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Le plan de partage de la valorisation de l’entreprise, alternative à l’actionnariat salarié

Issu de la loi sur le partage de la valeur du 29 novembre 2023, le plan de partage de la valorisation de l’entreprise (PPVE) est un nouveau dispositif d’épargne salariale permettant d’intéresser financièrement les salariés à l’évolution de la valorisation de l’entreprise. Cet outil partage les vertus de fidélisation et de motivation des collaborateurs propres aux dispositifs d’actionnariat salarié, tout en contournant certains de leurs inconvénients.

Géraud d'Huart, avocat counsel, département droit social, Cabinet Racine. RACINE

La loi sur le partage de la valeur est, selon l’objectif assumé du gouvernement, une transposition fidèle de l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 10 février 2023. Le PPVE a ainsi initialement été imaginé par les partenaires sociaux dans le but d’attribuer aux salariés une prime qui reflète la progression de la valorisation de l’entreprise. L’entrée en vigueur de ce dispositif restait conditionnée à la publication d’un décret d’application intervenue le 30 juin 2024 : le PPVE est donc désormais pleinement opérationnel !


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Un nouvel outil d’épargne salariale…

Le PPVE est un plan d’une durée de trois années qui permet aux salariés présents au début du plan de bénéficier d’une prime en cas d’augmentation de la valorisation de l’entreprise constatée à la fin du plan. Cette prime bénéficie d’un régime social de faveur, proche de celui de l’intéressement ou de la participation, et peut être placée sur un plan d’épargne salariale (PEE, PEI, PERECO), permettant une optimisation fiscale pour le salarié. La prime revenant à chaque salarié est déterminée en appliquant à un montant de référence, un coefficient correspondant au pourcentage de croissance de la valorisation de l’entreprise.

Exemple : le Plan prévoit un montant de prime référence de 4 000 euros. Entre le début et la fin du Plan, la valorisation de l’entreprise a connu une croissance de 75 %. Le montant de la prime effectivement attribuée à chaque salarié s’évalue donc à 75 % x 4 000 euros = 3 000 euros.

Il est possible de moduler ce montant de référence en fonction de la durée du travail, de la rémunération ou de la classification. En toute hypothèse, la prime distribuée à chacun des salariés ne peut excéder les trois quarts du plafond annuel de sécurité sociale, soit un montant maximal de prime individuelle de 34 776 euros en prenant pour référence le plafond pour l’année 2024.

Le PPVE peut être mis en place dans toute entreprise, quels que soient son effectif ou sa forme juridique, selon les mêmes modalités que l’intéressement ou la participation, c’est-à-dire au moyen d’un accord conclu soit avec les délégués syndicaux, soit avec le CSE, soit par ratification à la majorité des deux tiers des salariés de l’entreprise. Cet accord définit les modalités d’application du plan en fixant notamment la formule de calcul de la valorisation de l’entreprise. qui tient compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d’activité.

Pour contribuer à définir une formule qui reflète fidèlement la valeur de l’entreprise, la loi prévoit que l’accord mettant en place le PPVE est établi « sur la base d’un rapport spécial du commissaire aux comptes » de l’entreprise ou, à défaut, d’un commissaire aux comptes désigné par les organes de direction à cet effet. L’employeur pourra par ailleurs se rapprocher, au besoin, de son expert-comptable pour proposer aux partenaires sociaux une méthode de valorisation qui reflète au mieux la situation de l’entreprise.

…plus souple que l’actionnariat salarié

L’objectif premier du PPVE est d’offrir une alternative aux dispositifs d’actionnariat salarié, tels que les attributions gratuites d’actions ou les plans d’options de souscription ou d’achat d’actions, ces derniers étant parfois perçus comme complexes et inadaptés. De ce point de vue, le PPVE constitue effectivement un outil bien plus souple qui présente nombre d’avantages. Ainsi, ce nouveau plan présente, d’abord, l’intérêt de pouvoir être déployé au sein de toute entreprise du secteur privé, sans restriction liée à la forme juridique alors que l’actionnariat est, par définition, réservé aux sociétés par actions.

Par ailleurs, ce dispositif n’induit pas l’entrée de salariés au capital de la société, qui, au-delà de sa complexité et de sa lourdeur, renvoie à un sujet de gouvernance souvent sensible et de nature à freiner le recours à l’actionnariat salarié. Enfin, le PPVE se distingue également par sa mise en place facilitée : si une attention particulière doit être prêtée à sa rédaction, l’accord demeure la seule et unique formalité incombant à l’employeur pour rendre effectif le PPVE, outre le rapport du commissaire aux comptes et la consultation préalable du CSE, pour les entreprises de plus de cinquante salariés.

…mais dont la mise en œuvre demeure incertaine

Le PPVE se présente donc comme une alternative séduisante aux dispositifs d’actionnariat salarié, répondant aux enjeux d’engagement et de fidélisation des collaborateurs. Il souffre néanmoins d’inconvénients qui interrogent à ce stade sur sa réelle efficience : s’agissant d’un mécanisme d’épargne salariale, il a vocation à concerner la collectivité des salariés sans pouvoir être restreint à une catégorie particulière. Par ailleurs, le plan est nécessairement conclu pour une durée de trois années, sans aucun aménagement possible.

Conçu comme une solution destinée en priorité aux PME et ETI, le PPVE demeure un nouvel outil de rémunération optimisée non dénué d’atouts, qui s’ajoute aux dispositifs d’épargne salariale existants. L’avenir dira si les entreprises prendront le pari de s’en saisir !

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