C’est dans son garage que Thierry Ricci, un ancien cadre des télécoms souffrant d’allergies, a commencé à concevoir un purificateur d’air il y a une quinzaine d’années. « Le rôle d’un purificateur, c’est de dépolluer l’air et permettre de respirer un air sain. Mais avant de dépolluer, il fallait déjà commencer par limiter notre propre impact, rappelle le créateur de Natéosanté. L’un des déclencheurs pour m’engager dans l’écoconception a été un voyage en Chine. Ils utilisaient énormément de purificateurs car leur air était très pollué. Sachant que plus de 80 % de l’énergie est produite sur place par des centrales à charbon, je me suis retrouvé face à un non-sens. Les purificateurs consommaient de l’énergie produite à partir de charbon alors qu’ils étaient censés dépolluer… »
En 2014, quand Thierry Ricci décide de lancer la production de son propre modèle, il n’est donc pas question de faire comme tout le monde : « Je voulais créer le premier purificateur entièrement fabriqué en France qui, au-delà de dépolluer, se préoccupe de pas ou peu impacter notre environnement. Quand j’ai écrit le cahier des charges, j’ai donc choisi de prendre en compte toute la chaîne de valeur, c’est-à-dire le cycle de vie.» Pour cela, il fait appel à Evea Conseil, un cabinet nantais spécialisé dans l’écoconception, qui le forme : « On a travaillé sur la durée de vie en faisant fabriquer des produits en Chine. On a effectué un comparatif entre les produits chinois et les premiers prototypes français sur toute la mesure d’impact : énergie, vieillissement, durabilité, obsolescence, réparabilité, innocuité… On ne voulait surtout pas que nos purificateurs finissent à la benne au bout de deux ans. On a donc privilégié cette notion de durabilité, qui implique que l’objet soit aussi réparable.» Avec, forcément, un surcoût important à la clé : « Cet argent, on ne l’avait pas à l’époque et il a fallu aller le chercher. Mais on ne s’est pas arrêtés à cet aspect car c’était vraiment par conviction que l’on souhaitait créer le premier un purificateur éco-conçu. »
Ce travail méticuleux de développement a payé puisque de deux à trois ans pour les modèles chinois, Natéosanté a ainsi réussi à atteindre huit à dix ans de durée de vie pour ses purificateurs, tout en progressant aussi sur les niveaux d’efficacité dans le temps : « Un produit chinois à la fin de sa première année d’utilisation n’est pas aussi performant que le premier jour alors que le nôtre, à la fin de sa huitième année, l’est comme au premier jour. »
« ON M’A REGARDÉ BIZARREMENT AU DÉPART »
Sauf qu’à l’époque, en 2014, personne n’est informé des bénéfices de l’écoconception. « Le premier challenge a été de convaincre des industriels du territoire qui n’en avaient jamais entendu parler de me suivre. On m’a regardé bizarrement au départ. D’une part, car certains ne savaient pas à quoi le purificateur d’air servait. D’autre part, car les procédés de fabrication, les matières et la durabilité pour lesquels j’avais opté étaient des contraintes supplémentaires. Les industriels m’ont répondu que ça entraînerait un surcoût et prendrait plus de temps à développer et à produire… Bref, ça n’a pas été du gâteau car à l’époque, seuls les grands groupes commençaient à tester l’écoconception, mais plus pour communiquer qu’autre chose. Des petites entreprises comme la nôtre, avec une démarche authentique et profonde, il en existait peu… »
Grâce à une première subvention de l’Ademe, une volonté à toute épreuve, et au soutien d’Evea Conseil, Thierry Ricci a finalement réussi à développer sa gamme de purificateurs 100 % made in France : « Filtres, habillage, montage, emballages… même les soudures de nos cartes électroniques sont effectuées en France, se réjouit l’entrepreneur. Nous avons réussi à ne pas utiliser de colle ni de peinture, de manière à préserver l’innocuité du produit. »
Même si la qualité de l’air n’était pas forcément une priorité avant la crise sanitaire, la stratégie de Thierry Ricci s’est avérée rapidement payante : « On a eu dès le départ une croissance à deux chiffres alors que la qualité de l’air avant le Covid, on s’en moquait un peu. Notre purificateur a néanmoins trouvé sa clientèle, qui attend désormais de la performance sur la durée, avec un maximum de sécurité et un minimum d’impact. »
Cinq vagues plus tard, le Covid a clairement changé la donne et tout s’affole effectivement pour l’entreprise basée à Saint-Hilaire-de-Chaléons : elle a multiplié par cinq le nombre d’unités écoulées en un an, avec un record de près de 600 unités expédiées en décembre dernier. Elle exporte, via un réseau de distributeurs, dans une cinquantaine de pays : Hong-Kong, Australie, Nouvelle-Zélande, Brésil, Dubaï… Elle est passée de dix salariés début 2020 à 18 fin 2021, avec encore quatre postes à pourvoir. «La crise sanitaire a mis en lumière l’importance de la qualité de l’air au quotidien et le fait que nos produits soient éco-conçus fait aujourd’hui clairement la différence avec nos concurrents. Et à l’international, le made in France reste très prisé… »
« CE N’EST PAS UNE MODE, C’EST UN INVESTISSEMENT »
Pour aller plus loin en matière d’écoconception, l’entreprise s’est engagée en 2017 dans le programme ETV (Environnemental technologie verification) de la Commission européenne. Un programme de vérification des performances des écotechnologies innovantes. Cet investissement a également été payant pour Natéosanté, car elle commercialise aujourd’hui le seul purificateur d’air d’Europe à avoir la certification ETV.
L’entreprise est aujourd’hui référente auprès de l’Ademe pour promouvoir les bénéfices de l’écoconception. «Nous sommes actuellement en train d’effectuer un calcul chiffré sur ce que l’on a dépensé à l’époque en développement par rapport à ce qu’on a gagné grâce à la démarche. Nous n’avons pas terminé de faire les comptes, mais je sais d’ores et déjà que la balance penche largement du côté de l’écoconception. Ce n’est pas une mode, c’est un investissement. Un cercle vertueux où tout le monde y gagne. Aujourd’hui, celui qui ne prend pas en compte ces changements de fonds dans la conception de ses produits perdra petit à petit sa clientèle », conclut celui pour qui tout s’est accéléré depuis la crise sanitaire.