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[ Dossier Filière Bois ] « Nous avons longtemps attendu cet intérêt pour le bois »

Entre les pénuries, les augmentations de prix, les problèmes de recrutement et les attaques contre ses dérives, la filière bois est chahutée. Alors que, dans le même temps, le bois n’a jamais autant séduit. On fait le point sur le territoire.

filière bois

© Benjamin Lachenal

Les difficultés actuelles de la filière bois mettent en lumière des faiblesses structurelles. Explications pour les Pays de la Loire.

Flambée des prix et pénuries révèlent les fragilités de la filière bois. Son utilisation est de plus en plus plébiscitée, notamment comme solution pour lutter contre le réchauffement climatique, mais la filière n’est pas encore suffisamment solide pour faire face à cette demande croissante.

Avec la réglementation environnementale 2020, qui entend améliorer l’empreinte carbone des bâtiments neufs et s’applique depuis le 1er janvier 2021, le bois est promis à un bel avenir. Des métropoles s’engagent, depuis quelques années déjà, des petites communes aussi, sur la construction comme sur l’énergie. « Nous avons longtemps attendu cet intérêt pour le bois », se réjouit Nicolas Visier, délégué général d’Atlanbois, l’association soutenue notamment par le Conseil régional et destiné à promouvoir la filière.

Mais, contrairement aux idées reçues, la forêt française n’est pas suffisamment exploitée, alors que sa surface n’a cessé de gagner du terrain : +20,6% depuis 1985. Dans la région des Pays de la Loire, pourtant peu boisée (voir l’illustration), on constate une augmentation de 74 000 ha en trente ans. Au total, on compte 390 000 ha de forêts soit 12% de la surface régionale (contre 31% au national).

Chaque année, la région produit 4,6 millions de tonnes de bois, provenant surtout de la forêt (75%), mais aussi de l’agriculture, de l’entretien du bocage ou encore de la collecte de déchets. Et, en réalité, seuls 50% de cette ressource sont exploités. Le double pourrait être utilisé tout en respectant l’environnement. Pour Atlanbois, il est ainsi « envisageable de doubler le parc de chaufferies collectives et industrielles sans mettre en péril la ressource, soit une augmentation de la consommation annuelle d’environ 400 000 tonnes de bois énergie à moyen terme ». Si les entreprises du territoire ont très peu recours à l’importation (qui est la cause du déficit de la balance commerciale enregistré par la France depuis plusieurs années), une augmentation de l’exploitation de ces forêts permettrait d’éviter à nos entreprises de se fournir dans les régions voisines, surtout en Centre-Val-de-Loire et en Bretagne.

« Nous sommes sur une Ressource qui pousse…» Karine Bouhier, présidente d’Atlanbois

« Auparavant, il n’y avait pas de marchés suffisants pour exploiter la forêt, d’où cette sous-exploitation, explique la présidente d’Atlanbois Karine Bouhier. Or les investissements demandent des perspectives de débouchés car ils sont très lourds dans notre filière. Pendant des années, l’État s’est désengagé. Alors que la gestion d’une forêt se fait sur un temps très long pour travailler les différentes espèces. Nous sommes sur une ressource qui pousse… »

« Nous manquons d’entreprises de grosse taille », Nicolas VISIER, délégué général d’Atlanbois

filière bois

©D.R.

DES FORÊTS TROP MORCELÉES

Une partie du problème réside dans le morcellement de forêts détenues en grande partie par des propriétaires privés (90% en Pays de la Loire contre 75% au national). « Ce morcellement fait que nous avons du mal à structurer la filière, analyse Nicolas Visier. On n’est pas sur de l’acier ou du béton. Nos scieries sont petites. Nous manquons d’entreprises de grosse taille pour aider à aller plus loin. » Le plan de relance national comprend d’ailleurs un volet de financement pour encourager l’investissement dans la filière.

