S’il est un secteur qui n’a pas été épargné par le Covid, c’est bien celui de l‘hôtellerie-restauration. Après une période de fort dynamisme entre 2014 et 2019 (+ 20 % d’emploi salarié), le secteur a en effet été heurté de plein fouet par la crise sanitaire. Près de 8 % des salariés l’ont ainsi quitté en 2020 (- 8,3 % en Loire-Atlantique et – 7 % en Vendée). Fin 2020, le secteur régional comptait ainsi près de 42 100 salariés pour 8700 établissements, soit 7,8 % de salariés en moins qu’en 2019. Le nombre d’embauches a lui aussi chuté (- 51,7 % par rapport à 2019), comme l’emploi intérimaire (- 81,2 % en un an). Dans le même temps, 20 160 demandeurs d’emploi se sont inscrits dans la région en 2020 sur un des métiers spécifiques au secteur, soit une hausse régionale de + 9,7 %, deux fois supérieure à la moyenne nationale.
Un an plus tard, cette tendance inquiétante s’est heureusement inversée, le secteur ayant quasiment retrouvé son niveau d’avant-crise depuis l’été 2021. Selon l’Insee, fin septembre 2021, le secteur comptait 47230 salariés dans les Pays de la Loire, soit – 0,8 % par rapport à septembre 2019, mais + 12 % par rapport à 2020. Si la Loire-Atlantique et la Vendée n’ont pas retrouvé leur niveau d’emploi salarié de 2019 (respectivement – 3,2 % et – 2,9 %), celui-ci enregistre néanmoins une hausse dans le Maine-et-Loire (+ 3,2 %), en Mayenne (+ 3,0 %) et dans la Sarthe (+ 3,8 %). Avec 3 350 créations d’emplois dans le secteur entre fin mars et fin septembre 2021, l’emploi salarié est reparti à la hausse (+ 7,6 %) dans les Pays de la Loire, mais de manière moins forte qu’au niveau national (+ 14,5 %). Cette reprise est consécutive à un premier trimestre 2021 très incertain : couvre-feu, confinement, jauges dans les restaurants, mise en place du passe sanitaire… Sans compter une météo mitigée et des touristes étrangers bloqués chez eux. Autant d’éléments qui expliquent la baisse de fréquentation des hôtels, campings et restaurants de la région en 2021.
LES HÔTELS ONT RETROUVÉ UNE FRÉQUENTATION SIMILAIRE À L’AVANT-CRISE À PARTIR DE JUILLET. L’EMBELLIE DE L’ÉTÉ N’A CEPENDANT PAS COMPENSÉ LE PREMIER SEMESTRE DIFFICILE
Avec 3,3 millions de nuitées entre mai et septembre 2021, les hôtels de la région ont pour leur part enregistré une baisse de fréquentation de 15 % par rapport à 2019 (- 31 % sur l’ensemble de la France). Si cette baisse a été particulièrement forte en début de saison, les hôtels ont retrouvé une fréquentation similaire à l’avant-crise à partir de juillet. L’embellie de l’été n’a cependant pas compensé le premier semestre difficile, ce qui s’est traduit par une baisse du chiffre d’affaires de 32 % des hôtels ligériens entre 2019 et 2021 (- 47 % en France). L’évolution est contrastée selon les départements. Par exemple, la baisse de fréquentation est moins élevée dans les hôtels vendéens (- 7 %) et leur fréquentation est supérieure à 2019 durant l’été ( + 8 % au troisième trimestre), portée par les résidents.
DES RESTRICTIONS SANITAIRES LOURDES DE CONSÉQUENCES EN 2021
Du côté des restaurants, les restrictions sanitaires ont également pesé lourd en 2021. Fermés jusqu’à la mi-mai, leur chiffre d’affaires des douze derniers mois accusait en septembre 2021 une baisse de 36 % par rapport à 2019 (- 31 % en France) et restait inférieur à celui de 2020 (- 19 %). Si l’activité a augmenté en juillet par rapport à 2019 (+ 7 %), elle a en revanche baissé en août (- 4 %) et en septembre (- 2 %), le secteur ayant à nouveau été affecté par le passe sanitaire.
Enfin, pour les campings, la saison 2021 a été marquée par une baisse de 6 % de fréquentation par rapport à 2019 (10,9 millions de nuitées) et des disparités de fréquentation selon les départements : – 7 % de nuitées par rapport à 2019 pour la Vendée mais + 3 % pour la Loire-Atlantique. Cette baisse de fréquentation des campings vendéens, qui représentent 70 % des nuitées des campings de la région, est particulièrement marquée dans les établissements haut de gamme, fortement pénalisés par l’absence des touristes étrangers (- 58 %). A contrario, la saison en Loire-Atlantique a été meilleure qu’en 2019, portée par les campings haut de gamme (+ 6 % pendant la saison) et la clientèle française (+ 10 %).
