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[ Dossier : Économie du sport ] Les entreprises à la manœuvre

Dans la région, la filière sport emploie près de 15 000 salariés. Portées par une pratique qui se diversifie et l’essor du sport pour tous, les entreprises du secteur prennent une nouvelle dimension à côté de la sphère associative. Au départ centrés sur la performance, les rapports entre structures sportives et entreprises ont également évolué, au profit de partenariats à vocation sociétale.

Océane Lucas, championne du monde 2018 de wave-ski, sport

Océane Lucas, championne du monde 2018 de wave-ski © Solamanzi

Avec 26,5 licences pour 100 habitants selon les derniers chiffres de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep), dont près de 40 % de féminines, la région est la plus sportive de France au regard de la pratique en club. « C’est une force que la pratique féminine soit si importante même s’il reste du chemin à parcourir, attaque Anne Cordier, présidente du Comité régional olympique et sportif (CROS) des Pays de la Loire. Elle s’explique notamment par la démocratisation à Nantes des sports collectifs féminins et le succès des équipes professionnelles de hand, foot ou volley… La Ligue de football fait également beaucoup pour la féminisation et je suis convaincue que ce chiffre va continuer à grimper. »

Si les Pays de la Loire revendiquent un peu plus d’un million de licences sportives selon l’Injep, c’est la Mayenne qui affiche le taux le plus important (30,5 licences/100 habitants), devant la Vendée (29) et la Loire-Atlantique (29), le Maine-et-Loire (25) et la Sarthe (22,6). Ces licences se répartissent dans 10 000 clubs et établissements sportifs, qui s’appuient sur plus de 100 000 bénévoles. Pour ce qui est du sport non licencié, là encore les Ligériens sortent du lot : en 2018, 69 % ont pratiqué au moins un sport dans l’année (66 % dans la France entière) selon l’Injep. « Cette forte pratique, ce sont la diversité des activités proposées, mais aussi la couverture territoriale en clubs et en équipements qui l’expliquent, suggère la présidente du CROS. Les Ligériens peuvent en être fiers, d’autant qu’elle contribue au bien vivre dans les Pays de la Loire. »

Effectivement, avec 18 595 équipements sportifs recensés en 2017 (30 % de plus que la moyenne nationale), les Pays de la Loire sont les deuxièmes de l’Hexagone en nombre d’équipements sportifs pour 1 000 habitants (61,6), derrière le Centre Val de Loire (62,6). « Cependant, ces équipements sont globalement vieillissants, ce qui risque de poser problème à terme, surtout que l’enveloppe de l’État attribuée à cette mission est en baisse et tout sauf conséquente. Heureusement, certains territoires mettent en place des actions fortes pour inverser la tendance mais cela n’empêche qu’il faudrait globalement les rénover et donc trouver les finances nécessaires. »

UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE

Preuve que le secteur est porteur, le nombre d’entreprises liées au sport a pratiquement doublé en dix ans en France. Un dynamisme qui se vérifie aussi à l’échelle des Pays de la Loire, « puisque les effectifs de la filière ont augmenté de 2 % par an ces dernières années », confirme Anne Cordier. Si l’offre de pratique sportive se diversifie et que les loisirs se professionnalisent dans la région, tout cela modifie également en profondeur le modèle économique de la filière. Désormais, le secteur marchand, notamment les entreprises individuelles, se développe plus vite que le secteur associatif. « Le secteur des auto-entrepreneurs et des micro-entreprises a effectivement explosé, constate Nicolas Burcea, à la tête de PréparAction, une entreprise d’événementiel sportif implantée à La Garnache (85).

