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Immobilier neuf : l’inquiétude de tout un secteur

La baisse de plus de 50 % des ventes de logements neufs en Pays de la Loire met les promoteurs en situation difficile et risque d’avoir des conséquences sur toute la chaîne économique de l’immobilier, au-delà du secteur du bâtiment. La Fédération régionale des promoteurs immobiliers en appelle au dialogue entre l’ensemble des acteurs concernés.

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Les chiffres du premier trimestre 2023 sont impressionnants. Comparé au premier trimestre 2022, le marché régional enregistre une baisse de 54 % des ventes de logements neufs, de 68 % en Loire-Atlantique, 67 % pour Nantes Métropole et 63 % pour la Carene. « La Loire-Atlantique décroche plus vite que les autres départements de la région », constate Patrick Pailloux, délégué régional de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) Pays de la Loire.

Les investisseurs ne sont plus au rendez-vous : leurs achats sont en très forte baisse, (-61 % dans la région, -76 % dans le département, -71 % à Nantes Métropole, -78 % sur le territoire de la Carene), tandis que les propriétaires occupants sont de moins en moins nombreux.

« Les investisseurs représentaient plus de la moitié des ventes jusque-là », rappelle Patrick Pailloux. L’autre indicateur clé, celui des mises en vente, s’avère lui aussi en chute libre, avec une baisse de 46 % en Loire-Atlantique et de 61 % pour la métropole nantaise. Tandis que les prix moyens progressent, en lien avec l’inflation, des coûts de construction en hausse et la nécessité d’intégration des nouvelles normes environnementales : +3 % dans la région avec 4 695 € du m2, 4 912 € du m2 et +5 % pour Nantes Métropole et +7 % à Saint-Nazaire qui atteint la barre des 5 000 €.

Conséquence de tous ces éléments, les délais de commercialisation s’allongent, passant de 12 à 14 mois. « C’est très inquiétant, reprend Patrick Pailloux, à plusieurs titres. Une réunion de crise du BTP s’est tenue récemment à la préfecture. Le logement neuf tire une grosse partie de l’activité, toute la chaîne du logement va être impactée par ce ralentissement. La partie rénovation ne prendra pas le relais complètement. Les promoteurs sont les chefs d’orchestre de différentes professions et activités, métiers du bâtiment et architectes. »

Patrick Pailloux FPI

Patrick Pailloux. © FPI

« Au début d’un processus »

Alors que le besoin de logements n’a jamais été aussi fort, le paradoxe est de taille. Tous les marchés du logement sont impactés, social, locatif privé, accession, dans des territoires qui restent très attractifs comme la Loire-Atlantique et sa métropole.

« La difficulté va s’accentuer, on est encore au début du processus. Il y a encore des livraisons, c’est demain que les choses vont se précipiter. Cela va toucher tous les segments, prévient la FPI. En extrapolant, cela va toucher l’économie et les entreprises, qui ne trouveront plus de quoi loger leurs salariés. C’est un phénomène puissant qui arrive.

On est inquiets pour toute la chaîne de construction, mais aussi pour toute l’activité économique en général, avec tous ceux qui font vivre les immeubles, les syndics, les agences immobilières. Tout un pan de cette activité va être impacté. Si la machine s’arrête, il risque de se passer ce qui est arrivé dans la restauration pendant le Covid avec la disparition d’une main-d’œuvre qui n’est plus là quand l’activité repart. Il s’agit donc de maintenir la main-d’œuvre en activité », estime Patrick Pailloux.

La FPI et les différents acteurs du secteur tirent pourtant le signal d’alarme depuis 2019 quand des collectivités et des maires avaient mis un coup de frein à la construction. Avec, à la clé, un premier effet de ralentissement, suivi de la crise Covid, puis de celle des matériaux et de l’énergie et enfin, depuis quelques mois, de celle de la baisse de la demande entraînée par la hausse des taux d’intérêts pour les ménages. « On estime qu’ils ont perdu 20 % de leurs capacités d’emprunt. De nombreuses opérations sont en suspens faute d’avoir un taux de pré-commercialisation suffisant », indique Patrick Pailloux.

Et ce ne sont pas les récentes mesures gouvernementales qui ont redonné du baume au cœur des professionnels. « Le resserrement du prêt à taux zéro sur les zones tendues va pénaliser les constructeurs de maisons et des petits collectifs dans les centres-bourgs et villes moyennes. Il y a aussi la fin annoncée du Pinel… C’est la fin d’un système », prédit un promoteur régional.

