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Bail professionnel ou commercial : décryptage des mécanismes d’évolution du loyer

La question de l’évolution du loyer pour les locaux professionnels et commerciaux revêt une importance capitale, aussi bien pour les bailleurs cherchant à valoriser leur investissement, que pour les locataires soucieux de maîtriser les coûts dans un contexte inflationniste. Mais, quels sont les mécanismes d’évolution du loyer ? Et comment fonctionnent-ils ?

Cabinet Racine

Audrey Thomazeau, avocate conseil, Ève Nicolas, avocate associée, cabinet Racine. Photo Cabinet Racine

Si le montant du loyer initial fait l’objet de toutes les attentions à la signature du bail, c’est moins systématique pour son évolution qui peut pourtant avoir un impact substantiel. ​​​​​Le Code civil n’étant d’aucune aide sur son évolution, le principe de la liberté contractuelle s’applique lorsque le bail est régi par le droit commun. Toutefois, la plupart des baux sont soumis à des régimes particuliers, dont le bail commercial et le bail professionnel.

Les mécanismes conventionnels d’évolution du loyer

Les parties peuvent convenir de l’évolution du loyer au cours du bail selon une périodicité librement établie en prévoyant :

  • Une clause de variation du loyer selon un taux fixe, librement arrêté entre les parties, et apprécié pour sa prévisibilité, contrairement à l’évolution d’un indice ;
  • Un bail à paliers avec une augmentation forfaitaire annuelle du loyer, l’évolution du loyer étant définie à l’avance ;
  • Un bail à loyer variable avec une clause-recettes prévoyant un loyer minimum garanti accompagné d’un variable, calculé en fonction du chiffre d’affaires réalisé par le locataire ;
  • Un avenant, au cours du bail, à condition que les parties s’entendent.

Mais, le moyen conventionnel le plus courant est la clause d’indexation, dite aussi “clause d’échelle mobile” en matière de bail commercial. Elle se caractérise par son automaticité, l’absence de formalisme, une périodicité et un indice.
Quel indice choisir ? Toute clause d’indexation est encadrée par les dispositions d’ordre public du Code monétaire et financier, qui imposent que l’indice soit « en relation directe avec l’objet du statut ou de la convention ou avec l’activité de l’une des parties ». Une présomption existe entre :

  • L’ICC (Indice du coût de la construction) et tout “contrat portant sur un immeuble bâti” ;
  • L’ILC (Indice des loyers commerciaux) et les activités commerciales, artisanales et industrielles ;
  • L’ILAT (Indice des activités tertiaires) et les autres activités, dont les professions libérales.

En pratique, l’ILC ou l’ILAT sont privilégiés dans le bail commercial pour que le loyer indexé concorde avec celui révisé ou renouvelé, puisque seuls ces deux indices s’appliquent lors de la révision triennale ou lors du renouvellement du bail. Le recours à l’ICC reste néanmoins possible dans une clause d’indexation.

Au 3e trimestre 2023, l’augmentation sur un an est de

  • 5,22% pour l’ILC ;
  • 5,36 % pour l’ICC ;
  • 5,55% pour l’ILAT.

Conseil : Rechercher si l’indice rattaché à son code APE est moins inflationniste puisqu’il existe un très grand nombre publié par l’INSEE pour chaque type d’activité.

Une vigilance sera portée à la rédaction de la clause, pour qu’elle joue autant à la baisse qu’à la hausse, et que la période de variation de l’indice concorde avec celle de la durée s’écoulant entre chaque révision du loyer. S’il existe une “distorsion” entre les deux, une partie de la clause risque d’être réputée non-écrite.

Mécanismes légaux d’évolution du loyer

L’article 1195 du Code civil prévoit la possibilité d’une révision judiciaire d’un contrat lorsque son exécution devient « excessivement onéreuse » à la suite d’un « changement de circonstances imprévisibles ». Au-delà de ce dispositif, exceptionnel par nature, ni le droit commun du louage, ni le “mini-statut” du bail professionnel, ne prévoit de mécanisme légal d’évolution du loyer au cours du bail.

Seul le statut des baux commerciaux comporte deux mécanismes légaux encadrant la révision du loyer au cours du bail : la révision triennale et la révision du loyer indexé.

1. La révision triennale, régie par les articles L. 145-37 et L.145-38 du Code de commerce, est d’ordre public. Elle permet à chacune des parties de demander la révision dès lors que le loyer est applicable depuis trois ans au moins. Le montant du loyer est alors révisé en fonction de la variation de l’indice légal, l’ILC ou l’ILAT (on parle de “plafonnement”), ou dans certains cas, en fonction de la valeur locative du local.

Conseil : Connaître au préalable la valeur locative du local, au besoin à dire d’un expert immobilier, est indispensable pour voir s’il est judicieux de demander la révision légale.

L’augmentation du loyer peut être “déplafonnée”, notamment en cas de modification matérielle des “facteurs locaux de commercialité”, qui favorisent le développement de l’activité commerciale, si cette modification (par exemple la création de nouveaux moyens de transport ou d’habitations à proximité) a entraîné une hausse ou une baisse de plus de 10 % de la valeur locative. Dans ce cas, le loyer révisé sera fixé à la valeur locative, mais avec un lissage qui s’impose au bailleur : le loyer ne peut augmenter d’une année à l’autre de plus de 10 % jusqu’à atteindre la valeur locative.

Soumise à un formalisme particulier, la révision triennale suppose l’accord entre les parties. À défaut, le montant du loyer révisé est fixé judiciairement.

2. La révision du loyer indexé. La clause d’indexation peut aboutir à de fortes augmentations. Pour en atténuer les effets, l’article L.145-39 du Code de commerce prévoit que la révision peut être demandée, à tout moment, « chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué » de plus de 25 % par rapport au prix précédemment fixé par contrat ou par décision judiciaire.

Longtemps délaissé, ce dispositif connaît un regain d’intérêt avec la forte hausse des taux (entre le 3e trimestre 2017 et le 3e trimestre 2023, l’ICC a augmenté de plus de 29 %).

Le “Bouclier-loyer” temporaire, ou plafonnement à 3,5 % de la variation annuelle de certains indices locatifs, dont celui de l’ILC au bénéfice des PME, instauré en 2022 et prolongé en 2023, a pris fin le 31 mars 2024. En l’absence de nouvelle disposition législative, les clauses d’indexation rejouent leur plein effet depuis le 1er avril 2024.

En conclusion, l’évolution du loyer s’anticipe quel que soit le bail, dès sa signature et en cours d’exécution. L’assistance d’un expert en droit immobilier peut minimiser les risques de litiges et garantir une gestion optimale de vos contrats de location.