Heureusement, les aides mises en place par l’État ont permis de limiter la casse, comme le souligne Frédéric de Boulois, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) en Loire-Atlantique : « Nous avons la chance d’avoir un gouvernement qui a pris la mesure de la crise qui frappait notre secteur et qui avait comme ambition de protéger et sauver la vie économique de nos territoires. Le dispositif d’aide a certes été long et compliqué à mettre en place, mais une fois qu’il est arrivé en janvier 2021, il a été très efficace et a permis de sauver beaucoup d’entreprises.» Des propos nuancés par Catherine Quérard, à la tête du Groupement national des indépendants (GNI) de l’hôtellerie et la restauration du grand Ouest : « Malgré le chômage partiel et les compensations du fonds national de solidarité, la filière a été fragilisée car il y avait du reste à charge pour les entreprises, notamment sur toute la partie congés payés. Et il faut aussi avoir en tête que 75 % des entreprises du secteur qui ont contracté des PGE l’ont complètement consommé. Le fonds de solidarité a néanmoins évité des catastrophes quand les PGE ont permis de maintenir la trésorerie des entreprises pour éviter la perte de confiance bancaire. »
LES DERNIÈRES MESURES PASSENT MAL
Alors que l’horizon semblait présager des jours meilleurs pour le secteur, la cinquième vague de Covid est arrivée, synonyme de nouvelles mesures sanitaires prises dès le 10 décembre : fermeture des discothèques, mise en place de jauges et consommation interdite debout dans les bars. De quoi plonger à nouveau le secteur dans un brouillard épais, à commencer par les discothèques, qui ont finalement rouvert le 16 février. « Nos discothèques ont tout simplement été sacrifiées et leurs patrons ont l’impression légitime d’avoir été trahis, poursuit le président de l’Umih 44. Des équipes venaient d’être remontées après 16 mois de fermeture et sont à nouveau balayées. Psychologiquement, pour les patrons comme pour les salariés, c’est catastrophique. »
« Effectivement, la fermeture des boîtes de nuit est un leurre totalement inefficace dans la gestion de la crise Covid car les jeunes continuent de faire la fête, à l’image des rave partys qui se multiplient ces derniers temps, ajoute Catherine Quérard. D’autre part, cette cinquième vague a aussi eu l’effet d’un coup de massue pour les restaurants, bars, hôtels et traiteurs, car même s’ils ne sont pas fermés administrativement, l’interdiction de consommer debout, le retour des jauges et l’imposition du télétravail ont eu pour effet de vider ces établissements. »
Le 10 janvier dernier, les quatre organisations professionnelles du secteur (GNI, Umih, GNC, et SNRTC) ont donc tiré la sonnette d’alarme, dénonçant « une situation qui se dégrade à vitesse grand V » pour l’ensemble de la filière. Ils se sont appuyés sur les résultats de deux enquêtes réalisées en décembre 2021 et janvier 2022 pour pointer du doigt « une chute inquiétante de l’activité ». La première révèle que « les annonces du 10 décembre ont provoqué un véritable tsunami d’annulations des réservations : 79 % des restaurateurs disent perdre au moins 30 % de leur chiffre d’affaires la semaine qui suit les annonces. » Pour les traiteurs organisateurs de réceptions (TOR), l’impact est encore plus important : « 91 % des TOR ont perdu dans la semaine plus de 50 % de leurs réservations. Deux semaines plus tard, ces annulations grimpent à 100 % pour 56 % d’entre eux. » L’onde de choc est identique dans le secteur de l’hôtellerie, avec des réservations qui ont fondu comme neige au soleil : 40 % d’hôtels ont déclaré perdre au moins 50 % de leurs réservations. Plus inquiétant encore, l’étude montre que cette tendance aux annulations se poursuit début 2022 : « Au moins un hôtelier sur deux a perdu entre 80 % et 100 % de ses réservations de début d’année. Les conséquences sur le chiffre d’affaires sont également considérables puisqu’un hôtelier sur deux affirme perdre au moins 50 % de son chiffre d’affaires. »
La deuxième enquête, menée les 4 et 5 janvier, vient confirmer les tendances de la première : « 84 % des cafetiers subissent une baisse d’activité d’au moins 30 % par rapport à 2019 ; la perte de chiffre d’affaires des traiteurs se situe entre 80 % et 100 % pour 74 % d’entre eux; et 81 % des restaurateurs reconnaissent également une baisse d’au moins 30 % de leur chiffre d’affaires. Enfin, les hôteliers sont 78 % à connaître une baisse d’activité, la baisse se chiffrant à 30 % de perte de chiffre d’affaires pour 79 % d’entre eux.
