La Vendée est une terre de vélo où naissent et grandissent de grands champions. Pourquoi ?
Michel Albert : Depuis 70 ans environ, la Vendée « produit » de grands champions cyclistes qui nous font rêver. Il y a d’abord eu Robert Vernageau dans les années 50, sur la piste, puis Robert Berland, champion de France sur route en 1972 et 1979. Je pense aussi à la carrière exceptionnelle de Jean-René Bernaudeau, médaillé de bronze du championnat du monde sur route en 1979, et fondateur-manageur de la Team TotalEnergies. Il y a également Thomas Voeckler, deux fois champion de France sur route (2004 et 2010) et 4e du Tour de France en 2011. Tous, par leur parcours incroyable, ont permis d’attirer des jeunes fans dans les clubs. Aujourd’hui, la Vendée compte 36 clubs locaux et 24 écoles de vélo, toutes disciplines confondues, ce qui représente 2 200 licenciés et 248 compétitions organisées en 2022, dont le Tour de Vendée. C’est grâce aussi à tout cet élan que la Vendée a reçu six fois le grand départ du Tour de France (1976, 1993, 1999, 2005, 2011 et 2018) et qu’elle est candidate pour accueillir un prochain Tour de France, féminin et masculin, ou encore le championnat de France sur route en 2025.

Michel Albert, président du Comité départemental du cyclisme de Vendée, avec Peter Sagan, leader de la Team TotalEnergies et triple champion du monde sur route. ©IJ
Serge Daniel : Il faut continuer à élargir la pyramide, c’est-à-dire à renforcer ce maillage de clubs et de compétitions car plus il y a de coureurs, plus il y a de courses, plus il y a de talents susceptibles d’émerger.
Il y a 30 ans était créé le Centre régional d’entraînement et de formation cycliste (Cref) Pays de la Loire. Quelle est sa vocation ?
SD : Ce qui était à l’origine une simple section sportive régionale est née en 1992 à La Roche-sur-Yon, sous l’impulsion de Richard Tremblay, enseignant et cycliste amateur passionné. Son constat : il n’existait pas de structure permettant aux jeunes cyclistes vendéens d’aller au bout de leur rêve, celui du haut niveau, tout en leur assurant un métier en cas d’échec. Le rôle de cette section cycliste régionale est d’accompagner ces graines de champion dans ce double cursus sportif et professionnel, de la seconde à la terminale. Les 25 jeunes accueillis actuellement au Cref ont accès à l’ensemble de l’offre de formation de deux lycées privés yonnais[1], que ce soit dans la filière générale, technologique ou professionnelle. Ils sont majoritairement Vendéens car ils continuent à courir dans un premier temps sous le maillot de leur club d’origine. En 2015, ce pôle espoir est devenu le Centre régional d’entraînement et de formation (Cref). Depuis 2021, nous sommes reconnus par l’Éducation nationale comme « Section d’excellence sportive ». En 30 ans, 45 des 370 jeunes que nous avons formés sont devenus professionnels dont le plus illustre est un certain Thomas Voeckler.
Quelles sont les autres passerelles entre le cyclisme amateur et professionnel en Vendée ?
MA : Le Comité départemental gère deux équipes jeunes en vue du haut niveau : les « U19 Piveteau Bois » chez les garçons et les « Ladies Piveteau Bois ». Il y a aussi l’équipe Vendée U Pays de la Loire qui évolue en nationale 1. Et au sommet, il y a évidemment les professionnels de la Team TotalEnergies.
Quelle place occupent les entreprises ?
MA : Elles sont des partenaires financiers essentiels pour les clubs et pour nos nombreuses compétitions. En échange, nous leur offrons de la visibilité sur des grandes épreuves comme le Tour de Vendée, diffusée à la télévision, ou lors de grands événements comme la coupe de France de Trial organisée au Vendéspace.
Quelles valeurs le cyclisme de haut niveau partage-t-il avec les entreprises ?
SD : Le cyclisme vendéen et les entreprises du territoire partagent le même esprit familial, les mêmes valeurs de terrain.
MA : Le vélo, c’est une école de la vie. C’est un sport individuel avec un esprit d’équipe. On apprend à gagner, à perdre, à se relever. L’échec fait partie de la formation. Quel que soit le résultat, il ne faut jamais se décourager. Le résultat vient avec l’expérience, la persévérance. Je suis chef d’entreprise (Vitalbois au Poiré-sur-Vie, entreprise spécialisée dans l’agencement, NDLR) et avoir un sportif dans ses effectifs, un cycliste par exemple, est un atout. C’est un collaborateur qui porte des valeurs fortes, qui fait preuve de ténacité, de respect et d’un certain dynamisme. Ce savoir-vivre est agréable et profite à l’ensemble de l’équipe.

La U19 Piveteau Bois, l’équipe jeune masculine départementale. ©Comité départementale du cyclisme de Vendée
Une grande entreprise, TotalEnergies, sponsorise l’unique équipe professionnelle vendéenne. Est-ce une forme de reconnaissance pour la filière d’excellence vendéenne ?
MA : Si une grande entreprise comme TotalEnergies, et avant elle Brioche La Boulangère, Bouygues Telecom, Europcar ou encore Direct Energie, sponsorise une équipe vendéenne, c’est avant tout pour Jean-René Bernaudeau, son fondateur, et pour le professionnalisme de ses coureurs qui vont lui donner une visibilité nationale et internationale. Après, oui, indirectement, c’est une forme de reconnaissance de tout le travail effectué depuis 30 ans pour construire et développer le cyclisme de haut niveau en Vendée.
Des retombées économiques pour la Vendée
Le cyclisme de haut niveau participe à l’attractivité de la Vendée, territoire touristique par excellence, et à son rayonnement, au même titre que le Vendée Globe. D’où l’investissement important du Département à tous les niveaux de la pyramide. La collectivité soutient ainsi le fonctionnement du Comité départemental et celui du Cref, ainsi que l’organisation des compétitions régionales, et sponsorise l’équipe professionnelle de Jean-René Bernaudeau depuis sa création en 2000. En 2023, ce soutien s’élève à 900 000 €.
Concernant les retombées liés aux grands événements cyclistes, elles sont surtout médiatiques. Le Tour de Vendée, par exemple, c’est trois millions de téléspectateurs en France et une diffusion dans 54 pays. Et sur un budget de 380 000 €, la moitié repart directement dans l’économie locale, notamment dans les 250 à 300 chambres réservées pour les équipes et les prestataires.