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Le pacte Dutreil, un outil incontournable pour la transmission

Créé en 2003, le pacte Dutreil transmission est un formidable outil favorisant la transmission des entreprises et la préservation de notre tissu économique. Décryptage d’un mécanisme qui, bien que complexe dans sa mise en œuvre, reste un outil de choix pour les chefs d’entreprise souhaitant passer la main à leurs enfants notamment.

En 2003, le gouvernement faisait le constat que les droits de donation et de succession à payer lors de transmission d’entreprises à titre gratuit pouvaient menacer la pérennité de celles-ci et donc l’emploi. C’est pour cette raison que le Pacte Dutreil Transmission a été créé avec un objectif : favoriser la transmission de l’outil professionnel. Ce régime fiscal a donc été adopté et plusieurs fois aménagé par des textes législatifs et des réponses ministérielles successives. Il est désormais codifié aux articles 787 B et 787 C du Code général des impôts. Quels avantages concrets offre-t-il ?

DES AVANTAGES FISCAUX TRÈS CONSÉQUENTS

Lorsque les donataires, héritiers ou légataires s’en prévalent, le pacte Dutreil va leur permettre de bénéficier d’un abattement de 75% sur l’assiette imposable. Si, par exemple, un chef d’entre- prise donne à son fils unique les titres de sa société d’une valeur de 10 M€, l’assiette des droits de donation sera alors réduite de 7,5 M€ pour être fixée à 2,5 M€. Sur la base d’un taux d’imposition de 45% et après application de l’abattement de droit commun de 100 000 €, les droits à payer seront de 842 394 €, au lieu d’environ 4,2 M€ sans pacte Dutreil. Le gain d’impôt est donc considérable.

D’autre part, si le chef d’entreprise donne les titres en pleine propriété avant ses 70 ans, son fils pourra également bénéficier d’une réduction des droits à payer de 50%. Dans notre cas, les droits de donation s’élèveraient donc à 421 197 € au lieu d’environ 4,2 M€ sans pacte Dutreil.

Avec cet exemple, le lecteur comprendra aisément que ce régime fiscal est incontournable. Ne pas le conseiller constitue d’ailleurs une faute professionnelle.

DES CONDITIONS STRICTES POUR ÉVITER LES ABUS

Attention, dans l’hypothèse où l’objectif serait de vendre à court/moyen terme l’entreprise, en gratifiant au préalable sa descendance ou des tiers par le biais d’une donation de titres, le pacte Dutreil devra être écarté.

En effet, plusieurs conditions légales doivent être respectées dans le temps. L’esprit du texte est bien de favoriser la trans- mission et non de faire une optimisation fiscale en purgeant la plus-value sur titres par le biais d’une donation avec abattement de 75%, suivie de leur cession.

Quelles sont les principales conditions requises lors d’une trans- mission entre vifs ? Tout d’abord, la société doit exercer une activité opérationnelle ou d’animation d’un groupe (holding animatrice). Les sociétés patrimoniales en sont donc exclues sous la seule réserve de l’existence d’un régime spécifique dit « société interposée » pour les holdings non animatrices, c’est-à-dire celles qui ne font que détenir des titres de filiales.

ENGAGEMENTS DE CONSERVATION ET EXERCICE DE FONCTIONS DE DIRECTION

Ensuite, le donateur seul ou avec d’autres associés doit s’engager par écrit à conserver pendant au moins deux ans, au minimum 17% des droits financiers et 34% des droits de vote de la société opérationnelle non cotée. Un engagement collectif de conservation de titres sous seing privé ou authentique est donc conclu et enregistré aux impôts.

Attention, ces pourcentages ne sont qu’un minimum. Si le chef d’entreprise souhaite donner 100% de ses titres, il lui appartiendra de les placer en totalité sous engagement collectif de conservation.

À son expiration, s’ensuivra un engagement individuel de conservation de quatre ans qui devra être pris par le donataire dans l’acte de donation. Il faut bien comprendre que ce délai de quatre ans débutera à l’expiration de l’engagement collectif et non à compter de la donation qui, elle, doit avoir lieu au cours de celui-ci. L’erreur rencontrée fréquemment est l’absence de dénonciation de l’engagement collectif de conservation qui empêche l’engagement individuel de démarrer. Plutôt que de durer six ans, le régime perdure indéfiniment tout comme le délai de prescription.

In fine et sauf cas du « réputé acquis », le régime Dutreil s’étalera sur minimum six ans.

En plus de ces engagements de conservation, la loi exige que des fonctions de direction soient exercées au sein de la société opérationnelle ou assimilée pendant l’engagement collectif de conservation et au cours des trois années qui suivent la trans- mission. Selon la période, ces fonctions devront être assurées par l’un des signataires de l’engagement collectif ou éventuellement le donataire (spécificité pour le « réputé acquis »).

Ces conditions, bien que pouvant paraître assez simples, connaissent de nombreuses subtilités, notamment en présence de donation avec démembrement de propriété et de holding pure.

Par exemple, si le chef d’entreprise souhaite donner uniquement la nue-propriété des titres et s’en réserver l’usufruit pour conserver les dividendes, les statuts de la société opérationnelle ou assimilée devront impérativement être aménagés au plus tard au jour de la transmission, de sorte que le droit de vote de l’usufruitier soit restreint à la seule affectation des bénéfices.

Autre exemple : en présence d’une holding pure, il conviendra de positionner l’engagement collectif de conservation au bon endroit et de s’assurer qu’il n’y a pas de projet de vente à moyen terme de la filiale. En effet, les participations devront restées in- changées à chaque niveau d’interposition pendant les six ans.

Enfin, lorsqu’il y a plusieurs enfants mais un seul repreneur, le Dutreil pourra également être mis en place. D’ailleurs, il s’avèrera avantageux car si le repreneur désintéresse ses frères et sœurs en payant des soultes via une holding de reprise, ces derniers bénéficieront également de l’abattement de 75%.

En conclusion, grâce au pacte Dutreil, donner son entreprise est rendu possible sous réserve de ne laisser place à aucune improvisation. Le coût du redressement fiscal pourrait en effet être fatal.

 

 

Cornet Vincent Segurel
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