Un phénomène qui s’explique par le fait qu’on n’a jamais véritablement valorisé le statut d’éducateur sportif : ils travaillent en horaires décalés et sont payés au Smic. On a trop tiré sur la corde salariale et leurs compétences… D’où la montée en puissance des entreprises individuelles et commerciales. » Ainsi, le poids des entreprises individuelles est passé de 25 % en 2008 à 40 % en 2015, avec 2 240 structures. Le nombre de lieux d’enseignement de disciplines sportives et de loisirs (salles de sport, fitness, escalade…) a lui aussi fortement augmenté : il atteint 1 900 établissements en 2015 dans la région (+ 940 établissements en sept ans).

économie du sport

© D. R.

« SORTIR DE LA PERFUSION AUX SUBVENTIONS »

À l’inverse, celui des associations passe de 63 % à 47 % des établissements du noyau de la filière sur la même période. « On assiste ces dernières années à une professionnalisation des clubs sportifs, autrefois sous le statut d’association loi 1901, décrypte Nicolas Burcea. C’est le seul moyen pour eux d’arriver à un modèle économique durable financièrement et de pérenniser les emplois. D’ailleurs, certaines associations n’hésitent plus à engager des alternants en communication ou en événementiel car elles ont pris conscience des retombées financières que peuvent générer les réseaux sociaux. Le gros avantage de cette professionnalisation, c’est qu’elle offre la possibilité aux clubs de sortir de la perfusion aux subventions, tout en leur permettant de conserver ces dernières pour organiser de plus gros événements. »

L’essor récent du sport en entreprise et du sport santé n’est bien évidemment pas étranger à cette mutation, leur pratique présentant des bénéfices qui vont bien au-delà de la santé : « Ils permettent d’améliorer l’image de la marque employeur et la rentabilité des entreprises, analyse Yannis Mercier, à la tête de ACE2, une agence de conseil et formation en sport basée aux Essarts (85). Au-delà des bienfaits pour la santé du salarié ou l’amélioration de ses conditions de travail, le sport permet une meilleure cohésion des équipes et fait baisser l’absentéisme.

ALLER RECONQUÉRIR LES JEUNES LICENCIÉS

Avec la perspective des JO 2024 dont certaines épreuves sont prévues sur le territoire et les nombreux autres grands rendez-vous sportifs programmés dans la région, le secteur du sport apparaît plus que jamais comme une filière d’avenir.

« C’est effectivement le cas, puisqu’elle contribue au bien-être des habitants, confirme Anne Cordier. Économiquement, c’est une filière qui se porte plutôt bien. Toutes les parties prenantes sont en progrès et se développent au fil des années. La promotion de la pratique d’une activité physique pour tous contribue aux politiques de prévention en matière de santé et d’intégration, tout comme le développement de la pratique du sport en entreprise. Elles représentent un vecteur de développement économique, notamment avec la diversification des pratiques et la tendance accrue d’accompagnements sportifs individualisés. »

Néanmoins, les restrictions sanitaires successives imposées par le Covid ont mis un sérieux coup d’arrêt à l’essor de la filière. Sur le plan national, les entreprises du secteur ont affiché une perte de 3,2 Mds€ de CA au premier semestre 2020. Le commerce est le premier touché avec une perte d’environ 1,3 Md€, juste devant les industriels (1,26 Md€ de perte par rapport au premier semestre 2019). Les loisirs marchands (fitness, foot en salle, escalade) limitent la casse avec un manque à gagner d’environ 500 M€. « Dans la région, beaucoup de pratiquants n’ont pas repris leur sport en club, en particulier les adolescents. Certains clubs ont perdu également beaucoup de bénévoles, constate Anne Cordier. Tout ça a forcément fragilisé le secteur associatif. En revanche, dans le même temps, on a vu la pratique sportive autonome des Ligériens se développer, notamment vers les sports nature : marche, randonnée, cyclisme. Ces derniers ont été les grands gagnants de la crise sanitaire, à l’inverse des sports de contact comme la lutte, le karaté, la boxe… qui ont peiné à retrouver leurs licenciés depuis la fin des restrictions. Un des enjeux d’avenir de la filière est donc d’aller reconquérir ces jeunes pour les faire revenir à l’entraînement. »

LES SPORTS NATURE GRANDS GAGNANTS DE LA CRISE SANITAIRE, À L’INVERSE DES SPORTS DE CONTACT.

