Venus chercher de la clarté dans un contexte économique de profonde mutation, cent quatre-vingts participants, en grande majorité dirigeantes de petites et moyennes entreprises, étaient présents à la 5e édition du salon Cheffe d’entreprise. Au programme : speed-meeting, ateliers variés (parler banquier couramment, pitcher avec efficacité, bien protéger son idée…) mais également une plénière animée par Clémence Leveau, conceptrice d’événements et podcasts féministes. « En 2024 en France, 40 % des entrepreneurs sont des entrepreneuses », a attaqué l’animatrice. « Une femme sur deux déclare même avoir envie de créer son business selon une étude OpinionWay de France Active. C’est huit points de plus que les hommes. »
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L’ancienne journaliste du magazine Elle a ensuite listé les principaux freins à l’entrepreneuriat féminin : « D’abord l’incompatibilité avec la vie familiale, liée au fait qu’en 2024, deux tiers des tâches domestiques et des soins aux enfants restent assurés par les femmes. Un chiffre qui ne bouge pas, ou très peu… Seulement grâce aux surgelés et à la livraison de plats à domicile. »
Ce motif arrive à égalité avec la difficulté à trouver des fonds. « Seulement 2 % des levées de fonds au niveau européen ont été reçues par des start-up créées par des femmes en 2023 », a déploré l’animatrice, avant d’évoquer « la peur d’échouer » comme troisième frein.
« Intégrer d’autres indicateurs comme le bien-être »
Françoise Baron, membre de la commission cheffe d’entreprise à la CPME et cofondatrice de Digital’Ease & Vous, a embrayé sur le thème de cette cinquième édition, « Osons la différence » : « L’entrepreneuriat au féminin est une force en constante évolution, une source d’inspiration et un moteur de changement pour une société plus égalitaire. Dans un contexte où la quête de sens se dessine chez les femmes dans l’entrepreneuriat, il est essentiel de célébrer l’audace, la diversité, l’innovation, la créativité. Donc oser la différence, sortir des sentiers battus, innover, se réinventer… C’est aussi aller au-delà du chiffre d’affaires pour intégrer d’autres indicateurs comme notre bien-être et celui de la planète. »
Le président de la CPME 44 Christophe Durand a poursuivi en soulignant « qu’organiser un événement sur l’entrepreneuriat au féminin fait pleinement partie de l’ADN de la confédération », avant de laisser les deux invitées incarnant cet entrepreneuriat innovant au service du bien commun présenter leur activité. « Kignon est une entreprise à impact social et environnemental », a résumé Alix Guyot, cofondatrice d’Handi-Gaspi. « Nos biscuits sont fabriqués à partir du pain des boulangeries censé finir à la poubelle tous les soirs. Ce pain est récupéré, transformé en chapelure et il remplace une partie de la farine dans nos biscuits. Actuellement dans nos recettes, on a entre 25 et 30 % de pain. »
Kignon revendique également un impact social : « Nos biscuits sont fabriqués de A à Z par des personnes en situation de handicap employées par l’Esat de Savenay. On y a installé l’atelier de fabrication, car ils avaient déjà des locaux agroalimentaires et qu’ils étaient en sous-activité. »
« Dupliquer le modèle partout en France »
Après deux ans passés à Savenay, la biscuiterie s’apprête à faire des petits en déployant son concept dans l’Hexagone : « On a constaté que l’ensemble des Esat sont en sous-activité actuellement en France et qu’il y en a partout sur le territoire, tous comme des invendus alimentaires. Notre objectif est donc de dupliquer le modèle partout en France, en installant un deuxième atelier à Lille dès septembre prochain. Il verra le jour directement chez un industriel qui a des invendus de pain et de coques de macarons. Il a libéré de la place pour que des travailleurs handicapés s’installent chez lui pour fabriquer nos biscuits. »
Psychomotricienne et maman d’un enfant différent, Patricia Abellard a quant à elle ouvert une école, la Chrysalide, qui accueille depuis 2012 à Saint-Nazaire les élèves en situation de handicap (autisme, déficience intellectuelle…). Puis un hébergement inclusif en octobre 2022, l’Envolée, disposant d’un restaurant où travaille son fils, ainsi qu’une activité de traiteur. « Il s’agit d’un ancien hôtel de 1 600 m2 sur quatre étages où vivent huit personnes en situation de handicap, treize étudiants, quatre seniors et une famille ukrainienne », précise l’intéressée. « On y accueille également beaucoup de personnes en précarité. On essaye de travailler au maximum avec les acteurs locaux, en leur expliquant que venir à l’Envolée ou prendre une prestation de traiteur, c’est avant tout soutenir un projet inclusif ! »
« Avoir un business model qui tient la route »
Relancée par l’animatrice sur les enseignements tirés de son expérience, Alix Guyot s’est félicitée « d’apprendre plein de choses au quotidien. C’est ultra-enrichissant », avant de souligner « l’importance d’être bien entourée ». Un point partagé par Patricia Abellard, qui a par ailleurs insisté « sur le fait qu’il ne faut pas avoir peur de se lancer, à condition d’avoir un business model qui tient la route. À l’impossible, nul n’est tenu… Toute expérience n’est jamais un échec ».