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CPME 44 : « Entrepreneurs en difficulté, vous n’êtes pas seuls »

NAPF et la CPME 44 organisaient le 4 juin une conférence en visio sur la prévention des difficultés des entreprises. Histoire de faire une piqûre de rappel sur l’importance de l’anticipation en cette période de crise. Avec un témoignage apprécié d’une entreprise qui a bénéficié d’une procédure de conciliation.

Entrepreneurs

© D. R.

Le niveau de défaillances d’entreprises est toujours bas. -42% à la fin mars en Pays de la Loire selon la Banque de France. Un effet rattrapage est attendu, avec la fin à venir des aides gouvernementales. Sans que le niveau de défaillances « n’aille plus loin que cet effet rattrapage », indique Hassiba Kaabeche, directrice régionale de l’institution. Reste que des entreprises se trouvent aujourd’hui en difficulté mais que les procédures amiables – mandat ad hoc et conciliation – auprès du tribunal de commerce sont toujours très peu sollicitées.

Alain Bessaudou, responsable du groupement de prévention agréé en Loire-Atlantique (lire l’encadré), martèle : « Entrepreneurs, vous n’êtes pas seuls ! Ces procédures amiables sont des procédures de gestion, confidentielles et non punitives. Il est important d’anticiper pour éviter la cessation de paiements… »

Ce qu’il faut, c’est du cash

Guillaume Cornu, associé chez EY et responsable de l’offre Restructuring et Cash Management et du Marché entrepreneurs en France, rappelle : « Le cash est plus que jamais le nerf de la guerre et il est primordial de développer un outil de pilotage spécifique de sa trésorerie. Il faut être hyper pragmatique pour le préserver. Dans ces situations, on se moque de la rentabilité. Ce qu’il faut, c’est du cash. Tout le monde est impacté par cette crise donc il n’y a pas de tabou à avoir sur le sujet. » Et d’ajouter dans un langage assumé : « Les emmerdes viennent en escadrille. Il est crucial de s’entourer de bons conseils, ne pas être dans le déni et n’écarter aucun scénario. »

Ainsi Pascal Servientis, en charge du Restructuring et du Cash management chez EY Pays de la Loire, a présenté un outil dédié au pilotage de ce cash. « Il doit faire apparaître les besoins bruts liés à l’exploitation, intégrer les risques, faire ressortir les lignes de financement existants et identifier les mesures pour faire face aux besoins, que ce soit au niveau du management, de celles proposées par le gouvernement ou l’option d’un restructuring. »

Cet outil de pilotage est aussi un outil de communication, « fondamentale » auprès des banques, du tribunal de commerce, des prêteurs, etc. « C’est la base des discussions pour préparer l’avenir de la société et éviter la cessation de paiements », explique Pascal Servientis.

Une nécessaire transparence

Simon Ternynck, directeur des risques au Crédit agricole Atlantique Vendée, a de son côté partagé la vision bancaire. Appelant justement à cette communication nécessaire, il parle d’une « dichotomie de point de vue entre dirigeants et banques car ces dernières ne disposent que du bilan annuel sur les capacités financières de l’entreprise » et de la nécessité que les deux parties prenantes comprennent la position de chacun. « Quand il y a plusieurs banques, on recherche une cohésion. C’est la philosophie de notre accompagnement afin d’éviter les défaillances. D’où, parfois, la recherche d’une procédure de conciliation car c’est l’outil qui permet une négociation équilibrée entre les différentes parties prenantes. » Il évoque aussi la nécessaire « transparence » à adopter auprès des banques : « Nous avons besoin d’informations complètes. Quand un audit est réalisé, cela rassure un banquier car on dispose ainsi d’une structuration logique de la situation de l’entreprise. » Et d’admettre : « Il est normal qu’un banquier perde confiance dans un dirigeant en difficulté. C’est un réflexe, de prendre du recul. D’où l’importance de la posture du dirigeant. Peut-on avoir confiance ? Saura-t-il insuffler une impulsion nécessaire pour le reste de la bataille ? »

