L’étude menée par le CESER (1), et dont vous êtes le rapporteur, s’intitule « Face aux nouveaux enjeux de l’industrie en Pays de la Loire – Adapter notre stratégie » (2). Quelle a été votre démarche ?
Nous avons mené de nombreuses auditions auprès des acteurs industriels de la région. Notre constat de départ, c’est que l’industrie est en train de retrouver des couleurs dans les pays occidentaux. L’Europe se rend compte que le modèle faisant de la Chine la manufacture du monde est à revoir. Cela fait plus de vingt ans qu’on essaie de se débarrasser de la production dans les pays à bas coût. Ce n’est pas une bonne idée, car si on se coupe de la capacité de production, on se coupe alors de la capacité de conception. Nous pensons que l’industrie française va connaître un renouveau, bien que la France reste déjà une puissance industrielle notable, n’ayant pas tout misé sur les services comme le Royaume-Uni. Avoir une industrie forte en Europe, c’est aussi une question de souveraineté, afin notamment de répondre aux enjeux sociétaux et environnementaux. Ce choix stratégique doit être fait au niveau national mais aussi régional. Selon nous, un conseil régional est très bien placé pour impulser des stratégies et mutualiser des moyens. Nous avons donc cherché à identifier les effets de levier pouvant être encouragés par la Région Pays de la Loire. Nous avons étudié seulement la compétitivité hors coûts et ne sommes pas rentrés dans les problématiques sociales et fiscales, qui relèvent du niveau national. Cette étude donne des pistes de méthodologie plutôt qu’un plan d’actions opérationnel.
Quels sont ces effets de levier que la Région pourrait actionner au service de l’industrie ?
Il y en a quatre. Le premier concerne le dialogue et les échanges. Le conseil régional doit pouvoir aider les acteurs à confronter leurs points de vue, par exemple sur le sujet de l’environnement. Le second niveau est d’agir en soutien à la performance globale des entreprises, notamment dans le secteur de la recherche et l’innovation. L’investissement et la prise de risque peuvent être assurés par la Région. Celle-ci peut également donner un coup de pouce en matière de RSE et de développement durable, ainsi que d’exportation : elle peut par exemple mutualiser certaines missions à l’étranger. La Région doit donner une direction aux acteurs. Le troisième niveau touche à la fertilisation et aux solidarités. Une entreprise qui veut dégager de la compétitivité doit aussi se saisir des opportunités de proximité. Quand la Région pousse une filière comme les EMR (énergies marines renouvelables, NDLR), les entreprises doivent se demander si elles peuvent se positionner sur ce marché. La Région peut faire se croiser les compétences, par exemple entre l’industrie et le numérique. Enfin, le quatrième effet de levier concerne la communication, le rayonnement et l’attractivité. Ces éléments relèvent selon nous d’un niveau régional. Par exemple, pour promouvoir les métiers auprès des jeunes : cela ne peut pas se faire au niveau des entreprises et des fédérations, même si elles peuvent participer. L’attractivité, c’est aussi celle des financements, où la Région peut être motrice. Quant à la communication, il s’agit de faire savoir en quoi notre territoire se différencie des autres. En France, la compétition entre régions existe et les Pays de la Loire sont devenus une petite région avec moins de moyens que d’autres.
Votre étude identifie les technologies de fabrication comme domaine de différenciation souhaitable des Pays de la Loire. Pourquoi ?
À l’inverse de l’ambition maritime qui s’imposait du fait de notre littoral, une ambition industrielle ne s’impose pas d’elle-même. C’est un vrai choix qui doit être affirmé en étant pédagogue avec les entreprises du territoire. Aujourd’hui, on a la chance d’avoir une industrie diversifiée dans les Pays de la Loire, avec des filières complètes, dans l’aéronautique ou le naval notamment. Cette diversité doit être maintenue, mais nous pensons en effet que la valorisation des technologies de fabrication nous permettra de nous démarquer au niveau national. Autour du pôle de compétitivité EMC2, nous avons acquis des compétences fortes dans la production de robots ou encore la fabrication de pièces en composite. La Région ne peut pas se différencier sur l’aéronautique et le naval, car d’autres régions sont déjà positionnées. Par contre, on peut travailler sur l’ensemble de ces secteurs en même temps, via les technologies de fabrication, dans lesquelles notre savoir-faire ne se trouve nulle part ailleurs.
Selon vous, la Région n’agit pas suffisamment pour l’industrie ?
Elle fait déjà beaucoup de choses. Mais elle doit amplifier son ambition industrielle. C’est le moment d’y aller encore plus fort et de la claironner. Dans le contexte du programme-cadre de l’UE « Horizon Europe », du « Pacte productif » lancé par le Premier ministre, et du futur « Programme d’investissements d’avenir », c’est maintenant que ça se joue. C’est le bon timing pour préempter une reconnaissance et des financements, au niveau national et européen. On a tout ce qu’il faut pour rafler la mise, mais il faut être beaucoup plus volontaire et ne pas y aller en ordre dispersé. Nous proposons un certain nombre d’outils pour organiser cette ambition.
(1)Conseil économique, social et environnemental régional des Pays de la Loire.
(2) Étude téléchargeable sur www.ceserpaysdelaloire.fr