« Le meilleur endroit pour cacher un corps, c’est la deuxième page de Google. Imagine que la première page de Google c’est Saint-Jean-de-Monts en plein été : 95 % des gens s’y arrêtent. Alors que la 2e page, c’est le désert du Sahara, 5 % des gens y disparaissent… La page 2 est l’endroit parfait pour y cacher une salariée, après une demande de congés par exemple. »
Ce post sur LinkedIn de Dimitri Ageon, fondateur de l’agence web Info Conception (Les Essarts), accompagné d’une photo où il traîne le corps de son alternante au sol, a généré 300 000 vues, 1 230 « j’aime » et 143 commentaires. « 80 % du temps, mes contenus sont orientés « référencement », précise le dirigeant, mais je ne me donne pas de limite dans le format. Je peux très bien me grimer en superhéros grâce à l’IA, manier l’humour ou parler de ma fille, du moment que l’histoire est belle et qu’on peut en tirer une leçon. Ce genre de post ne me fera pas gagner de prospects directement mais participe à entretenir mon image. À partir du moment où les gens associent ma tête à ce que je fais, c’est gagné ! »
Jusqu’à dix heures par semaine à produire du contenu
Dimitri Ageon, le dirigeant de l’agence web Info Conception © Info Conception
Celui qui cumule plus de 17 000 abonnés sur les réseaux n’hésite pas à consacrer jusqu’à dix heures par semaine à la production de contenu, que ce soit sur LinkedIn, son podcast, sa newsletter ou des vidéos… « J’aime bien comparer le temps passé sur LinkedIn à celui qu’on peut passer en réseau pro physique, poursuit-il. Une soirée dure environ quatre heures et demie, d’un point de vue social, c’est très sympa… Mais je sais qu’au final, je vais y gagner moins de prospects qu’en une semaine à publier sur LinkedIn. »
En effet, depuis le mois de janvier, l’entrepreneur revendique 20 demandes entrantes de nouveaux clients via le réseau, soit l’équivalent d’une à deux par semaine. Des gens qu’il ne connaît pas et qui viennent à lui sur la base de sa réputation acquise en ligne. « Je suis présent à tous les premiers rendez-vous clients, j’apporte du conseil, mais c’est mon équipe qui s’assure de la bonne exécution du plan d’actions, explique-t-il. Le reste du temps, je le consacre à la production de contenu dans le but d’apporter des prospects. »
Une stratégie gagnante
Marine Bony, dirigeante de Kanmême © Atelier Kuryo
Une mécanique également intégrée par Marine Bony, qui accompagne depuis deux ans les TPE/PME vendéennes et choletaises dans la structuration de leur stratégie marketing. « J’ai lancé Kanmême avec 476 abonnés sur mon profil LinkedIn, l’équivalent d’un réseau professionnel moyen après 10 ans d’expérience dans mon domaine d’activité, explique-t-elle. J’y accueillais les gens que je connaissais vraiment sans y mettre d’intention particulière. Quand j’ai décidé d’entreprendre, j’ai compris que plus le nombre d’abonnés sur le réseau était important, plus la visibilité augmentait, tout comme la probabilité d’être vue par quelqu’un qui pourrait avoir besoin de mes services. »
Elle décide alors de commencer en relevant des challenges en ligne pour booster sa visibilité : « Pendant un an, j’ai posté 7j/7. Deux ans plus tard, j’affiche 4 131 abonnés au compteur ! En 2023, j’ai passé 104 heures à produire du contenu, soit une heure et demie en moyenne par semaine. Cela peut sembler beaucoup mais quand on sait que LinkedIn m’a apporté 60 leads entrants cette année, dont la moitié convertie en client, c’est une stratégie plutôt gagnante ! »
« On n’a plus besoin de convaincre de sa valeur car tout le travail est déjà fait », Marie Bony, fondatrice de Kanmême.
