Comment avez-vous géré cette période
de fermeture forcée ?
Mars, avril, mai sont les plus gros mois de l’année normalement : nous n’avons rien vendu. Cela représente 2 M€ de chiffre d’affaires qui n’ont pas été faits. L’atelier a pu continuer pendant le confinement, le parc ayant été accessible aux particuliers qui voulaient caréner et nous essayons de récupérer une partie des deux mois et demi de CA en accastillage. Pour le reste, il n’y a plus qu’à prier pour qu’il fasse très beau cet été, que les gens naviguent, que les activités de location tournent et que cela donne envie d’acheter des bateaux. Ce que l’on a dehors en stock c’est ce que l’on avait rentré pour mars, avril et mai. On était parti pour faire une belle année… C’est ce que l’on appelle l’arrêt buffet.
Vous n’avez pas été tenté de contracter
un Prêt garanti par l’État (PGE) ?
Nous avons consommé en deux mois toute la trésorerie que nous avions accumulé depuis trois ans. Il faut absolument que nous vendions tous nos bateaux avant l’hiver, sinon cela va être très compliqué. Les bateaux sont portés par des organismes de financement qui ont repoussé les échéances en août et septembre. Il faut les vendre avant sinon il faudra renégocier. Nous n’avons pas fait de PGE, nous avons logiquement de grosses lignes bancaires pour gérer ce stock. La première étape, c’est voir ce que cela donne, la deuxième c’est que les banques nous confirment qu’elles nous gardent nos lignes d’hiver. Nous avions normalement fini de rembourser tous nos emprunts en avril 2021, cela ne m’enthousiasme pas de nous mettre une autre couche sur le dos avec un PGE.
Comment voyez-vous la saison 2020 ?
Nous avons très peu de clientèle étrangère à La Baule, même si nous faisons 90% de nos ventes d’occasion à l’étranger : nous livrons aussi bien en Angleterre, sur la Baltique qu’aux Pays-Bas. D’année en année, au mois de juillet, on avait de moins en moins de monde. Cet été on devrait avoir logiquement plus de monde, en provenance de la région, mais aussi des Parisiens qui ne partiront pas à l’étranger. Mais ils viendront sans doute moins longtemps car plus de gens vont travailler cet été. De nombreuses entreprises ont fait prendre des congés à leurs employés pendant le confinement et les sociétés du bâtiment travaillent tout l’été et limitent leurs congés à quinze jours. Beaucoup d’artisans et PME qui fermaient trois semaines vont essayer de travailler quinze jours de plus que d’habitude pour rattraper ce qui peut l’être. On est dans le flou, c’est inédit. Je n’ai recruté que trois des cinq saisonniers prévus. Et c’est très compliqué pour les vacances des employés.
Et à plus long terme ?
C’est le mystère. Ce qui m’inquiète le plus ce n’est pas cette année, car nous n’avons pas eu d’annulation de ventes, nous n’avons eu que des reports. Nous clôturons notre exercice à fin septembre. L’inquiétude est pour après. Il y a tout l’hiver à passer. Quels acheteurs aurons-nous l’an prochain ? Pour les grands bateaux, une tranche de notre clientèle est constituée de chefs d’entreprise, professions libérales et retraités aisés qui n’auront pas de dividendes, touchent beaucoup moins de leur patrimoine immobilier, ont des portefeuilles boursiers en chute libre. Nous ne savons vraiment pas comment cela va se passer.
Il y a aussi la question des salons nautiques : vont-ils se tenir ? Cannes en septembre, Gênes, Barcelone, le Grand Pavois à La Rochelle, Southampton, Le Crouesty pour l’occasion, jusqu’au salon de Paris et Dusseldorf en janvier…
Je vois mal comment celui de Cannes pourrait se tenir, avec 76% de visiteurs étrangers. Aujourd’hui, nous n’avons pas réservé nos chambres d’hôtel pour Cannes. Si des mesures sanitaires sont imposées, comme trois personnes par bateau et désinfection à chaque fois pendant deux heures on ne passera pas beaucoup de clients dans la journée.
Ce n’est pas tenable.