Pour Nicolas Visier, l’objectif est donc d’accompagner les entreprises à grossir. « En Pays de la Loire, il faudrait aussi réussir à monter en gamme, avec des produits plus qualitatifs comme les lamellés – collés plutôt que de simples palettes. On ne peut pas nier une amélioration depuis trente ans. Mais nous sommes encore loin de pays comme l’Autriche où les entreprises de construction bois ont des bureaux d’études. Il y a aussi de gros besoins en termes de ressources humaines, on manque de grandes écoles. Peu d’ingénieurs issus de Polytechnique se tournent vers le bois… »

Autre conséquence du morcellement de la forêt, le type de bois présent sur le territoire ne correspond pas à la demande : « On scie surtout des résineux alors que nous avons en majorité des feuillus en Pays de la Loire car il n’y a pas suffisamment de forêts de production (des forêts exploitées par opposition aux forêts laissées en libre évolution, NDLR), explique Nicolas Visier. Cela ne veut pas dire qu’il ne faudrait que des forêts de production (car elles stockent moins de carbone et qu’elles sont moins efficaces pour préserver la biodiversité, NDLR). Mais il est important de produire du bois pour remplacer le plastique par exemple, et de le faire dans les meilleures conditions possibles. Il y a donc un équilibre à trouver. »

Les projets d’Atlanbois

Une association telle qu’Atlanbois existe dans chaque région de France. Le 25 juin, elles changeront toute de nom pour devenir « Fibois » auquel sera accolé le nom de la région en question. Atlanbois va donc devenir Fibois Pays de la Loire.

Parmi ses projets, une plateforme à venir en septembre pour mettre en avant tous les dispositifs existants sur la plantation d’arbres et l’organisation du Carrefour international du bois, programmé pour mai 2022 à Nantes.

Une filière attaquée

Si la filière bois est mise en avant pour son intérêt écologique, elle est aussi attaquée. C’est un sujet à forte dose émotionnelle, un peu comme celui des éoliennes : il y a un consensus grandissant sur la nécessité d’utiliser des énergies décarbonées mais pas si cela concerne la forêt où on se balade le dimanche. Mathieu Havard, de la société de bioénergie Bema, à Nozay, évoque « des machines qui sont stoppées en plein travaux par des promeneurs alors que l’abattage est réglementé » ou encore « la diffusion sur les réseaux sociaux qui conduit parfois la gendarmerie à devoir intervenir ».

L’exploitation du bois touche l’inconscient collectif. Plusieurs articles et reportages en dénoncent les dérives. Une tribune parue dans Le Monde du 21 mars évoquait ainsi une « déforestation » de la forêt française. Ce que les chiffres d’expansion de la forêt réfutent. « Il y a un amalgame avec ce qu’il se passe dans le monde. La déforestation est claire en Amérique du Sud, ça n’est pas le cas en Europe », souligne la présidente d’Atlanbois, Karine Bouhier. De son côté, Nicolas Visier réagit ainsi au documentaire Sur le front diffusé sur France 5 le 19 mars et qui dénonce coupes rases et utilisation du bois de bonne qualité pour le chauffage : « Pour moi, il faut essayer de ne pas se concentrer sur ce qui ne va pas sinon on ne voit plus que ça. Ce qui est dit dans le documentaire n’est pas entièrement faux ou inintéressant mais cela conduit à un regard biaisé sur la réalité de ces métiers. Par exemple, lorsque l’on dénonce l’utilisation des abatteuses. Plus personne ne veut être bûcheron aujourd’hui… C’est un métier difficile et dangereux. » Pour Pascaline Gorrée-Bourdaud, présidente de la scierie Bourdaud : « Il n’y a pas d’arguments qui me mettraient mal à l’aise. Nous sommes dans une logique d’achats et de transformation locales. Les coupes rases sont parfois nécessaires. Le seul vrai sujet à développer, c’est celui de l’exportation de notre bois. »

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