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Le grand tournant du commerce : quand la société servicielle prend le relais

Si vous croyez qu’Internet et la concurrence chinoise bouleversent l’urbanisme commercial, vous n’avez rien compris. Pascal Madry, directeur de l’Institut de la ville et du commerce, chercheur associé en urbanisme et en immobilier commercial, invité du Club immobilier Nantes Atlantique (Cina), explique les vraies raisons du déclin du textile, des boutiques du centre-ville et la recomposition inéluctable à venir de celui-ci.

Une rue du centre-ville de Nantes

Le grand tournant du commerce : quand la société servicielle prend le relais ERIC CABANAS - IJ

Comment l’évolution du commerce sur plus d’un siècle a-t-elle été impactée par la démographie ?

On a de moins en moins besoin de commerces. En 1915, au moment de l’apogée du commerce moderne, la France comptait environ 1,6 million de points de vente. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 800 000. Cette baisse est une tendance de fond, structurelle. Elle s’explique par le fait que l’on a besoin de moins de magasins pour répondre à des besoins de consommation toujours plus nombreux – alors même que la population est passée de 45 à 68 millions d’habitants.

Ce retournement débute à partir des années 1920, avec l’exode rural. Jusque-là, le commerce était très émietté, réparti au plus près des bassins de vie. À long terme, ce sont les dynamiques de population – où les gens vivent, comment ils se déplacent – qui structurent la géographie commerciale. Bien plus que les chocs technologiques comme la radio, la télévision ou même Internet. On en voit aujourd’hui encore les effets, avec un centre-ville qui perd en attractivité face à l’étalement urbain.

Des magasins moins nombreux… mais de plus en plus grands ?

Il y a un siècle, le paysage commercial était dominé par les petites boutiques. Aujourd’hui, ce sont les grandes et moyennes surfaces qui occupent le terrain. Les magasins sont devenus plus grands, plus centralisés. On le voit bien autour de Nantes, avec des pôles comme Atlantis, Paridis ou Auchan Saint-Sébastien.

Cela dit, en nombre d’entreprises, ce sont encore les indépendants qui dominent : ils représentent environ trois quarts des commerces. Viennent ensuite les franchises, autour de 18 %, puis les succursalistes, qui dépendent directement d’un groupe. Mais en chiffre d’affaires, la hiérarchie s’inverse : les indépendants sont minoritaires. Ce qui dis…