Vous êtes très investie dans l’équité hommes-femmes… Vous définissez-vous comme une féministe ?
Je n’aime pas trop les étiquettes… J’ai besoin d’équité, de justice et de sens et ça, ce n’est pas genré. Mais je suppose qu’on peut dire que je suis féministe à partir du moment où je prends la défense des femmes… même si j’aide aussi les hommes.
Le fait est que l’on progresse trop lentement. Il y a toujours une vraie différence sur les salaires, sur la place des femmes dans les conseils d’administration. Toutes ces actions qui se montent, c’est par nécessité. Tant qu’il n’y aura que 30% de femmes chefs d’entreprise, je continuerai. Le jour où il n’y aura plus de besoin, tant mieux : j’ai plein d’autres projets !
Justement, quelles sont vos actions ?
J’avais, concernant la CPME, la vision d’un réseau de vieux briscards. Et puis j’étais déjà très investie chez Initiatives Nantes. Il y a trois ans, je leur ai dit que je voulais bien rentrer,
à la condition de lancer une commission Entrepreneuriat au féminin. Puis je leur ai annoncé que je voulais monter un
événement – et pas simplement un « one shot » – où les femmes pourraient trouver tout ce dont elles ont besoin : rencontrer les réseaux, se sensibiliser au parcours technique de la création d’entreprise, participer à des ateliers pour dirigeantes… Le public est essentiellement féminin, mais on accueille de plus en plus d’hommes, et c’est tant mieux. On n’oppose pas les hommes aux femmes car on sait que c’est ensemble que l’on peut arriver à avancer. « Cheffe d’entreprise, moi aussi » est comme un Salon des Entrepreneurs, mais dédié aux femmes.
La première année, je suis allée chercher les soutiens et,
bingo, l’événement a accueilli quasiment 300 personnes. Pour la deuxième édition, qui s’est déroulée cette année, on est monté en puissance en régionalisant l’action. Tout le monde m’a dit « bon courage ! », notamment pour mobiliser dans la Sarthe, et plus de 120 personnes se sont finalement
déplacées ! En tout, au niveau régional, c’est près de 1000 personnes qui ont participé à « Cheffe ».
Maintenant, on va professionnaliser l’action. Je cherche notamment des dirigeants de belles PME qui viendront le 18 juin 2020 donner leurs tuyaux, expliquer comment ils ont fait pour réussir.
Pourquoi ce cheval de bataille ?
Mon histoire personnelle a fait le déclic. Avec mon époux, on a créé Ducis développement, une entreprise de collecte et de valorisation des déchets industriels. Je l’ai accompagné pendant huit ans, puis je l’ai de nouveau soutenu sur le lancement de Valoléique, une activité de collecte et valorisation de tout ce qui est huiles et graisses alimentaires.
Pour autant, c’était son activité à lui, pas la mienne. Je m’étais beaucoup investie, mais sans avoir le sentiment de faire partie de l’équipe. Je m’étais oubliée.
Le vrai déclic a été le décès de ma mère. Je m’étais beaucoup occupée d’elle et à ce moment-là je me suis demandé : « C’est quoi ta vie ? » Les enfants, c’est un élément de l’équilibre, mais ce n’est pas tout. J’ai pris conscience que je ne me réalisais pas professionnellement.
J’ai alors entamé un travail important sur moi-même, j’ai beaucoup lu, consulté à droite et à gauche… Et j’ai compris que mon gros sujet, c’était que je ne me sentais pas légitime de monter ma boîte et de la développer. J’ai fait dix ans d’accompagnement comme marraine bénévole chez Initiatives Nantes, à donner des conseils que je ne m’appliquais pas !
Désormais, je veux me réaliser, donc gagner de l’argent avec ce que j’aime faire.
« Mon ambition est de faciliter
la vie des femmes, aussi bien de celles
qui portent un projet que des dirigeantes,
et je veux le faire pour les
plus faibles. »
Pascale Melka
Quel est votre projet ?
Ce que je veux, c’est concrétiser ce que je fais déjà physiquement, mais en atteignant plus de personnes. Et le seul outil qui le permette, c’est le digital. Je monte donc une plateforme régionale d’accompagnement des femmes tout au long de leur vie professionnelle, qui va s’appeler Nanow. Il existe plein d’associations, mais je trouve qu’on n’a pas assez de retours quantitatifs et qualitatifs. Je pense qu’on pourrait faire mieux, accompagner moins, mais de manière qualitative. On va me traiter d’utopiste, mais ce n’est pas grave : il y a des utopies qui se réalisent !
Mon ambition est de faciliter la vie des femmes, aussi bien de celles qui portent un projet que des dirigeantes, et je veux le faire pour les plus faibles. Avec un objectif de commercialisation en 2021. Je suis actuellement en phase de prototypage pour aller chercher des financements.
En même temps qu’aider les femmes, je veux aussi gagner ma vie, contribuer à l’essor économique de mon territoire en me développant et en embauchant, ce qui veut dire que je dois investir. Beaucoup de femmes ne s’autorisent pas à investir. Elles mettent leur argent personnel, parce qu’elles estiment qu’un crédit est une source de dettes, alors que dans la culture anglo-saxonne, c’est considéré comme une source d’investissement.