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L’entreprise face au risque Incendie

Peur primaire, le feu qui réduirait soudainement à l’état de cendres le fruit du labeur demeure une angoisse profonde du chef d’entreprise. Afin de s’en libérer, l’entrepreneur doit concevoir la protection de son outil de travail au travers de la prévention, de l’assurance du risque et de la gestion rigoureuse du sinistre lorsqu’il survient.

Émilie Buttier

Émilie Buttier, avocate associée au cabinet Racine, département Responsabilité et assurances. © Racine

Si les moyens de s’en prémunir ou d’en limiter l’impact se sont perfectionnés au cours de l’histoire, l’incendie, d’origine naturelle ou humaine, accidentelle ou volontaire, est source de craintes. Si le temps des grands incendies urbains comme celui de Londres en 1666 paraît révolu, le phénomène des “mégafeux” a récemment pu raviver cette peur.

L’assurance a permis d’introduire une once de sérénité dans la cartographie des risques auxquels se trouve confrontée une entreprise. Elle n’empêche pas la survenance du risque mais limite les effets potentiellement dévastateurs de l’incendie en garantissant, par exemple, à l’entreprise une reconstitution des données détruites, une reconstruction de l’outil de production ou encore la location de nouveaux bâtiments d’exploitation.

Bien pensé, le contrat d’assurance multirisque de l’entreprise offre une sécurisation de l’outil de travail contre le risque incendie. Il vient toutefois utilement compléter un indispensable arsenal de prévention. Lorsqu’il survient, le risque doit être géré, en concertation avec l’assureur et les experts pour préserver au mieux les intérêts de l’entreprise.

La prévention du risque

La cartographie des risques de l’entreprise permet d’appréhender les points de vulnérabilité et d’y remédier par des plans d’actions. La prévention du risque incendie peut revêtir des formes très diverses en fonction de la taille et de l’activité de l’entreprise. Plus qu’un outil interne efficace, elle est aussi un critère d’appréciation du risque par l’assureur lors de la souscription du contrat.

Le risque sera ainsi évalué différemment selon que l’entreprise dispose, outre de détecteurs de fumées, de robinets d’incendie armés ou de sprinklers, ou encore qu’elle aura sous-traité la détection de l’incendie à une société spécialisée. Des mesures de prévention spécifiques peuvent être exigées par l’assureur et ainsi entrer dans le champ contractuel, ce qui induit des sanctions éventuelles en cas de non-respect ou de modification du dispositif existant pendant la durée du contrat.

Au-delà des conséquences assurantielles, l’insuffisance ou la légèreté des mesures de protection peut également entraîner, en cas de blessures involontaires ou d’homicide involontaire découlant d’un incendie des poursuites pénales à l’encontre de l’entreprise et/ou de ses représentants.

La prévention qui réduit la probabilité de survenance du risque et en limite l’impact doit donc être au cœur du dispositif.

La garantie assurantielle

Le contrat d’assurance “incendie” comporte un socle de garanties basiques obligatoires auxquelles s’ajoutent des garanties optionnelles.

Les garanties de base visent à indemniser l’assuré de tous les dommages matériels directs occasionnés par l’incendie et affectant les biens assurés. Les biens en question sont ceux déclarés à l’assureur lors de la souscription ou lors de la vie du contrat en cas de modification. Il s’agit de biens immobiliers, de biens mobiliers, de matériels, ou de marchandises propres ou confiées. L’attention de l’assuré sera attirée sur l‘importance de la désignation minutieuse de ces biens et l’adéquation entre la couverture nécessaire en cas de sinistre partiel ou total et les limites de la garantie (plafond).

Les dommages corporels ou les dommages dits immatériels ne sont pas couverts par la garantie basique.

Les garanties facultatives visent à couvrir d’autres types de dommages tels que les frais de démolition et de déblai, les honoraires d’experts, de contrôle technique, de bureaux d’étude ou les frais nécessités par une remise en conformité du bâtiment avec une réglementation nouvelle.

Le chef d’entreprise s’attardera surtout sur la cruciale garantie “pertes d’exploitation” qui couvre les pertes liées à l’interruption ou la réduction d’activité résultant de l’incendie. Ce dommage immatériel consécutif n’est toutefois pris en charge que pour une durée fixée au contrat et qui peut être bien plus courte que la durée effective pendant laquelle l’entreprise subira des pertes financières. Elle comporte en outre un plafond, également déterminé contractuellement, auquel l’assuré doit être particulièrement sensibilisé.

À cette assurance “dommages” s’ajoutent les polices de responsabilité qui peuvent être mobilisées dans l’hypothèse où l’incendie, qui trouve son origine au sein de l’entreprise assurée, a causé des dommages à des tiers qui exerceront alors un recours contre l’assuré pour être indemnisé de leur préjudice.

Ce recours peut également être exercé par des tiers lésés lorsque l’incendie découle d’une faute de l’assuré ou de l’un de ses préposés.

La gestion du sinistre

Lorsque l’incendie survient, l’entreprise doit suivre, s’il existe, le mode opératoire prévu pour gérer cet accident majeur et dérouler scrupuleusement le plan d’actions préalablement établi pour n’omettre aucune étape et garantir la poursuite d’activité de l’entreprise.

Après l’appel des pompiers et le déclenchement des mesures destinées à limiter la propagation, l’entreprise devra déclarer dans les meilleurs délais le sinistre à son assureur qui dépêchera un expert et déterminer les mesures de sauvegarde à prendre (bâchage, transports de biens récupérables, etc.). Il convient de concilier cet impératif de sauvegarde avec celui de préservation des preuves qui seront indispensables en cas d’enquête et/ou de recours contre un tiers responsable.

En effet, si malgré les investigations menées sur la recherche de l’origine de l’incendie, celle-ci demeure indéterminée, l’assureur dommages dont la garantie est mobilisée indemnisera l’assuré dans les limites du contrat, et notamment dans le respect du montant maximum prévu au contrat. En revanche, si la preuve d’un incendie volontaire est rapportée ou si la négligence d’un tiers est en cause, alors l’assureur dommages indemnisera son assuré et exercera son recours contre les auteurs.

L’assuré dont les préjudices excéderaient le plafond se joindra alors à cette action pour couvrir le découvert de garantie.

Lors de cette phase se joue également le chiffrage des préjudices qui, sur la base de l’état des pertes établi par l’expert-comptable avec l’expert de l’assurance et/ou l’expert de l’assuré, fixera le montant de l’indemnisation à percevoir après discussions entre les parties de la valeur, vénale, à neuf, ou vétusté déduite des biens et de la perte d’exploitation.

En cas de désaccord sur les montants à verser ou sur l’origine de l’incendie, les expertises amiables peuvent céder le pas à une mesure d’expertise judiciaire. Il est plus que recommandé dans ces deux situations d’être accompagné d’experts qualifiés et de conseils spécialisés pour optimiser les intérêts de l’entreprise face aux éventuels tiers responsables ou à son propre assureur.

 

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