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Filière cycle : « On veut relocaliser la fabrication de composants »

Président de la société Arcade Cycles à La Roche-sur-Yon, François Lucas vient de prendre les rênes de Cygo (Cycles grand Ouest). Lancé le 4 juillet, ce réseau réunit les professionnels du cycle des régions Pays-de-la-Loire, Bretagne et Centre Val-de-Loire, bien décidés à changer de braquet pour faire grimper la production made in France dans un marché en plein essor.

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Comment est né le réseau Cygo ?

À l’origine, il y a le rapport parlementaire du député du Val-de-Marne Guillaume Gouffier-Cha, qui a été remis au Premier ministre en février 2022. Sa mission était de répondre à un certain nombre de questions : comment développer la filière cycle en France ? Comment faire en sorte que ce développement ne se traduise pas par une hausse des importations ? Comment développer la part modale du vélo par rapport aux autres moyens de transport ? Parmi les conclusions de ce rapport figurait l’idée de fédérer les acteurs pour augmenter les coopérations et les synergies entre eux.

La création de Cygo[1], répond ainsi à cette préconisation avec la volonté d’unir les forces pour aller plus vite et en particulier pour relocaliser la fabrication de certains composants, tels que les freins, les pédaliers, les rayons, les systèmes de transmission…

François Lucas (Président d’Arcades Cycles et de Cygo) et son fils Frédéric Lucas (Directeur général d’Arcades Cycles et membre du comité de pilotage de Cygo) © Arcade Cycles

Avez-vous ressenti un enthousiasme dès le lancement ?

Dès le 24 mars, lors de la première réunion à Nantes à la CCI Pays de la Loire, nous avions déjà une cinquantaine d’acteurs du cycle du grand Ouest. Les Régions Pays de la Loire, Bretagne et Centre-Val de Loire ont tout de suite répondu présentes pour financer l’association.

Nous bénéficions aussi du soutien sur le plan opérationnel du pôle ID4Car qui intervient dans le domaine de la mobilité mais plutôt pour les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile. Le pôle s’intéresse aussi aujourd’hui aux mobilités douces.

Nous avons déjà réuni un budget de 100 000 €, qui comprend les cotisations des adhérents et avons pu recruter une salariée qui anime l’association. Aujourd’hui, ma mission c’est de faire en sorte que cet enthousiasme ne retombe pas. Cela suppose d’obtenir des résultats.

Comité de pilotage du réseau Cygo

Le comité du pilotage de Cygo (de g. à d. : David Jamin, directeur général MFC, Aymeric Le Brun, gérant Cyfac, Charles Levillain, PDG Fleximodal, François Lucas, président Arcade Cycles, Pierre Régnier, PDG Vel’Co, Émilie Le Draoulec, chargée de communication Cygo, Sébastien Personnic, directeur développement ID4Car, Frédéric Lucas, directeur général Arcade Cycles, Arnaud Chéreau, directeur général Wello ©Cygo)

Combien d’entreprises ont rejoint le réseau depuis son lancement ?

Nous dénombrons 130 entreprises, essentiellement des industriels, dans les domaines de l’assemblage, de la fabrication des composants et des accessoires.

L’objectif est-il de faire en sorte que la France redevienne leader sur ce marché ?

Non, nous avons des voisins européens très dynamiques, historiquement l’Italie, l’Allemagne et aujourd’hui de plus en plus le Portugal et les pays de l’Est. Il y a 50 ans, l’industrie française du cycle était la plus dynamique du monde, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Il reste quelques belles entreprises en France, mais pas assez. Les systèmes de transmission, de freinage, la fabrication de la grande majorité des cadres, tout cela est parti. Nous souhaitons surtout un meilleur équilibre entre la production nationale et les importations.

Pour certains composants, il y a déjà des actions en cours. Par exemple, l’entreprise Bontaz en Haute-Savoie, qui vient du secteur automobile, lance un projet pour fabriquer des freins à disque destinés aux vélos. Les équipementiers automobiles se tournent de plus en plus vers notre filière à l’heure où la bascule vers les voitures électriques se traduit par une forte baisse d’activité.

Je suis persuadé que la France a les moyens de concurrencer les pays asiatiques. Pas pour toutes les pièces ou composants, mais elle a la possibilité d’être compétitive sur des produits haut de gamme. On n’a pas vocation, par exemple, à développer la fabrication des vélos enfants qui représentent plus de la moitié des ventes aujourd’hui. On va s’intéresser aux vélos à valeur ajoutée, d’abord les vélos électriques, ensuite les VTT et vélos de route. Il y a une forte demande pour des produits à valeur ajoutée, la qualité. Le vélo devient pour un certain nombre de ménages la deuxième voiture en quelque sorte. On n’est plus sur des vélos mécaniques utilisés de manière occasionnelle durant le week-end, mais sur des vélos utilisés quasiment tous les jours pour aller au travail, déposer les enfants à l’école… Ils doivent être parfaitement fiables comme le sont les voitures.

Pour relocaliser la filière, cela passe par des moyens financiers. Quels sont-ils ?

Je m’inscris dans un contexte d’économie libérale. On ne demandera pas aux pouvoirs publics de nous aider davantage. Ce sont d’abord des entrepreneurs qui vont réaliser des investissements à risque, en considérant qu’il y a des débouchés suffisants pour permettre un retour sur investissement. La demande de vélos est croissante. C’est à nous, entreprises, de capter cette demande avec des produits compétitifs par rapport à ceux qui sont aujourd’hui importés. Et nous avons de bons arguments à faire valoir, en matière de services, de délais de livraison, de service après-vente.

Qu’en est-il des moyens humains ?

Comme beaucoup d’autres secteurs, nous faisons face à des difficultés de recrutement pour trouver des techniciens, des opérateurs monteurs… Cygo va développer la coopération entre les écoles et les entreprises et mener des actions auprès d’organismes tels que le CNTC (Centre national des techniques du cycle) ou encore l’INCM (l’Institut national du cycle et du motocyle).

Le vélo, les mobilités actives, la contribution qu’il apporte à la fois à la santé des utilisateurs et à la planète avec la réduction des émissions de dioxyde carbone… Tout ceci suscite des vocations, en particulier auprès des jeunes générations.

Vous êtes-vous fixé des objectifs en matière de créations de postes ?

À ce jour, on compte un millier d’emplois industriels pour la filière cycle. Il y en a aussi beaucoup dans les services, qui vont se développer avec le développement du marché de l’occasion, en particulier pour les vélos électriques.

Si l’on parle d’un marché qui progresse de 10 à 15 % sur un an, on peut projeter des créations de postes au même rythme. Une croissance de 15 % par an, c’est un doublement sur cinq ans.

 

[1] Cygo suit l’exemple de réseaux déjà existants : Cara en Auvergne Rhône-Alpes et Vélo Vallée en Occitanie.