Pour beaucoup la solution passe par le retour des investisseurs. « Il faut ouvrir la possibilité de revoir les zonages, pour faire en sorte que certaines communes basculent dans un système de défiscalisation, en permettant à des communes de passer en zone dite B1 ou même en A [1] pour Nantes et quelques communes autour, afin d’attirer des investisseurs et débloquer des opérations. Mais ce sont des arbitrages au niveau national », admet Patrick Pailloux. Certains préconisent d’assouplir l’octroi de prêts aux ménages qui achètent du neuf, moins énergivore et donc plus économique à l’usage.

« Se réinventer et dialoguer »

« Il y a aussi tout ce qui tourne autour de la vente des différentes catégories de logements, sociaux, abordables, libres… pour que l’ensemble des prix colle à la réalité des marchés. C’est central », souligne Patrick Pailloux, qui estime nécessaire de continuer à chercher des marges de manœuvre en libérant du foncier pour détendre les prix.

Le plan de relance annoncé par la présidente de Nantes Métropole (lire l’encadré) est considéré par les professionnels comme une brique qui contribue à la relance de la construction, mais surtout en direction des bailleurs sociaux : 10 M€ pour Nantes Métropole Habitat et 10 M€ pour l’ensemble des bailleurs. On est toujours loin de l’objectif des 6 000 logements neufs par an dans la métropole (4 700 logements neufs autorisés en moyenne depuis 2019) avec une population de plus en plus interrogative quant à la densification.

« On est dans un moment où il faut se réinventer, garder le dialogue avec l’ensemble des acteurs de la chaîne. La pire chose serait de se monter les uns contre les autres. On doit être ouverts. Le repli n’est pas la solution », ont conclu les promoteurs régionaux lors de leur assemblée générale le 22 juin dernier.

[1] Le zonage ABC a été défini par le code de la construction pour classer les communes en fonction du déséquilibre entre offre et demande de logements. Par ordre décroissant de tension, les zones géographiques sont : Abis, A, B1, B2 et C.

Le plan de relance de Nantes Métropole

Un soutien particulier pour le logement social et abordable vient d’être voté par la métropole nantaise. « Avec ce plan de relance, le premier objectif est de débloquer les projets de logement prévus au Programme local de l’habitat (PLH) et qui ont aujourd’hui du mal à voir le jour. L’idée est de fluidifier les sorties d’opérations, renforcer le partenariat, soutenir tout le secteur du logement, toujours avec l’ambition de garder le cap de nos objectifs du PLH d’ici 2025 », explique Pascal Pras, vice-président en charge de l’urbanisme durable, de l’habitat et des projets urbains. 10 M€ sont votés pour Nantes Métropole Habitat et autant en aides à la pierre pour les autres bailleurs sociaux. « Certains logements, pourtant autorisés ou financés, n’ont pas encore pu sortir de terre en raison des difficultés de bouclage des plans de financement de la part des bailleurs sociaux ou encore des difficultés de commercialisation rencontrées par les promoteurs. Une attention sera aussi portée au parc privé existant pour veiller à une meilleure utilisation du foncier et à favoriser la rénovation énergétique des bâtiments anciens. À terme, par des solutions et leviers locaux, mobilisables à court et moyen termes, le but est de faire en sorte que les opérations programmées puissent sortir de terre et de continuer à lever au cas par cas, avec les acteurs du logement, les éventuels points de blocage », assure-t-on au sein de Nantes Métropole, qui entend répondre à la demande des acteurs du logement de leur apporter plus de flexibilité et de simplification. Pour permettre de lancer des opérations nouvelles « à forte ambition sociale » (jusqu’à 100 % de logements sociaux y compris dans le centre historique de Nantes), la collectivité vise la mise à disposition de fonciers communaux et métropolitains, la vente à des bailleurs d’un foncier à prix minoré ou la mise en place de baux constitutifs de droits réels (le vendeur reste propriétaire des murs et l’acheteur locataire pendant la durée du bail). Ainsi, l’ancien Crédit Municipal de Nantes, qui devait initialement être transformé en bureaux, permettra la création d’environ 25 logements sociaux ou abordables. L’îlot de la rue Saint-Vincent, aux abords de la mairie, est quant à lui en cours d’étude, pour un potentiel de 20 à 30 logements. Le site de l’actuel CCAS pourrait aussi muter pour y faire du logement social, tandis que les Ateliers Normand, quai de Versailles à Nantes, comprendront également des logements sociaux et abordables.