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Mon beau sapin, roi de Vendée !

La Vendée est plus connue pour ses plages et ses brioches que pour ses sapins de Noël. Et pourtant, le département compte deux producteurs de sapin, Ô vent des sapins et Les sapins vendéens, tous les deux en bio et situés dans le Bocage, à quelques kilomètres l’un de l’autre. À la marge, on trouve aussi quelques pépiniéristes comme les Pépinières Ripaud. Face aux géants du Morvan et de la Bretagne, cette microfilière horticole joue la carte de l’ultra-local… ou du luxe.

Valérie Picard et Fabien Blanchet ont repris l'exploitation Ô Vent des sapins en novembre 2022 © O VENT DES SAPINS

Des champs de sapins de Noël à perte de vue. Un paysage digne des plus belles forêts du Morvan, en Bourgogne, première région productrice de sapins avec 26 % de parts de marché (en valeur), juste devant la Bretagne (16 %).[1] Et pourtant, nous sommes en plein cœur du Bocage vendéen, du côté des Essarts-en-Bocage. C’est ici que se trouvent les deux seuls producteurs de sapins du département : une goutte d’eau parmi les 152 producteurs spécialisés recensés en France.

La première culture sapinière vendéenne est apparue ici il y a près de 30 ans. Une initiative d’André Chenu, un agriculteur curieux et précurseur dans de nombreux domaines qui, après s’être essayé à la culture du tabac et du kiwi, a eu envie de tester, un jour de 1996, celle du sapin. En attendant de vendre sa première récolte – il faut bien compter six ou sept ans -, il a continué de produire du blé, du maïs et à élever des volailles. Grâce à ces revenus, André Chenu a pu investir régulièrement dans l’achat de nouveaux plants et développer sa petite entreprise. En 2012, il est ainsi devenu l’un des premiers producteurs bio de la région et a participé en 2020 à la création de l’association Les Sapins bio de France.

« Lorsque nous avons officiellement repris Ô vent des sapins en novembre 2022, après son départ à la retraite, l’exploitation de 32 hectares comptait 100 000 sapins cultivés, témoignent Valérie Picard et son associé Fabien Blanchet. La première année, nous avons vendu 20 000 sapins – 90 % de Nordmann, 10 % d’épicéa – pour un chiffre d’affaires de 420 000 €. »

Ô Vent des sapins cultive 100 000 sapins sur 32 hectares © O VENT DES SAPINS

À 12 km de là, Samuel Hermouet est le second producteur de sapins de Noël en Vendée, lui aussi labellisés bio. « Cela correspond à ma philosophie », répond laconiquement le Vendéen, qui exerce en parallèle les professions d’agriculteur et de forestier. C’est en 2016 qu’il a planté ses premiers épineux sur les terres de la ferme familiale et il a rapidement trouvé sa place sur ce marché. « Je cultive 70 000 sapins sur 12 hectares. En 2021, j’ai vendu les 3 000 premiers exemplaires. » Un volume presque multiplié par trois un an plus tard avec 8 000 sapins vendus pour un chiffre d’affaires de 120 000 €. Cette activité représente 50 % de ses revenus.

En toute proximité

En France, 6,4 millions de sapins naturels sont achetés chaque année, un marché global estimé à 65 M€ dont 49 M€ issus de productions spécialisées comme celles d’Ô vent des sapins et des Sapins vendéens. Comment ces deux Petit Poucet ont-ils réussi à tirer leur épingle face aux géants bourguignons et bretons ? Tout simplement en jouant la carte de l’ultra-local.

