Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

«Nous sommes dans une logique de front commun»

Acteur incontournable de l’écosystème entrepreneurial depuis vingt ans, Initiative Nantes affiche un taux de pérennité à trois ans de 90% des entreprises qu’elle soutient, en création ou en reprise. Entretien avec le directeur de l’association, Alexandre Ménard, dans un contexte particulier.

À cause de la crise du coronavirus, Initiative Nantes fêtera ses 20 ans le 24 septembre au lieu du 2 avril. Pourquoi est-ce important de célébrer cet anniversaire ?

20 ans, c’est un bel âge ! C’est surtout une excuse pour fêter l’entrepreneuriat… Tout l’écosystème nantais sera présent avec plus de 570 personnes inscrites. Nous nous retrouverons le 24 septembre, dans un lieu emblématique, le stade de la Beaujoire, pour une grande soirée. Pour autant, pas question de tomber dans la nostalgie : il n’y aura pas de rétrospective, on va plutôt se demander ce que sera l’entreprise dans les vingt prochaines années. 

Comment décrire Initiative Nantes ?

Nous sommes un outil métropolitain au service du développement économique. Nous sommes la première association locale d’accompagnement et de financement de l’entrepreneuriat local, en volume et en valeur. En 2019, nous avons ainsi financé 165 entreprises, soit 1,8 M€ de prêts d’honneur engagés. Plus Initiatives Nantes finance et plus on a de dynamisme économique sur le territoire : c’est un cercle vertueux. Mais on prête de l’argent en engageant des fonds publics ou privés, ce qui nous donne aussi une responsabilité de professionnalisme.

Quel est l’ADN de l’association ?

Nous avons trois grandes valeurs : la gratuité de nos dispositifs, la bienveillance et la neutralité et, pour moi, c’est cette dernière qui est la plus importante. On ne reçoit aucune influence sur les dossiers, c’est un confort de travail incroyable et c’est ce qui fait notre force. On n’est pas un réseau d’affaires et tant mieux car ce ne serait pas sain.

Autre particularité : contrairement à d’autres acteurs, nous ne sommes pas un réseau pyramidal, avec Paris qui décide et le terrain qui applique. Nous avons un conseil d’administration et un président pour la Loire-Atlantique. Cette organisation a certains inconvénients : nous n’avons pas de back-office national, pas de politique de communication globale. À l’inverse, la vérité ayant toujours deux côtés, cette organisation nous donne une grande agilité et nous permet de répondre vraiment à l’économie du territoire.

Cela fait la différence sur la stratégie de la cible par exemple. En Ile-de-France, les plateformes ont pour mission d’accompagner davantage les femmes, les quartiers prioritaires ainsi que les zones de revitalisation. Chez Initiative Nantes, on a choisi de mettre l’accent sur l’entrepreneuriat féminin. Ainsi, si les femmes représentent globalement entre 6 et 10% des projets portés, chez nous, elles sont 33%, et ce chiffre est en augmentation depuis mon arrivée, il y a quatre ans, où elles représentaient 20% des projets portés. 

De même, il y a cinq ans, nous avons créé un comité dédié à l’accompagnement des start-up. Notre territoire demande en ce moment de l’innovation et, parallèlement, de plus en plus de startupers nous sollicitaient. Il nous fallait une équipe crédible, avec des acteurs ayant une appétence pour cette forme d’entrepreneuriat et la capacité de les accompagner. Les start-up représentent entre 10 et 15% de nos projets, un pourcentage stable depuis cinq ans, sans que cela soit au détriment des activités traditionnelles. 

Sur quoi se base la décision de soutenir les entrepreneurs qui sollicitent l’association ?

Le comité d’agrément est là pour challenger les entrepreneurs. Quand il hésite sur le fait de soutenir ou pas un projet, on lui demande de répondre à trois questions : Est-ce qu’on croit en ce projet ? Est-ce qu’on peut être utile ? Et, si c’était mon argent, est-ce que je le mettrais dans ce projet ? 

Quelle est la recette pour durer dans votre domaine ?

L’association doit être plus forte que les personnes qui la composent, salariées (7 ETP) ou bénévoles. Pour autant, c’est en fonction de ces personnes que l’association se développe ou pas. Initiative Nantes est soutenue par 350 bénévoles qui donnent de leur temps. Si la pyramide des âges augmente ou si le renouvellement est absent, l’association peut perdre de son dynamisme. On est en perpétuel recrutement, notamment de chefs d’entreprise. Le comité d’agrément doit être composé d’une pluralité de compétences. C’est cette pluralité qui fait que la décision est crédible et irrévocable. On travaille donc en ce moment à recruter davantage d’actifs. C’est forcément plus compliqué d’avoir un avocat, un chef d’entreprise qui donnent de leur temps. Pourtant, ceux qui s’investissent en retirent bien plus que ce qu’ils avaient imaginé au départ. Le sujet, finalement, c’est celui de la transmission ! Il faut que nos chefs d’entreprise, très portés sur notre territoire dans l’implication citoyenne, s’investissent là aussi. Comme le dit Philippe Plantive, qui sera l’un de nos invités à la soirée du 24 septembre, la transmission, c’est le moyen de faire éclater les silos.

Quelle incidence la crise a-t-elle sur l’entrepreneuriat ? Comment faites-vous face ?

La crise actuelle est une période délicate créant des incertitudes nouvelles pour les entrepreneurs, c’est indéniable. Nous sommes dans une logique de front commun afin de soutenir nos entrepreneurs qui sont le maillage économique et territorial nécessaire à la vie économique locale.

L’État, la BPI, la Région, les établissements consulaires et plus localement la Métropole travaillent en étroite collaboration avec le réseau Initiative pour apporter le soutien financier et humain indispensable dans ce moment si particulier. Le 16 mars, le bureau d’Initiative Nantes a décidé du report, pour trois mois, des échéances de remboursement de l’ensemble de nos 900 entrepreneurs en cours d’accompagnement. Cette décision d’urgence, et surtout de bon sens, doit permettre de les accompagner en ces temps où leurs perspectives de continuité d’activité ne sont pas lisibles.

Nos salariés et nos bénévoles sont d’ailleurs en contact permanent avec nos entrepreneurs. Un groupe d’entraide composé de chefs d’entreprise bénévoles et de salariés de l’association a été créé. L’objectif est d’apporter avant toute chose une écoute, un appui de conseils et de bonnes pratiques dans la gestion de cette crise ; en termes de pilotage de la trésorerie, mais aussi afin d’anticiper les conditions de reprise de leurs activités. La force de notre association est, et a toujours été, notre proximité avec les entrepreneurs du territoire. C’est aussi dans ces moments-là que notre engagement à leurs côtés porte tout son sens et c’est pourquoi nous sommes sur le pont afin de les soutenir.

Gardons tous le recul indispensable afin de trouver les solutions pérennes qui aideront nos entrepreneurs à passer cette crise et à redémarrer et/ou à se réinventer !