RENDRE LES FORMATIONS PLUS AGILES ET REVALORISER LES ÉDUCATEURS SPORTIFS

La présidente du CROS des Pays de la Loire identifie d’autre part le recrutement de personnes qualifiées comme challenge d’avenir pour le secteur : « Certains animateurs sportifs ont changé de vie à la suite de la crise sanitaire. La réalité, c’est qu’on a perdu de nombreux animateurs sur le terrain. Au niveau des comités départementaux et régionaux, on voit bien aussi que ça a bougé : le recrutement est moins évident alors qu’on a une offre de formation qui est pourtant très riche dans la région. Pour agir sur cette problématique, il faut gagner en agilité en proposant des filières professionnelles, avec des passerelles vers les universitaires de manière à ce que chaque étudiant puisse trouver sa place. Et d’une manière plus globale, il faut également revaloriser le travail des éducateurs sportifs ».

Autre enjeu de taille : « Travailler sur l’ensemble des derniers freins qui pèsent sur la pratique du sport, à commencer par l’aspect financier. Le gouvernement a mis en place en septembre dernier le Pass’port. D’un montant de 50 €, cette aide destinée aux 6 à 18 ans a permis 70 000 inscriptions dans les clubs sportifs de la région. Devant le succès rencontré, ce dispositif sera reconduit à la rentrée prochaine. » Le renforcement de la pratique sportive passera enfin par le développement du sport santé. « Oui, le sport de haut niveau c’est important, mais c’est aussi en favorisant la pratique du sport partout et pour tous qu’on aura plus de force pour le sport de haut niveau. D’où l’intérêt de renforcer encore la pratique d’activités sportives au sein des entreprises », conclut Anne Cordier.

sport

Proposé par PréparAction (85), le mur interactif est un concept unique en France, à mi-chemin entre digital et sport. © Preparaction

DE NOUVEAUX RAPPORTS ENTRE CLUBS ET ENTREPRISES

Avec ce nouveau modèle économique et dans un contexte de baisse globale des subventions, les rapports entre structures sportives et entreprises ont également été bouleversés. « À l’image de l’évolution récente de nos modes de consommation, l’économie du sport s’est récemment recentrée autour du local, valide Yannis Mercier d’ACE2. Ce qui fonctionne aujourd’hui, ce sont les engagements qui ont du sens pour l’entreprise et qui créent des cercles vertueux localement. C’est pourquoi certaines se demandent désormais comment communiquer sur leur engagement pour le territoire mais aussi comment le valoriser. Avant, les associations allaient voir les entreprises pour dénicher des sponsors et ne trouvaient pas toujours d’interlocuteurs disponibles. Aujourd’hui, la tendance s’inverse. Avec la crise, les associations ont moins sollicité les entreprises qui ont souvent maintenu leurs budgets communication et ont eu moins d’évènements ou de compétitions à accompagner ».

LES ENTREPRISES ONT ENCORE BEAUCOUP À APPRENDRE DES ASSOCIATIONS, NOTAMMENT SUR LE PLAN HUMAIN

Sur ce point précis, le rapport de force entre entreprises et associations semble s’être équilibré puisque ces dernières ont profité de la crise sanitaire pour poursuivre leur professionnalisation en retravaillant leur communication et en diversifiant leurs pratiques. Les dirigeants ont su s’adapter à ces nouveaux modes de management. « Les entreprises ont encore beaucoup à apprendre des associations, notamment sur le plan humain, poursuit le dirigeant d’ACE2. Les éducateurs sportifs ont des savoir-faire en management, en motivation ou en résilience qui peuvent être utiles au monde de l’entreprise en général. Et l’engagement associatif, qui se limitait hier à organiser la pratique sportive, permet aujourd’hui à n’importe quel bénévole de développer des compétences qu’il pourra ensuite valoriser sur le plan professionnel. »

