Étiez-vous destiné dès votre plus jeune âge à devenir sportif professionnel ?
Professionnel non, mais j’ai toujours été passionné de sport. J’ai commencé très tôt au Cameroun à jouer au foot, au hand, au basket… Mais je n’étais pas pour autant destiné à faire une carrière sportive. C’est un enchaînement d’événements qui ont fait que c’est arrivé.
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Pourquoi avoir choisi le volley, qui n’est pas le sport roi au Cameroun ?
Mon prof de sport de CM2 me l’a fait découvrir. Il jouait en loisirs après l’école en vétérans. Je le croisais régulièrement au stade municipal. Au début, je renvoyais simplement les ballons… Et un jour où il leur manquait un joueur, il m’a proposé de le remplacer. J’ai sauté sur l’occasion. Comme j’étais petit à l’époque (1,95 mètre aujourd’hui, NDLR), j’ai commencé passeur. Je m’amusais beaucoup à jouer avec les « grands » et eux appréciaient aussi ma présence sur le terrain. On a renouvelé l’expérience plusieurs fois et c’est comme ça que j’ai mis un pied dans le volley amateur.
Comment êtes-vous devenu professionnel ?
Quand je suis entré au collège, j’ai continué dans le club de volley de l’établissement. On participait à l’équivalent du championnat national UNSS. C’est là que j’ai été détecté par des équipes du sud du Cameroun. Venant du nord, mes parents ont dans un premier temps refusé que j’y parte. Je devais d’abord passer mon bac.
Une fois le diplôme en poche, je suis parti dans le Sud à Yaoundé, la capitale. Je suivais des cours à l’université de sociologie tout en étant payé par l’équipe de volley de la ville, qui évoluait en championnat national. J’avais alors un salaire, le club prenait en charge ma chambre, mes études à la fac… À l’époque, j’avais vraiment du mal à comprendre comment je pouvais gagner de l’argent pour jouer et m’amuser.
Où avez-vous poursuivi votre carrière ?
Au Maroc, à Casablanca. Avec mon club camerounais, nous avons participé dès ma première saison au championnat d’Afrique. Une équipe marocaine m’a contacté pour me proposer un contrat pro que j’ai refusé. Ils ont renouvelé leur proposition l’année suivante et je me suis dit pourquoi ne pas tenter l’aventure ? J’avais alors dix-neuf ans.
Vous faites une nouvelle fois le choix de poursuivre vos études au Maroc. Comment réagit votre club ?
Ils étaient surpris et me disaient « tu es joueur professionnel, tu ne peux pas faire deux choses en même temps ». Quand ils ont appris que je suivais des études de socio, ils m’ont conseillé d’aller vers quelque chose qui me servirait dans la vie. Ça a fait tilt dans ma tête. J’ai réfléchi et leur ai dit « inscrivez-moi en BTS compta ». Je n’en avais jamais fait et n’aimais pas les maths. Mais j’étais convaincu que ce serait une voie qui m’offrirait des débouchés. Au début du cursus, il y avait pas mal de probabilités et statistiques… J’ai détesté ça. Je ne comprenais rien et me demandais ce que je faisais là. Mais comme je ne lâche jamais, j’ai tenu à tout comprendre… Et à force de bosser, j’ai obtenu mon BTS.
Combien de saisons restez-vous au Maroc ?
Quatre. La première année, on finit vice-champion et on gagne la Coupe du Roi, alors que l’équipe venait tout juste de monter en première division. C’était fou. On avait des cars de supporters qui sont venus nous voir jouer la finale. Comme on l’a gagnée, c’était de la folie : on a fêté la victoire en faisant le tour de la ville en car. L’année suivante, on a gagné le titre. Après deux saisons, mon contrat arrivait à son terme. Je l’ai renégocié pour deux ans et j’ai été augmenté. Au total, en quatre ans au Maroc, j’ai gagné deux championnats et deux coupes du Roi.
Comment arrivez-vous à l’ASB Rezé Volley-Ball devenu NRMV en 2003 ?
Avant les années 2000, je venais régulièrement en stage de préparation en France avec l’équipe nationale du Cameroun. C’est comme ça que j’ai été repéré par des clubs français, dont certains m’ont fait des propositions. Parmi eux, il y avait l’ASB Rezé. Comme j’ai eu un bon feeling avec les dirigeants et que je connaissais un joueur qui m’en avait dit du bien, j’ai signé… Mais une fois sur place, le niveau ne me convenait pas. Je suis donc parti en Alsace au bout de deux saisons et j’ai joué une dizaine d’années comme pro en France.
À quel moment avez-vous songé à votre reconversion ?
Très tôt. En tant qu’international je faisais pas mal de compétitions et croisais souvent d’anciens internationaux camerounais. Je voyais comme ils avaient de la peine à gérer l’après-carrière – ils devenaient coach, directeur sportif ou agent de sécurité -, et ne voulais surtout pas reproduire ce schéma, car en essayant d’entraîner les jeunes, il m’était difficile de garder la patience nécessaire. C’est là que j’ai compris qu’il fallait que je me donne du mal !