Le codirigeant de Mag’m Charles Mathé, qui a réussi à s’en sortir grâce à une procédure de conciliation (lire l’encadré ci-contre) entend délivrer ce message aux entrepreneurs en difficulté : « Le système, avec les procédures amiables, permet de s’en sortir. En réalité, les intérêts s’alignent car personne ne veut perdre. Il est donc important de coopérer et de ne pas être dans le déni. »

 

Le témoignage de Mag’m

Le couple de chefs d’entreprise Laurence et Charles Mathé, dirigeants de Mag’m, ont témoigné des difficultés traversées par leur société et de la manière dont ils s’en sont sortis, avec une transparence qui a beaucoup touché les participants à la visioconférence. Mag’m est une entreprise, basée à Geneston, de fabrication de produits pâtissiers, surtout des macarons, créée en 2005 par quatre associés, qui emploie une centaine de personnes et a réalisé un CA de 12M€ en 2019, majoritairement à l’export (55%). Charles Mathé raconte le déroulé des difficultés qu’ils ont rencontrées en chaîne : « Jusqu’en 2013, nous étions dans une croissance maîtrisée. Nous avons agrandi l’usine en 2014 car nous arrivions à saturation. Mais, rapidement, le prix des matières premières a flambé, en particulier de 100% pour l’amande. Nous ne pouvions pas répercuter une telle hausse sur nos clients. Un des associés a alors perdu pied et nous avons perdu 12% de CA. On a racheté les titres de l’associé par la dette et on est partis à la reconquête du chiffre. Mais nous avons rencontré des difficultés de production et les pertes ont été importantes. En 2017, les tensions sur la trésorerie sont fortes. Avec un signal : un refus d’autorisation de découvert. Nous avons donc entamé une procédure de conciliation en 2018 après avoir pris de multiples conseils. La pression était grande. J’ai perdu sept kilos en un an. Tout était nouveau avec cette procédure, au langage qu’on ne connaissait pas. On était perdus. Mais bien conseillés.

Du sang neuf

Nous avions deux axes d’actions : redresser la barre et recapitaliser. Nous avons présenté aux banques un plan sur trois ans. Quand on a ‘‘la tête dedans’ ça semble très long. Dans mon quotidien, je suis devenu un cash manager… Toutes mes actions étaient orientées sur l’optimisation du cash. » Et Laurence Mathé d’ajouter : « Moi je me suis transformée en assistante sociale… Nous avons été des locomotives. Nous nous devions de garder le sourire pour les salariés. Je me demande comment nous avons trouvé cette force, nous étions anéantis. » Charles Mathé reprend le récit : « Ce qu’on a senti, c’est aussi un état de défiance énorme, l’impression que plus personne ne nous croyait. Donc on a laissé nos conseils et mandataires communiquer auprès des banques. Nous avons reçu beaucoup de soutien de la CPME et de la Fédération des entreprises de boulangerie. On ne regrette pas de s’être ouverts. En plus, il y a eu un fort turn-over sur toute cette période. Parmi le comité de direction en place en 2015, 90% sont partis. Mais le sang neuf nous a aussi beaucoup apporté. » Après plusieurs échecs de recapitalisation, Mag’m est parvenu à un protocole de conciliation en novembre 2020 et a recentré son activité sur son cœur de métier.

Le projet de groupement de prévention agréé de la CPME 44 :

Le groupement de prévention agréé est un système d’aide expérimenté par la CPME Centre Val de Loire et repris en Loire-Atlantique. L’agrément de la préfecture vient d’être obtenu. Il s’agit, via une cellule d’écoute, d’identifier la nature des difficultés du dirigeant. Le GPA analyse le dossier puis organise un suivi avec des experts, un accompagnement dans la mise en place de procédures amiables ou collectives ou un soutien en cas de liquidation judiciaire. « Les entrepreneurs sont d’abord des êtres humains et il est important de parler de pair à pair. Nous ne sommes pas là pour juger, mais pour aider », souligne Alain Bessaudou, responsable du GPA 44.

 

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