FINI L’ARCHÉTYPE « PAYE-MOI 50 MAILLOTS, TU AURAS TON LOGO »

Pour ce qui est des dernières tendances en matière de sponsoring, « on assiste à une diversification des formes de partenariats avec beaucoup d’innovations, constate le dirigeant de PréparAction. Il faut désormais trouver les moyens de sortir du lot pour être plus innovant dans les produits, la démarche, les valeurs, la quête de sens… » Dans la région, les initiatives novatrices ne manquent pas, à commencer par le projet de rachat du FC Nantes par le Collectif Nantais ou la création du Team sport Vendée, qui mobilise des entreprises locales souhaitant conserver leurs athlètes de haut niveau sur leur territoire. Autrefois réservé aux grosses entreprises comme Sodebo, le sponsoring s’est également démocratisé et s’est ouvert aux TPE et PME, qui en profitent pour gagner en notoriété à l’image d’Anapack avec les Neptunes de Nantes.

Match de basket, sport

© I.J

« Autrefois basé sur la performance sportive, le levier pour aller chercher des fonds est désormais la performance sociétale : la mixité, le sport pour tous, le territoire… poursuit Nicolas Burcea. On est donc clairement sortis de l’archétype « paye-moi 50 maillots, tu auras ton logo ». Aujourd’hui, il vaut mieux soutenir, même à hauteur de 500 €, un jeune du coin qui va s’aligner aux prochains JO, y compris dans une discipline confidentielle. Pas parce qu’il générera plus de retombées mais plutôt pour tout ce qu’il sera susceptible d’apporter à l’entreprise à travers son témoignage. L’autre bonne nouvelle, c’est que tous ces changements ont permis un retour en force du mécénat, y compris de compétences, trop longtemps oublié et sous-estimé. »

Nautisme et fabrication de vélo en tête de peloton

Si la pratique sportive est importante dans les Pays de la Loire, elle est également source de nombreux emplois. Ainsi, la filière sport emploie au total près de 15 000 personnes, soit 1,1 % de l’emploi régional, dont environ 8 000 salariés du secteur sportif direct (associations et entreprises) et 7 560 salariés dans la filière amont du sport (fabrication et vente d’articles de sport). La majorité de ces derniers travaille dans de grands établissements : les 20 plus gros établissements emploient 4 090 salariés, soit 54 % des salariés de l’amont du sport. « La région a la particularité de disposer d’une filière amont qui a du poids, avec notamment une industrie nautique et de la construction de matériels de vélo particulièrement importante », analyse Pascal Seguin, directeur régional de l’Insee Pays de la Loire.

Effectivement, le nautisme est l’une des trois filières sportives phares de la région grâce à sa façade atlantique. Les 60 établissements de ce secteur d’activité emploient à eux seuls 48 % des salariés ligériens de l’amont du sport, soit 3 670 salariés, et font des Pays de la Loire la première région pour la construction de bateaux de plaisance. Deuxième spécificité industrielle, le secteur de la fabrication de vélos classe les Pays de la Loire au troisième rang des régions françaises pour l’emploi salarié, avec 350 salariés en 2015. La vente d’articles de sport emploie quant à elle un tiers des salariés de l’amont du sport dans la région, soit environ 2 500 salariés. Les Pays de la Loire étant la deuxième région où les actifs pédalent le plus pour se rendre à leur travail, derrière le grand Est, cela favorise également les commerces de vente et de réparation de bicyclettes. Au total, le secteur du sport dégage ainsi environ 600 M€ de richesse chaque année, soit 1 % de la valeur ajoutée régionale, dont 355 M€ générés par la filière amont du sport, selon les derniers chiffres de l’Insee. Ce taux positionne la région au 7e rang français, juste après l’Occitanie et avant la région Grand Est et la Bretagne.

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