C’est pour ça que vous avez très tôt souhaité passer votre BTS ?
Oui. Le point positif avec la formation d’expert-comptable c’est que j’ai pu choisir mes unités en fonction de mon emploi du temps. J’en suivais deux par an. C’est comme ça, tout au long des quinze ans où j’ai été sportif professionnel, que j’ai réussi à me former au métier d’expert-comptable.
Néanmoins, ça n’a pas été simple d’allier études et sport de haut niveau. J’ai suivi des cours par correspondance. Lorsque je n’étais pas à l’entraînement, je prenais mes heures de pause pour étudier. Et quand la saison se terminait, j’en profitais pour effectuer des stages… En fin de carrière, j’ai réussi à négocier avec mon club de travailler à mi-temps en plus du volley à haut niveau.
Avec un passé sportif comme le vôtre, ça n’a pas été trop compliqué de vous retrouver une journée entière sur une chaise ?
J’ai arrêté totalement en 2014, juste après les championnats du monde en Pologne, et ça a effectivement été horrible de tenir huit heures d’affilée sur une chaise. Une semaine plus tôt, je jouais devant 15 000 personnes. La semaine suivante, je me suis retrouvé à l’école, alors que je venais de passer trois mois à l’étranger pour préparer le championnat du monde.
J’étais perdu et je me demandais ce que je faisais là. En plus, je n’étais pas blessé. J’avais trente six ans et j’avais encore des propositions de contrat… Mais plutôt que de continuer à être payé par mon club, j’ai fait le pari osé de reprendre mes études et de les financer moi-même.
Beaucoup de compétences sportives sont transférables dans l’entreprise
En quoi vos qualités de sportif de haut niveau vous servent-elles aujourd’hui dans votre quotidien d’expert-comptable ?
Il y a beaucoup de compétences sportives qui sont transférables dans le monde de l’entreprise et l’expertise comptable : les challenges, l’esprit d’équipe, la résilience, le goût de l’effort, le fait d’avoir des deadlines à respecter… Aujourd’hui, je suis pleinement satisfait de ma reconversion, car la vie en cabinet est également très sportive. Je n’ai pas de journée type, j’ai une “to-do list” que je ne respecte jamais totalement, car je suis en permanence sollicité à gauche et à droite… De plus, mes missions sont très variées en fonction des dossiers que je traite.
Quand vous êtes-vous installé à Ancenis et pourquoi avoir choisi cette spécialité ?
Il y a trois ans et j’ai choisi de me spécialiser dans la RSE et le développement durable. Concrètement, j’accompagne des entreprises vers la transition écologique, le bilan carbone… Cette spécialisation découle du fait que j’ai créé Espoir Afrique en 2010. Cette association a pour vocation à aider les enfants à accéder à l’éducation en utilisant le sport comme levier. Elle finance notamment la scolarité d’une vingtaine d’enfants boursiers depuis cinq ans au Cameroun. Et organise sur place plusieurs tournois de volley qui réunissent à chaque fois trois cents enfants de dix à seize ans sur un week-end. L’association dispose également d’un centre dans le nord du Cameroun, où la mairie nous a mis à disposition un local. Des enseignants bénévoles y donnent des cours de soutien scolaire à près de deux cent cinquante enfants. Les résultats sont au rendez-vous puisque 90 % de ces jeunes décrochent leur bac.
Quatorze ans après la création d’Espoir Afrique, où en est l’association ?
Elle réunit aujourd’hui plus de cent membres et a permis d’aider des milliers d’enfants en leur fournissant de l’accompagnement scolaire et des fournitures… En plus des festivals de volley que l’association organise régulièrement, nous avons également fait construire deux forages d’eau, un à pompe manuelle et un solaire, en deux ans dans des villages sans accès à l’eau potable. Les habitants devaient marcher jusqu’à 15 kilomètres pour aller la chercher. Bien souvent, ils faisaient ce trajet de nuit, ce qui est dangereux, car c’est le moment où chassent les animaux sauvages. Chacun de ces forages a coûté entre 10 et 15 000 euros.
Aujourd’hui, quels conseils donneriez-vous aux futurs sportifs de haut niveau pour préparer au mieux leur reconversion ?
De ne surtout pas attendre leur fin de carrière pour commencer à y penser. Plus tôt tu envisages la suite, plus facile elle sera. Aujourd’hui, il est beaucoup plus facile de se former à distance qu’à mon époque : il y a plein de structures d’accompagnement, de formations en ligne… Mon conseil, c’est de commencer par identifier ce qu’on veut faire et d’aller à son rythme pour se former. D’autant plus que ça ne limite en aucun cas la performance sportive !