Dans son dernier rapport publié le 11 décembre, la Chambre régionale des comptes Pays de la Loire passe minutieusement à la loupe sept ans de comptabilité et de gestion de la Ville de La Roche-sur-Yon, soit près de 986 M€ de fonctionnement et d’investissement. Les magistrats jugent la situation financière du budget principal de cette commune de cinquante-huit mille habitants globalement « satisfaisante, même si son endettement est sensiblement plus élevé que celui de la moyenne de sa strate démographique ». Le maire, Luc Bouard, reconnaît que « cette situation mérite une vigilance toute particulière », mais rappelle aussi que « l’inaction a un coût bien supérieur : celui de la perte de compétitivité, de l’affaiblissement de nos services publics et du recul de notre qualité de vie ».
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Réhabilitation des Halles : des indemnisations « généreuses »
Parmi les dossiers examinés par la CRC, celui du réaménagement des Halles. Initié en 2017, le chantier a été livré au printemps 2023, avec quatre années de retard et une augmentation de plus de 69 % de son coût initial. Estimée à 16,2 M€ en 2016, la facture finale s’élève à 27,4 M€. Parmi ces dépenses, près de 2,9 M€ d’indemnisations ont été versées à vingt-huit commerçants impactés par les travaux.
Le rapport souligne que la commune a utilisé une procédure dérogatoire à la commission de règlement amiable, portant sur 2,5 M€ d’indemnités versées à neuf commerçants. Ces indemnisations ont été « négociées avec l’assistance d’un conseil juridique dont l’avis n’a pas toujours été suivi, sans recours à des experts du secteur ou à une expertise comptable. En leur absence, les négociations ont été plutôt favorables aux commerçants. » Et au maire de se justifier : « Ce choix était dicté par un impératif clair : avancer autant que faire se peut, pour garantir l’aboutissement compliqué d’un chantier complexe, dans un contexte de flambée des coûts de la construction. »
Crématorium : une rentabilité excessive
Les magistrats ont également étudié le budget du service extérieur des pompes funèbres. Celui-ci repose essentiellement sur la délégation de service public du crématorium de la Ville. Ils relèvent que l’essentiel des excédents (725 k€) a été reversé au budget principal en 2023. Or, c’est en parfaite contradiction avec ce que disait la CRC dans son précédent rapport d’observations en 2018. « Ces excédents, qui correspondent pour partie au niveau élevé des tarifs, auraient pu servir à financer le second four de crémation (648 k€). La collectivité a préféré en confier, par avenant, la construction et le financement au délégataire via une procédure juridique irrégulière, avec un surcoût estimé à 121 k€ d’intérêts. Ce nouvel avenant présente une rentabilité manifestement excessive au bénéfice du délégataire. » La CRC demande à la commune de revoir la grille tarifaire des prestations. Luc Bouard assure travailler sur un nouvel avenant plus favorable aux Yonnais. Le nombre de bénéficiaires du tarif solidarité devrait ainsi prochainement augmenter.
Politique d’achat, gouvernance et probité : ce que dit aussi le rapport de la Chambre régionale des comptes
Une politique d’achat à améliorer
L’instance de contrôle des collectivités locales pointe des dysfonctionnements dans la mise en œuvre des procédures de mise en concurrence. « À titre d’exemple, la procédure de mise en concurrence de la concession d’aménagement du quartier des Halles est entachée d’irrégularités », indique la CRC Pays de la Loire sans donner plus de précisions.
Les magistrats soulignent que « de nombreux marchés ne font l’objet que d’une seule offre, qui peut d’ailleurs être retenue alors même que le prix estimé est dépassé ». La Chambre enfonce le clou : « Les besoins ne sont pas toujours bien estimés et les délais parfois mal maîtrisés. La mise en place d’un contrôle interne est indispensable pour sécuriser juridiquement les procédures ». Luc Bouard indique que la commune travaille à « la sécurisation juridique de nos procédures, avec la mise en place d’un contrôle interne » et « à la réforme de notre politique d’achat, incluant la création d’une cartographie ».
Gouvernance et probité : une gestion à renforcer
« L’examen de la politique mise en œuvre en matière de probité et de déontologie montre que celle-ci peut être améliorée. La mise en place d’une cartographie des risques de conflits d’intérêts serait nécessaire », estime par ailleurs la Chambre régionale des comptes. « Nous allons instaurer des mécanismes plus solides et des procédures plus rigoureuses pour garantir nos décisions », promet Luc Bouard.
La Chambre souligne enfin que le rattachement au directeur de cabinet des directions de la communication, de la « citoyenneté » et « santé et prévention » n’est pas conforme à la réglementation en vigueur ni à la jurisprudence. Un directeur de cabinet ne peut en effet être responsable d’un service ou d’une direction administrative. « J’ai choisi de regrouper ces directions au sein d’un pôle dédié, piloté par mon directeur de cabinet. Mais chaque direction a à sa tête un directeur, un directeur adjoint ou un responsable. Cette organisation déroge au code général de la fonction publique, mais elle illustre que la gouvernance des collectivités locales évolue, et le cadre actuel ne correspond plus toujours aux exigences de terrain », conclut l’édile.