Dans ce contexte défavorable, certains professionnels de l’hôtellerie-restauration ont néanmoins diversifié leurs activités et se sont réinventés afin de rester résilients. De nombreux restaurateurs ont par exemple minimisé les pertes en proposant leurs plats à emporter tandis que la livraison et le drive ont augmenté respectivement de 25 %. Cette nouvelle façon de consommer la restauration chez soi a aussi été extrêmement porteuse pour les cuisines fantômes. Il s’agit de restaurants qui ne disposent pas d’espace d’accueil en salle et qui proposent exclusivement de la vente à domicile. Ces structures, rendues possibles grâce aux entreprises de livraison, sont les grandes gagnantes de la crise sanitaire. À l’image de la dark kitchen Kollectif, ouverte à Nantes en mai 2021. Elle affiche depuis sa création dans la rue du Cheval Blanc une croissance de 25 % par mois et l’ouverture d’une deuxième cuisine est envisagée. Et plus surprenant encore, certains entrepreneurs n’ont pas hésité à ouvrir leur restaurant en pleine crise sanitaire, à l’image de Simon Panneau et Arthur Lecoq avec leur cantine festive ouverte dans le quartier de l’Éraudière fin 2020 à Nantes, ou à reprendre un étoilé, comme l’ont fait Benjamin Patissier et sa femme, en mars 2021, avec La Chabotterie à Saint-Sulpice-le-Verdon en Vendée.
« IL Y AURA UN AVANT ET UN APRÈS COVID »
« Toute situation de contrainte de l’environnement extérieur est génératrice d’opportunités, d’interrogations et d’adaptation à de nouvelles tendances. La crise a notamment été un moment extraordinaire pour la numérisation des entreprises de notre secteur (création et développement de site web, mise en place d’une solution de livraison ou de paiement numérique ou à distance…) poursuit le président de l’Umih 44. Un des autres points positifs, c’est la souplesse et l’agilité dont ont fait preuve nos professionnels.» Autant d’éléments qui font dire à Frédéric de Boulois que la lumière est au bout du tunnel et que 2022 sera synonyme d’opportunités : « Il y a une forte probabilité pour que l’on soit en fin de pandémie et que tout redémarre d’un moment à l’autre. La crise a accéléré les mutations de notre société : les gens veulent se faire de plus en plus plaisir, et avec des produits les plus sains possible. On perçoit une vraie volonté de profiter de la vie, ce qui est une bonne chose pour les bars, les discothèques demain, mais bien sûr aussi pour les hôtels et les restaurants. On devrait donc vivre une année 2022 qui certes démarre mal, mais sera exceptionnelle pour nos métiers. » Catherine Quérard place elle aussi « beaucoup d’espoir en l’avenir», notamment quand elle voit « comment les jeunes chefs gèrent leur établissement. À l’inverse de l’ancienne génération, ils ont une vision participative de leurs collaborateurs et une gestion très apaisée des ressources humaines. C’est cette génération qui va montrer l’exemple aux anciens et faire évoluer les mentalités. Et je suis convaincue qu’il y aura au final un avant et un après Covid, avec une tendance de notre clientèle à se lâcher de plus en plus, comme le montre l’augmentation des tickets moyens constatée depuis l’été dernier dans nos établissements. »
LA CRISE A ACCÉLÉRÉ LES MUTATIONS DE NOTRE SOCIÉTÉ : LES GENS VEULENT SE FAIRE DE PLUS EN PLUS PLAISIR, ET AVEC DES PRODUITS LES PLUS SAINS POSSIBLE.
Pour le président de l’Umih 44, l’enjeu de 2022 sera « donc avant tout de conserver cette dynamique d’adaptation dont ont su faire preuve jusqu’à présent les professionnels, de rester à l’écoute de la clientèle et de trouver les ressources humaines nécessaires. Car il n’y a pas plus dramatique pour un restaurateur que d’être dans l’impossibilité de rouvrir par manque de personnel. Il va aussi falloir réformer notre système de charges sociales car il faut impérativement qu’on puisse mieux payer nos salariés et prendre en considération les spécificités de nos métiers. C’est d’ailleurs ce que vient de faire toute la branche avec la validation de l’augmentation de salaire de 16 %. Lorsque celle-ci entrera en vigueur en avril 2022, nos métiers deviendront plus attractifs et les difficultés de recrutement s’estomperont. Car les horaires atypiques, la valorisation et la reconnaissance du travail sont des éléments qui avaient été pris en compte par un certain nombre d’établissements, mais qui restaient globalement à traiter. Au final, la crise sanitaire n’a été qu’un accélérateur et un révélateur d’un mal-être existant. Avec le confinement, des salariés comme des patrons ont redécouvert qu’ils avaient femme et enfants. Cela a forcément généré des interrogations légitimes sur le sens qu’ils souhaitent donner à leur vie et à leur travail en général. Avec forcément des départs ou des reconversions à la clé. Aujourd’hui, ces deux phénomènes ont créé des mutations auxquelles il va falloir nous adapter. »
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