La filière hydrogène est en plein boom et la concurrence internationale, rude. Après une première feuille de route en 2016 (2017-2021), la région Pays de la Loire en a adopté une nouvelle en juillet avec l’objectif de créer une « Pays de la Loire hydro vallée 2030 ». À partir d’un constat : « Les Pays de la Loire ne disposent pas de grands groupes industriels mobilisés comme en Auvergne-Rhône-Alpes ou en Occitanie », expose Laurent Gérault, conseiller régional et vice-président en charge de l’Environnement et de la transition énergétique. Depuis 2016, les projets se sont multipliés avec, notamment, le navire Neoline, une navette mise à l’eau en 2018 sur l’Erdre par la Semitan, le bâtiment Delta Green à Saint-Herblain (un immeuble de bureaux de 4 600 m2, premier du genre à être indépendant en énergie grâce à l’hydrogène) ou encore un bâtiment de stockage à Saint-Joachim, soutenu par la Carene. Parmi les différentes étapes de ce développement, on peut aussi noter la constitution, en 2019, d’un collectif ligérien sur l’hydrogène.
Pour cette nouvelle feuille de route, l’accent est toujours mis sur la transformation vers des mobilités durables. La Région prévoit aussi la création d’un livret d’épargne populaire sur la croissance verte. « Nous avons une double ambition : structurer la filière d’ici à 2030 et nous appuyer sur les spécificités régionales qui sont dans les secteurs maritimes, fluviaux, de manutention ou encore des courses automobiles », détaille encore le conseiller régional.
L’un des principaux enjeux étant le prix de l’hydrogène vert afin qu’il soit réellement concurrentiel face au gasoil détaxé maritime. L’une des pistes envisagées serait de « se structurer via un groupement d’achat pour faire diminuer le coût. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais le coût devrait être réduit avec le développement de la filière », explique Laurent Gérault. Et d’ajouter : « La pire des choses serait qu’il y ait une concurrence entre les différents territoires de la région. Mais, en dix-huit mois le réseau Neopolia a permis la création d’un collectif pour faire émerger des synergies d’usage. » De même, concernant une éventuelle concurrence avec la région Bretagne, Laurent Gérault ne nie pas son existence : « Il y a forcément de la compétition entre nous car nous souhaitons tous que la filière se développe plus chez nous que chez les autres. Mais nous voulons répondre ensemble à des appels à projets européens car c’est seulement avec ce dimensionnement que nous serons en mesure d’en décrocher. »
DE FUTURES STATIONS OFFSHORE ?
Parmi les acteurs clés de la filière dans la région, il y a l’entreprise nantaise Lhyfe, créée en 2017. Elle produit et fournit de l’hydrogène propre et renouvelable. Son premier site de production a été ouvert en septembre 2019 à Bouin, en Vendée. « L’hydrogène est produit à partir de trois éoliennes et de l’eau de mer traitée. Une tonne par jour est livrée par camions, qui seront à hydrogène à l’avenir, pour différents partenaires du territoire », explique Taia Kronborg associée de Lhyfe et responsable du développement. L’entreprise travaille notamment avec la municipalité du Mans (pour 10 bus et 8 bennes à ordures ménagères), mais aussi le secteur industriel (verrerie, agroalimentaire, métallurgie…) et les transporteurs et logisticiens. La structure entend devenir leader européen : douze sites sont en déploiement en France et 30 projets sont en cours à travers l’Europe (Allemagne, Belgique, Pays Bas…).
Mais le gros projet d’avenir pour Lhyfe, c’est de développer la production d’hydrogène vert offshore. L’entreprise possède un centre de recherche dédié. « Nous espérons que ce sera la solution qui fera sens à l’avenir car c’est une énergie plus stable et moins coûteuse, détaille Taia Kronborg. L’idée est de mettre les stations plus loin en mer. » Un démonstrateur est prévu pour 2022 pour un déploiement commercial visé en 2025. Avec sept collaborateurs à sa création, Lhyfe en compte vingt aujourd’hui. L’objectif étant d’en recruter dix supplémentaires en 2021 voire trente au total à la fin 2021. Après une levée de fonds d’amorçage de 8 M€ en 2019, un financement de l’Ademe et des prêts, l’entreprise dispose aujourd’hui de 20 M€.
DES FREINS SUR LE MARITIME
Autre grand acteur intervenant dans la région, le pôle de compétitivité S2E2, dont le siège est à Tours et possède une antenne à Nantes. Spécialisé dans la gestion de l’énergie, il accompagne les écosystèmes formés par l’industrie, la recherche et l’enseignement, dans le montage de leurs projets. Avec quatre grandes activités pour lesquelles l’hydrogène est transversal : les réseaux énergétiques intelligents, les bâtiments intelligents, les systèmes électriques destinés aux mobilités et les matériaux et composants électroniques. Intervenant dans plusieurs régions, sur l’axe ouest allant de la Wallonie à l’Aquitaine, le pôle compte 222 adhérents qui représentent plus de 50 000 emplois.
Philippe Loyer, représentant territorial du pôle, fait remarquer la montée en puissance de l’hydrogène dans le plan de transition énergétique national. L’enveloppe attribuée est passée de 100 M€ en 2018 à 7 Md€ dans le plan de relance annoncé cette année. « C’est un changement d’échelle », insiste-t-il. Et de noter « des besoins R&D forts pour les véhicules lourds, le maritime, l’aéronautique – à un horizon plus lointain pour ce secteur – la formation et la réglementation ». Le pôle S2E2 dispose de trois grands projets en cours sur le sujet : Fastcure pour réduire le temps de fabrication des réservoirs (1,5 M€), Athena HNV pour la production d’hydrogène vert à partir d’effluents industriels (445 000 € financés par la Région) et H2 Ouest afin de créer un écosystème sur la mobilité hydrogène organisant la production, la distribution et les usages locaux (19,5 M€ avec, pour partenaires, la métropole du Mans, Automobile club de l’Ouest et Lhyfe).
De son côté, le Pôle mer Bretagne Atlantique, qui travaille aussi sur le sujet, tempère un peu l’engouement en ce qui concerne l’utilisation de l’hydrogène pour la marine. « Certes l’Organisation mondiale a fixé une diminution des émissions de CO2 de 50% d’ici à 2050, en particulier sur la propulsion, donc cela laisse entrevoir de belles possibilités pour l’hydrogène, mais, vu d’un armateur, l’hydrogène n’est qu’une solution parmi d’autres comme le biofuel, l’électrique, le fioul via ammoniaque… », rappelle Frédéric Ravilly, représentant territorial du pôle. D’autant que la solution hydrogène n’est pas adaptée aux grands navires car elle nécessite de grosses capacités de stockage, de même que la possibilité de se réapprovisionner en cours de traversée.