Faire figure d’autorité
Le réseau social a un autre avantage selon Marine Bony : il permet d’affirmer son autorité dans son domaine d’expertise. « Quand un prospect rencontré sur le terrain tape mon nom dans LinkedIn, il voit plus de 4 000 personnes qui regardent, écoutent et interagissent au quotidien avec mon contenu. C’est rassurant pour tous ceux qui s’intéressent à ma marque personnelle et à mon entreprise », confirme-t-elle.
Par ailleurs, LinkedIn lui a également permis de rencontrer des pairs et des prestataires partout en France auxquels elle n’aurait jamais eu accès autrement. « C’est le cas de mon conseil financier basé à Bourg-en-Bresse ! On ne se connaissait pas, mais dès la première rencontre, on savait tout l’une de l’autre. C’est ça, la magie de LinkedIn, s’enthousiasme la dirigeante. On n’a plus besoin de convaincre de sa valeur car tout le travail est déjà fait ! Créer du contenu pour attirer les gens mettra peut-être plus de temps en termes de conversion qu’une stratégie traditionnelle de prospection, mais cela permet de transformer son audience en ambassadeur convaincu que l’on est la bonne personne pour répondre à ses besoins ! Pour créer la confiance, les gens doivent avant tout comprendre qui l’on est et le sens de ce que l’on fait. Parler de ses offres produits ou services ne suffit plus ! »
Pour autant, l’entrepreneure conseille de ne pas confondre authenticité et stratégie. Et c’est à chacun de poser les limites dans ce qu’il est prêt à partager. « Pour ma part, je suis à la recherche du juste équilibre entre « tranches de vie inspirantes » et le fait de se dire qu’on est présent sur un réseau social avant tout pour servir une stratégie commerciale. L’idée n’est pas de se rendre ridicule au regard de ses pairs et de son réseau mais bien d’être à l’aise avec ce que l’on partage. »
Un constat partagé par Aurélie Ripoche, fondatrice de l’espace de coworking la Fabrik 3.0 aux Essarts et formatrice LinkedIn depuis bientôt cinq ans : « On peut évidemment faire passer un message par du storytelling, sans mettre toutefois de dimension personnelle, au risque d’être mal perçu. Le réseau reste à la base un outil professionnel. »
Trouver ses champions
Aurélie Ripoche, fondatrice de la Fabrik 3.0 ©La Fabrik 3.0
La fondatrice de la Fabrik 3.0 voit un dernier intérêt à LinkedIn : « En formation, j’utilise souvent l’image de la BD Où est Charlie ?. J’explique que sur Facebook ou Instagram, on est tous un peu noyés dans l’image et trouver son Charlie n’est pas chose aisée. À l’inverse, LinkedIn fonctionne comme les pages jaunes. On y cherche une activité précise pour se concentrer sur des personnes correspondant exactement à notre demande. Une « petite » entreprise peut donc tout à fait y avoir sa place dès lors qu’elle sait mettre suffisamment son expertise en valeur. »
« Planter la graine, non pas pour se vendre, mais pour se faire acheter ! », Aurélie Ripoche, la fondatrice de la Fabrik 3.0
Aurélie Ripoche cite l’exemple d’un entrepreneur qui cherchait à entrer en contact avec Fleury Michon pour vendre ses produits. « Cela faisait trois ans qu’il essuyait les barrages du secrétariat. Je lui ai simplement appris à adresser la bonne personne, en l’occurrence le responsable des emballages et à planter la graine, non pas pour se vendre, mais pour se faire acheter ! À force d’aimer et de commenter pertinemment ses posts, de produire du contenu expert sur son profil, le responsable en question s’est intéressé à lui et ce professionnel a pu décrocher un rendez-vous dans le mois qui a suivi. »
« Il arrive que des marques me proposent des collaborations d’influence, complète Dimitri Ageon. Par exemple, il existe un outil très populaire en référencement : Semrush. La responsable marketing Europe m’a proposé de créer du contenu pour la marque en échange d’avantage financier et d’une visibilité sur leurs propres réseaux. C’est un gage de crédibilité énorme pour l’agence. Le fait d’être recommandé par l’outil star de ma profession nous a ouvert la porte des grands groupes qui veulent maintenant bosser avec nous ! »