« Nos ventes se font dans un rayon de 150 km autour de notre exploitation, en Vendée et dans les départements limitrophes, indique Valérie Picard. Nos clients ? Principalement, des jardineries de la région (31 % du CA), les écoles et associations (18 %), des pépiniéristes (15 %) et des GMS (13 %). De toute façon, nous ne sommes pas dimensionnés pour satisfaire une clientèle nationale. Pour produire davantage, il nous faudrait trouver de nouvelles terres agricoles, une vraie problématique dans le coin. Sans oublier que cela nous coûterait très cher en transport. Aujourd’hui, la livraison de nos sapins pèse 5 % dans notre budget. Ces charges sont en forte progression et on ne peut pas les répercuter à 100 % sur nos prix de vente. » Mais pour les deux associés d’Ô vent des sapins, s’inscrire dans une filière de proximité est avant tout une affaire de conviction : « On vend notre sapin comme local et bio. Mais c’est le côté local qui attire en premier nos clients, avant le bio, souligne Fabien Blanchet. Les gens veulent savoir où et comment est produit leur sapin de Noël : c’est un critère essentiel. D’où l’intérêt de faire de la vente directe. L’an dernier, nous en avons vendu 1 300 ainsi et nous aimerions bien développer progressivement ce segment de marché. »

Samuel Hermouet, exploitant des Sapins vendéens ©Samuel Hermouet

Sentiment partagé par Samuel Hermouet qui vend 90 % de sa production en Vendée et le reste en Loire-Atlantique, principalement à des écoles (30 % du CA), des grandes surfaces (25 %) et des pépiniéristes (20 %). « Il y a une vraie attente pour le local. C’est dans l’air du temps. D’ailleurs, la vente directe que je pratique depuis le début correspond à 15 % de mon chiffre d’affaires. »

Dans le Sud Vendée, Damien Ripaud a lui aussi misé sur l’ultra-local pour vendre ses arbres de Noël. À une différence près : contrairement à ses confrères bocains, il n’est pas producteur spécialisé, mais à la tête d’une pépinière familiale généraliste, les Pépinières Ripaud. « Mon père s’est lancé dans cette production il y a près de 60 ans pour répondre aux besoins locaux. Dans ce territoire rural, les gens allaient chercher leur sapin directement chez le pépiniériste, pas à la ville. C’était trop loin. Aujourd’hui, cette production de niche représente à peine 1 % de notre CA, mais nous y sommes très attachés. Et c’est toujours de l’ultra-local puisque nous vendons 1 500 sapins par an, uniquement dans notre point de vente situé à cinq kilomètres. Nos clients sont principalement des particuliers et quelques collectivités pour les sapins XXL. Notre force par rapport aux gros producteurs ? L’ultra-frais. Nos sapins sont vendus dans les trois à cinq jours qui suivent leur coupe. Ce petit volume nous permet d’être réactifs et agiles. »

Tout est bon dans le sapin

L’autre levier pour exister face à la concurrence : la diversification. Ou plutôt la déclinaison du sapin sous toutes ses formes. « Nous revalorisons tous nos déchets, témoigne Fabien Blanchet. Avec les jeunes bourgeons d’épicéa taillés au printemps, nous faisons du sirop. L’an dernier, la première “cuvée” de 100 litres a eu du succès. Alors on continue. Avec les sapins qui ne sont pas assez “jolis” pour être vendus, on fait de l’huile essentielle en sous-traitance avec la société vendéenne Poiroux Vendée Arômes. On propose aussi des kits “couronne” composés de serments, branches de sapins et de décorations. Quant à nos chutes de peupliers que nous utilisons comme socle de nos sapins pour la vente, on en fait du bois de chauffage ou du paillage pour les massifs. Toutes ces petites productions, marginales dans notre chiffre d’affaires, sont destinées à la vente directe. » Valérie Picard insiste : « Nous sommes vraiment dans une démarche locale et durable. »

« Pour moi, l’avenir, c’est le durable, rebondit Damien Ripaud. D’ailleurs, nous proposons aussi des sapins en pot qui peuvent être mis dans le jardin pour être réutilisés l’année suivante. C’est un produit que l’on pourrait développer, si la demande se confirme. » En France, le sapin en pot ou en motte représente 10 % du marché national[1]. Un marché en légère progression (+2 points par rapport à 2021) et un joli cadeau pour l’environnement en perspective.

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