informations et de se substituer aux fichiers Excel.

Très tôt, la question de la levée de fonds s’est posée pour Aurélien Castel, son dirigeant fondateur : « Nous avons opéré une première levée de fonds fin 2017, puis à nouveau en 2019, explique-t-il. Nous sommes dans un domaine qui va tellement vite qu’on n’a pas le temps de faire de la croissance organique, à moins de poursuivre en parallèle une activité complémentaire comme du développement spécifique ou du conseil. Mais ce n’est pas là que réside notre vision. » Et le startupper de compléter : « Lever des fonds est nécessaire dans notre business model de Saas. Avant de construire une récurrence qui atteint son point mort, il faut un peu de temps. C’est tout le sujet des entreprises Tech comme la nôtre : comment financer cette période d’amorçage qui peut durer trois à cinq ans ?

Une analyse partagée par Philippe Lereffait, directeur administratif et financier chez Glinko, une plateforme qui optimise la logistique du transport urgent. Créée en 2018 à la Roche-sur-Yon, l’entreprise a levé 2 M€ il y a deux ans, pour anticiper sa croissance rapide. « Nous redéfinissons un marché existant – le transport – en apportant une solution innovante, explique-t-il. En croisant une multitude de données provenant de notre communauté de transporteurs, nous sommes en capacité de faire correspondre les espaces vides dans les camions avec les besoins de transport. » Un outil prédictif qui a demandé des investissements technologiques importants dès le départ. Il ajoute : « Ce qui est paradoxal avec la technologie, c’est que plus on s’en approche, plus on s’en éloigne en fin de compte ! En effet, lorsque l’on développe une solution, on se rend compte que le besoin est important et que les optimisations sont constantes si l’on veut prendre rapidement des parts de marché ! »

Startup

La plateforme Glinko optimise la logistique du transport urgent. © Aurelie Piel

CROIRE EN SES AMBITIONS

Deux stratégies opposées à celle que mène Digitemis, une start-up spécialisée dans la protection des données personnelles et la cybersécurité. Depuis la Merlatière dans le Bocage vendéen, l’entreprise protège plus de 500 clients de cybermenaces, grâce à une large offre de services. « Le meilleur financeur, ce sont nos clients !», affirme Ludovic de Carcouët, son président fondateur. Celui qui affiche une croissance de 30 % de son CA en 2021, développe depuis 2014 une activité d’expertise en services qui a pu dégager des résultats assez tôt. « Cela nous a permis non seulement d’autofinancer la croissance, mais aussi de nous lancer dans le développement d’une solution logicielle en 2018, explique- t-il. Entre l’argent des clients et celui des emprunts bancaires, nous avons maintenu depuis huit ans une trésorerie qui nous permet de tenir nos ambitions : devenir un leader français de la cybersécurité. »

Pour autant, l’entrepreneur reste pragmatique. « Faire entrer un fonds extérieur à notre capital, pourquoi pas, mais il faut avant tout un projet de développement qui le justifie ! Je pense qu’au bout de la vision, il y a des jalons intermédiaires ne nécessitant pas les mêmes besoins financiers. Il faut en être bien conscient et les identifier pour éviter les stratégies « courtermistes ». Combien de start-up ayant levé des millions disparaissent à cinq ans ? »

L’équipe Digitemis startup

L’équipe Digitemis ©DR

LE MEILLEUR FINANCEUR, CE SONT NOS CLIENTS !

S’il a trouvé son modèle rapidement, d’autres, comme Symalean, l’ont cherché un moment. « Nous avons vendu de la licence et travaillé avec des grands comptes pour amortir cette période d’amorçage avant de nous rendre compte que c’était consommateur de temps et de ressources, assure-t-il. On peut vite se faire piéger par cette activité. On va alors se concentrer dessus, avoir des demandes, répondre à des besoins et les équipes, initialement dédiées à la R&D, vont finalement se concentrer sur le quotidien. D’un côté, c’est ce qui permet de financer les salaires. Mais de l’autre, on freine les ambitions. Nous sommes en train de sortir de ce modèle. Nous travaillons toujours avec des grands comptes, mais on a créé une équipe dédiée pour le faire. » Aurélien Castel temporise toutefois : « Réaliser une levée de fonds nécessite de croire en ses ambitions. Si je vends un chiffre d’affaires de 5 M€ à cinq ans à des investisseurs et que je ne fais pas le job, alors j’aurai un problème. C’est vrai qu’il existe une part de risque. Lever des fonds nécessite de croire en son business plan sinon, c’est une stratégie à court terme. »

La société, qui emploie aujourd’hui 40 personnes, a atteint son point mort depuis un an et demi. « Nous aurons mis quatre ans à nous autofinancer, concède Aurélien Castel. Désormais, nous attaquons le développement international. Nous réfléchissons aussi à intégrer des fonctionnalités complémentaires dans notre logiciel, par de la croissance externe notamment. » L’entrepreneur, qui vise un chiffre d’affaires de 3 M€ en 2022 est très clair : « Si je ne fais pas de levée de fonds, je n’imagine pas faire de la croissance externe, je n’imagine pas recruter des profils tech, je limite ma capacité de structuration de l‘équipe commerce international et, surtout, je laisse mes concurrents prendre ma place sachant qu’on évolue sur un marché qui se concentre et s’organise. Ce n’est pas le moment de faiblir, c’est le moment d’accélérer », conclut-il. La start-up prépare déjà une série A pour l’année prochaine.

RENTABILITÉ VS VALORISATION

« La façon de raisonner sur le service n’est pas la même que sur le logiciel, conclut Ludovic de Carcouët. Sur le service, nous pilotons la rentabilité : un compte de résultats avec des charges et des revenus. En revanche, le succès de notre solution logicielle repose davantage sur un pari. En clair, même une entreprise perdant beaucoup d’argent peut être valorisée plusieurs centaines de millions d’euros, sa valeur résidant sur des promesses de prises de marché rapides. C’est une logique très différente, concède-t-il. Lever des fonds n’est pas à l’ordre du jour, mais c’est un choix stratégique auquel nous réfléchissons. Cela concernera principalement la structuration de notre activité logicielle », résume-t-il. À ce jour, Digitemis emploie une cinquantaine de personnes pour 3 M€ de CA en 2021 dont les deux tiers sur la partie services.

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