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Financement : 20 M€ investis pour Abab

20 M€ investis dans 85 start-up de la région depuis sa création il y a plus de 15 ans : c’est le cap qu’a franchi le réseau ligérien de business angels Abab. Pour l’occasion, il organisait le 13 novembre dernier une soirée bilan au Musée d’Arts de Nantes.

Abab

Membres d’Abab, instructeurs et entrepreneurs sont revenus sur l’accompagnement et le financement des projets. De g. à d. : Philippe Audureau, Alexandre Gadessaud, Luc Dupas, Jean-Baptiste Julio et Patrick Richard. © IJ

« On ne pensait pas atteindre 20 M€, rembobine Vincent Guillois, l’un des membres à l’origine d’Abab, également fondateur de l’agence de publicité et marketing nantaise The Links. C’était plutôt le nombre de start-up qui nous intéressait à l’époque. Et les dossiers sont là : on voit une centaine de projets par an, on en étudie une quarantaine et on en finance véritablement en premier tour six ou sept. » Créée en 2007 et couvrant les Pays de la Loire, l’association apporte aux créateurs ou repreneurs le temps, les capitaux et l’expérience de ses membres. Ayant pris la présidence d’Abab en juin à la suite d’Arnaud Jehenne, François Macé explique : « Plus que les chiffres, ces 85 entreprises que nous avons accompagnées, ce sont 85 aventures entrepreneuriales et humaines qui ont permis de développer l’emploi dans notre région. » Il poursuit : « Chez nous, l’investissement est long. En moyenne, les start-up restent avec nous sept ans. Et nous sommes prêts, à chaque fois qu’il le faut, à faire une nouvelle levée. »

Faire passer une marche à son entreprise

Parmi les porteurs de projets accompagnés, Alexandre Gadessaud, fondateur d’Ardamez, entreprise de Nort-sur-Erdre spécialisée dans la fabrication de tables de bistrot dans l’esprit “Art déco-Belle époque“, a fait part des raisons pour lesquelles il a décidé de frapper à la porte d’Abab : « Nous avions des conditions de travail et des machines qui n’étaient pas les bonnes. Nous nous sommes rendu compte que, pour lancer un projet immobilier cohérent et faire croître l’entreprise, il y avait une marche. C’est pour cela que nous avons décidé de faire une levée de fonds qui nous a fait gagner dix ans. Nous nous sommes tournés vers Abab car nous étions sur un projet régional et cherchions un accompagnement en plus du financement. »

Autre dirigeant présent, Jean-Baptiste Julio, représentant la troisième génération à la barre de la Brosserie Julio (Treillières), a aussi pu bénéficier d’un financement qui a permis à l’entreprise de développer sa marque grand public Andrée Jardin, destinée au marché français et international. « Cette notion d’investir de manière privée dans une entreprise, surtout dans une entreprise familiale, est assez peu démocratisée, c’est quelque chose que nous n’imaginions pas. Nous avons donc été très agréablement surpris d’être écoutés et que des gens d’expérience aient cru dans notre entreprise, qui aujourd’hui a fait fois cinq en chiffre d’affaires. »

Challenger les porteurs de projet

Luc Dupas, directeur associé chez KPMG France à Nantes, a accompagné Jean-Baptiste Julio en tant qu’instructeur Abab. Il souligne : « Souvent, on imagine qu’Abab se consacre uniquement à des financements de start-up liées aux nouvelles technologies. En réalité, nous avons vocation à financer le tissu économique régional, y compris les entreprises ancrées depuis longtemps dans la région. Nous avons été séduits par l’entreprise Julio du fait de son ancienneté et parce qu’elle a su créer un relais de croissance en utilisant sa vocation initiale, fabriquer des brosses, pour inventer un nouveau produit. » Il souligne aussi l’importance de l’instruction : « Avec bienveillance mais fermeté, les instructeurs sont là pour challenger les porteurs de projet sur le modèle qu’ils proposent. Je me souviens lorsque François-Marie et Jean-Baptiste Julio sont venus à la première instruction, ils nous demandaient une somme qui finalement, au moment de la levée de fonds, a été multipliée par trois. Au regard du projet et notamment du développement à l’international, la somme demandée au départ était largement insuffisante. Cette multiplication par trois s’est faite naturellement, au fil des réunions avec les instructeurs. » Et si c’était à refaire ? « Nous recommencerions, c’est sûr ! », conclut Jean-Baptiste Julio.

 

3 questions à… François Macé

François Macé

François Macé © IJ

Quels sont vos critères de sélection d’un projet ?

Il faut d’abord que ce soit un projet régional. Puis, comme nous faisons de l’amorçage, que ce soit un montant compatible avec ce que nous proposons. Nous pouvons mettre 200, 300 k€, et après nous pouvons abonder avec les fonds Bamboo, Pays de la Loire Développement ou Pays de la Loire Participations, pour doubler la mise. Donc c’est une taille de projet de démarrage. En général, ce ne sont jamais de grosses sommes, mais cela permet à l’entrepreneur de se lancer. Nous sommes aussi vigilants sur deux choses : l’innovation et la qualité du porteur, son parcours, ce qu’il veut faire…

Comment se porte le marché du financement ?

Nous avons eu une année 2023 difficile en raison de la hausse des taux. Dans un projet, il y a des capitaux propres et des emprunts, et les emprunts pèsent beaucoup plus lourd qu’avant. À une époque, l’emprunt était si bas en taux qu’on pouvait se dire qu’on n’avait pas besoin de fonds propres. Aujourd’hui, après la baisse du début d’année, les porteurs sont toujours là et nous leur montrons que finalement, on peut, avec des capitaux propres, lever aussi de la dette, mais moins, donc avec moins de coûts. Et puis Bpifrance fait beaucoup pour l’innovation. Je pense également que l’incitation fiscale[1] qui va arriver avec la loi de finances va aider à faire revenir le dynamisme.

Quels sont vos enjeux ?

Nous allons doubler nos effectifs et nous avons de nouveaux membres plus proches du terrain. Nous avons tous les atouts aujourd’hui pour accompagner mieux et plus. Nous étions sur un rythme d’investissement d’1,6 M€ en 2022, cette année nous serons un peu en dessous 1,3 M€, mais je pense que nous pouvons atteindre 2 M€ par an, 10 M€ en cinq ans. Rendez-vous dans cinq ans !

 

[1] À l’image notamment du dispositif Jeunes entreprises innovantes (JEI).

 

Abab en chiffres

  • Depuis 2008, 20 M€ investis, 85 entreprises accompagnées, près de 1 000 emplois
  • 173 membres dont 103 en Loire-Atlantique
  • 85 sociétés accompagnées, 33 refinancées, 47 en portefeuille actuellement représentant 500 emplois, 20 sociétés cédées
  • 40 à 650 k€ par tour de table, 12 business angels et 135 k€ par opération en moyenne